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« Le marché parallèle de la devise se maintient car la demande n’a pas baissé » (Omar Berkouk)

Par Kheireddine Batache
avril 22, 2020
« Le marché parallèle de la devise se maintient car la demande n’a pas baissé » (Omar Berkouk)

Le passage de la pandémie Covid-19 en Algérie n’a jusque là pas épargné beaucoup d’activités économiques, notamment au sein du secteur informel. Mais le marché parallèle de la devise déroge à la règle. Dans cet entretien exclusif, l’expert financier international, Omar Berkouk, nous explique comment et pour quoi la plateforme du « square Port Said » tient bon face aux assauts du Coronavirus.

Maghreb Emergent : Comment expliquez-vous la résilience affichée par le marché parallèle de la devise face à la crise économique, d’un point de vue macroéconomique ?

Omar Berkouk : Et bien lorsqu’on parle de marché parallèle de la devise en Algérie, il n’y pas de macroéconomie qui tienne. Le square est essentiellement alimenté via deux sources : le phénomène de la surfacturation issue de l’importation et les transferts de fonds de la diaspora. Le premier cas de figure a été frappé de plein fouet par les derniers évènements politiques qui se sont produits au pays. Pas mal de barons de l’importation dont les activités frauduleuses maintenaient le Square sous perfusion de devises (Euro et dollar), sont actuellement en prison. Ce phénomène s’est plus ou moins arrêté, car il n’est plus intéressant de rapatrier des devises en Algérie pour les convertir en investissements ou en commerce. Les vannes se referment et l’offre diminue sur le marché, parallèlement à la demande qui a largement reculé du fait des restrictions sur le transport aérien et le tourisme.

Il y a donc un figement qui maintient le niveau des l’euro et du dollar sur le marché informel à des taux relativement élevés. Mais ce n’est en aucun cas lié à une quelconque appréciation de la monnaie algérienne face aux monnaies de référence, que ce soit au taux officiel ou officieux.

Les cours parallèles de devise n’ont pas été affectés par les dernières fluctuations de l’offre et la demande. Le marché n’a perdu qu’environ 15% de sa valeur pour l’euro puis s’est vite maintenu à un niveau relativement élevé. Comment cela s’explique-t-il à votre avis ?

Si le taux officieux n’a pas été affecté c’est par ce que la demande n’a pas complètement disparu, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Pour des motifs d’épargne ou autre, les Algériens continuent d’acheter de la devise. Mais il faut comprendre qu’il s’agit d’une tendance qui ne peut s’expliquer de manière rationnelle, car la valeur de la monnaie, qui est constamment dévaluée pour faire face à l’inflation et les mécanismes de fixation du taux officiel et par extension l’officieux, n’obéissent pas à des facteurs macroéconomiques. Si c’était le cas, le dinar s’échangerait à 220% au taux officiel, car c’est celui-ci qui n’est pas en phase avec la réalité de l’économie en Algérie, pour des raisons dictées par la balance des paiements et son rapport au commerce international. La logique voudrait que les deux taux, officiel et officieux, se rapprochent progressivement et se rejoignent à un niveau qui sera plus prêt du taux fixé au Square. Malheureusement, cela ne signifierait en aucun une reprise du dinar, si un tel cas de figure venait à se produire.

Le dollar américain s’est même revigoré et a atteint des records historiques. Les cours d’hydrocarbures y sont-ils pour quelque chose ?

Ce n’est pas exclusif au dinar du taux officieux. Le dollar américain s’est revigoré par rapport à toutes les monnaies du monde. Il s’échange actuellement à 1.09 euro. Il existe une grande variété de taux de change correspondant plus ou moins à deux grands types de régimes : le régime de changes fixes et le régime de changes flottants (ou flexibles). Il faut savoir que la monnaie algérienne est ce qu’on appelle une monnaie administrée par la banque centrale algérienne. C’est encore une fois dû à une particularité de la balance des paiements. L’Algérie achète en euro et vend en dollar. Elle a donc plus intérêt à laisser filer les cours du billet vert. L’émission de monnaie dépend strictement des quantités de monnaie de référence mises en réserve par la banque centrale. C’est certes une manière de régulation des taux qui est peu orthodoxe, mais elle permet à l’Etat d’augmenter ses gains de change. Tandis le marché parallèle suit un système d’un régime de change flexible (ou flottant), à l’inverse, aucun engagement n’est pris au sujet du taux de change, qui évolue librement, en fonction de l’offre et de la demande sur le marché des changes.

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