Pour des observateurs marocains, la protestation du Maroc contre son classement sur une liste de 40 pays les moins fréquentables pour les touristes français est une sorte de rappel à la France pour recadrer les relations bilatérales. Ces relations sont altérées depuis février dernier par des plaintes pour tortures déposées par une ONG française contre le directeur du contre-espionnage marocain, Abdelatif Hammouchi.
L’inclusion du Maroc dans une liste française de 40 pays les moins »fréquentables » par les ressortissants français provoque des réactions vives à Rabat. Dans un entretien paru jeudi dans les colonnes du quotidien marocain L’Economiste, le ministre marocain de l’Intérieur, Mohamed Hassad, ne cache pas sa colère : « Nous avons été très surpris que le Maroc soit mis sur une liste de vigilance. Nous sommes mieux que plusieurs pays européens, y compris la France. »
Avant sa mise à jour suite à l’assassinat du ressortissant français Hervé Gourdel en Algérie, le 24 septembre 2014, et les menaces du groupe armé Etat Islamique contre la France, le royaume chérifien figurait déjà dans la black list des pays les moins fréquentables pour les ressortissants français.
A Rabat, les milieux diplomatiques estiment que la sortie du ministre marocain de l’Intérieur est, en réalité, une sorte de rappel à la France pour recadrer ses relations avec le Maroc, passablement altérées depuis février dernier par des plaintes pour tortures déposées par une ONG française contre le directeur du contre-espionnage marocain, Abdelatif Hammouchi.
Une crispation qui date de février dernier
Le Maroc avait vigoureusement protesté en février 2014 après la remise à l’ambassade du Maroc à Paris d’une convocation devant un juge parisien à Abdelatif Hammouchi, alors présent dans la capitale française avec une délégation officielle. Cette convocation faisait suite à une plainte de l’Association des chrétiens contre la torture (ACAT).
L’ACAT avait actionné une plainte pour »complicité de torture » contre Abdelatif Hammouchi, sur des soupçons de tortures dans le centre de détention de la Direction générale de la surveillance du territoire à Temara, à 6 km au sud de Rabat. Son initiative s’appuyait sur les témoignages recueillis en France auprès de trois Marocains, qui avaient déclaré avoir subi des actes de torture dans le centre de détention en question.
Le patron de la DGST avait été alors rapatrié immédiatement à Rabat par un avion spécial et le Maroc avait officiellement protesté contre cette « atteinte grave aux règles élémentaires de la coopération entre les deux pays ». Le mercredi 26 février, il annoncera la suspension de « tous les accords de coopération judiciaire avec la France » afin d’ »évaluer leur impact et les actualiser dans le but de remédier aux dysfonctionnements qui les entachent ».
Me Pierre Bréham, un des avocats des plaignants contre Abdelatif Hammouchi, avait relevé que la décision marocaine »va avoir de lourdes conséquences civiles pour des milliers de Franco-marocains ». « Par exemple, plus aucun acte de mariage ou de filiation ne pourra être exécuté dans les deux pays ». Et au niveau pénal, avait-il ajouté, « cela signifie qu’on ne peut plus faire de demandes d’extradition, d’auditions de témoins ou de transfèrements ».
Toujours suspendues, les relations judiciaires entre Paris et Rabat font l’objet actuellement »de discussions. »J’espère que cela va aboutir bientôt », a déclaré à L’Economiste le ministre marocain de l’Intérieur, Mohamed Hassad.
Plusieurs hauts gradés marocains, soupçonnés d’être impliqués dans des cas de torture avérée, ne sortent plus du pays, dont le commandant de la gendarmerie royale, Hosni Benslimane, un des protagonistes encore vivants de l’enlèvement en France, le 29 octobre 1965, du dirigeant de la gauche marocaine Mahdi Ben Barka.
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