Le plan budgétaire des professeurs Boucekkine et Medahi face au contre-choc pétrolier (document) - Maghreb Emergent

Le plan budgétaire des professeurs Boucekkine et Medahi face au contre-choc pétrolier (document)

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Cette contribution est une proposition de plan de sortie de crise pour l’économie algérienne afin qu’elle évite des conséquences aussi fâcheuses que celles engendrées par le premier contre-choc pétrolier, celui de 1986*.

 

 

RESUME

Nous proposons des mesures pour la politique budgétaire et le financement de l’économie.

Politique budgétaire du Gouvernement : 

 

–          Annonce d’une trajectoire budgétaire étalée dans le temps, par exemple une période de 3 à 4 ans, pour afficher une vision qui dépasse le très court terme et pour répartir dans le temps les efforts d’ajustement.

–          Maintenir pendant plusieurs années le montant nominal actuel des dépenses de fonctionnement, afin de les faire baisser en terme réels.

–          Les coupes dans les dépenses d’équipement, si elles sont maintenues, doivent être modérées étant donné que l’investissement privé ne peut pas prendre le relais à très court terme. Des coupes drastiques dans l’investissement public auront un coût social significatif, notamment en termes de chômage, et précipiteraient le pays dans la stagflation, combinées avec les mesures d’ajustement de la balance de paiement nécessaires prises par ailleurs. Selon la même logique, il est impératif de ne pas bloquer l’importation de l’approvisionnement industriel et des machines et biens d’équipement.

–          Augmenter l’investissement privé pour compenser la baisse des dépenses publiques devrait être une priorité. Nous recommandons que le gouvernement accepte pendant la période d’ajustement actuelle tous les projets déposés justifiés économiquement et qui sont conformes à la loi.

–          Règle du 51/49% : Selon les secteurs (par exemple le tourisme) et la taille de l’investissement (PME), nous recommandons de permettre une possession étrangère supérieure à 49% mais de limiter les transferts de bénéfices à 49%, et de moduler les avantages que reçoivent ces sociétés en fonction de la part étrangère.

–          Cibler les subventions aux particuliers et les réduire de manière graduelle pour qu’elles retrouvent à terme leur caractère social.

–          Maintenir la TAP à ses niveaux de la LFC 2015.

–          Maintenir tous les taux de l’IBS (production, services, importations) à leur niveau de la LFC 2015, à l’exception du tourisme qui devrait baisser.

–          Réduire les subventions implicites aux entreprises et modifier la politique fiscale et les tarifs douaniers pour inciter les entreprises à augmenter leur taux d’intégration.

–          Augmenter la TVA sur les produits de luxe et les produits importés.

–          Pour stopper la progression de la consommation d’énergie, nous recommandons de :

  • Arrêter l’importation de véhicules roulant au diesel.
  • Limiter pendant quelques années l’importation de voitures à 100 000 ou moins.
  • Instaurer pendant quelques années un monopole d’Etat pour l’importation de climatiseurs économes en énergie.
  • Baisser et interdire à terme la production de climatiseurs non économes en énergie.

–          Impliquer la Banque Mondiale dans les Partenariats Public Privés (PPP) à travers l’évaluation, le financement, et la réalisation des infrastructures pour lutter contre la corruption et la surfacturation.

–          Impliquer les banques privées dans le financement de projets d’infrastructure pour éviter une panique bancaire qui prendrait la forme d’un transfert massif de l’épargne privée des banques publiques vers les banques privées.

–          En plus de donner une prime de 20% aux opérateurs nationaux dans les coûts des projets, nous recommandons une extension de 40% du délai de réalisation des projets. Ceci permettra de faire travailler plus les entreprises nationales et de garder plus d’argent dans l’économie du pays.

–          Orienter en priorité les aides aux secteurs où la production nationale ne comble pas la demande interne.

–          Créer trois grands pôles touristiques et balnéaires pour répondre à la demande interne. La construction et le fonctionnement de ces pôles demanderont une forte main d’œuvre.

–          Créer des incitations fiscales pour que les grandes entreprises publiques et privées transfèrent certains de leurs services (comptabilité, centre d’appels, etc.) dans les régions du sud et des hauts-plateaux.

 

Financement de l’économie :

 

–          L’endettement externe ne doit pas être envisagé pendant plusieurs années car il se ferait à un taux élevé alors que nous prêtons nos réserves de change à de faibles taux.

–          Pour financer l’endettement interne, nous recommandons de créer des bons du Trésor protégés de l’inflation dit TIPS (Treasury Inflation Protected Securities) pour que l’acheteur des bons ne porte pas le risque d’inflation.

–          Pour résoudre à long terme le problème d’excès de liquidités, nous recommandons que la Sonatrach possède un compte en devises à l’instar des autres sociétés exportatrices et des citoyens. Le montant maximal de ce compte en devises devra être fixé par la Banque d’Algérie et le Conseil National de l’Energie.

–          Politique monétaire de la Banque d’Algérie : Afin de stimuler l’économie, nous recommandons de

  • Stopper au plus tard en juin 2016 le programme de reprises des liquidités.
  • Baisser la rémunération des facilités de dépôts à un taux nul ou négatif.
  • Réduire le taux des réserves obligatoires des banques et leur rémunération.

–          Intermédiation financière des banques : Nous recommandons de

 

  • Mettre en place les incitations pour que les ratios de solvabilité des banques baissent.
  • Diminuer significativement l’écart (spread) entre le taux de prêt à un an et le taux de rémunération des dépôts à terme qui est trop élevée (4,75%). Il devrait être inférieur à 2%.
  • Modifier la courbe des taux qui ne doit pas être plate, c’est-à-dire avoir le même taux d’intérêt pour n’importe quelle maturité, car la situation actuelle incite les banques à privilégier les prêts à court terme qui financent les importations.
  • Mettre la rémunération des dépôts à terme au-dessus de l’inflation anticipée.
  • Développer la finance islamique.
  • Permettre aux banques de sortir les anciennes mauvaises créances de leur bilan.
  • Transférer les prêts type ANSEJ dans une entité spéciale.

 

  1. L’austérité

Oui, l’heure de l’austérité a sonné. C’est le principal message du projet de la Loi des Finances (LF) 2016 : baisse de 9% pour les dépenses totales; baisses de 3,3% pour les dépenses de fonctionnement et de 16% pour les dépenses d’équipement. En terme nominal, c’est-à-dire sans prise en compte de l’inflation, la baisse des dépenses est la plus élevée depuis le recouvrement de l’indépendance du pays, largement plus que celle de l’année de l’ajustement structurel (-4,6% en 1996). En prenant compte de l’inflation (terme réel)1, ce qui est la bonne façon de comparer, et sous l’hypothèse optimiste d’une inflation de 5% en 2016, nous aurons une baisse de 14% des dépenses, soit nettement plus que les plus mauvaises années que sont 1986 (-10,3%), 1990 (-8,3%), 1994 (- 10,2%). Seule l’année 1996 a connu une baisse plus élevée (-23,3%)2. De la même manière, la baisse en terme réel des dépenses d’équipement (-21%) placerait l’année 2016 au même niveau que l’année 1986 (-22,3%), bien au-dessus des années 1990 (-10,3%) et 1999 (-14,4%), mais nettement loin de 1996 (-57,9%).

Il est vrai que la situation de l’économie est alarmante. En effet, le prix du pétrole, soit la principale ressource de recettes fiscales et de devises du pays, a vu son prix s’effondrer en passant de 110 dollars le baril fin juin 2014 à 50 dollars fin septembre 2015, avec un minimum à 43 dollars en août dernier, et une moyenne de 56,6 dollars pour les neuf premiers mois de l’année en cours. Tout porte à croire que les prix resteront bas jusqu’à fin 2016 au minimum : une offre de pétrole abondante, qui va s’accentuer avec l’arrivée du pétrole iranien sur le marché, et une demande en berne à cause notamment du brusque ralentissement de l’économie chinoise, et ce malgré la baisse des prix internationaux dans nombre de marchés, en particulier ceux des matières premières.

Cette baisse brutale et persistante du prix du pétrole a des conséquences dramatiques pour l’économie du pays :

–          Un déficit budgétaire abyssal pour l’année 2015 : 12,12% du PIB.

–          Une forte baisse du dinar par rapport au dollar : -25 % depuis juin 2014.

–          Un effondrement des exportations : – 39,7% pour les huit premiers mois de l’année.

–          Une balance commerciale très négative : -6,9% du PIB pour l’année 2015.

–          Une baisse significative des réserves de changes : – 33 mds $ entre juin 2014 et juin 2015.

–          Une forte baisse du Fonds de Régulation des Recettes : -33,3% entre juin 2014 et juin 2015.

 

La conséquence la plus grave de l’effondrement du prix du pétrole est un déficit budgétaire extrême. En effet, en prenant en compte la fiscalité pétrolière totale (et non pas celle calculée sur la base de 37 dollars le baril comme le fait la Loi de Finances) dans le calcul des recettes de l’année 2015, nous aurons un déficit budgétaire de 2212 milliards (mds) de DA.3 Pour pouvoir faire une  comparaison.

Dans le temps, les économistes rapportent le déficit par rapport à la richesse produite par le pays (PIB), ce que nous allons faire dans toute la suite du document. Nous parlerons donc implicitement de déficit budgétaire en faisant référence au ratio de ce déficit par rapport au PIB en %. La Figure 1 montre l’évolution du ratio du solde budgétaire par rapport au PIB sur la période 1965-2015, soit un demi-siècle. Il y a déficit quand ce ratio est négatif et surplus sinon. Le déficit budgétaire de l’année 2015 sera de 12,12% du PIB. Comme l’indique la Figure 1, c’est le second plus grand déficit du pays depuis le recouvrement de l’indépendance après celui de 1993 (13,74%) et devant ceux des années 1992 (10,08%), 1988 (7,54%), et bien loin de celui de 1986 (4,09%).

La situation actuelle rappelle évidemment celle du premier contre-choc pétrolier de 1986. Un rappel historique de certains chiffres est utile à ce niveau. Suite à la baisse des dépenses publiques de l’année 1986, qui sont du même niveau que celle annoncée dans le projet de la LF 2016, la croissance du PIB a été de 0,4% en 1986, -0,7% en 1987 et -1% en 1988, c’est-à-dire que l’économie du pays a été en récession pendant deux années ; le taux de chômage est passé de 9,5% en 1985 à 11,4% en 1986 avant d’exploser à 21% en 1987 ; quant à l’inflation, elle est passée de 10,5% en 1985 à 12,3% en 1986 avant de baisser à 7,5% en 1987.

Il y a objectivement une urgence à court terme pour le gouvernement : la réduction du déficit budgétaire. C’est ce qui explique la tournure austère du projet de la LF 2016. Pour bien mesurer la signification des chiffres annoncés, une baisse de 9% des dépenses représenterait 690 milliards (mds) de DA, soit 3,8% du PIB.4 Ceci ramènerait le déficit autour de 8%, ce qui reste certes élevé, mais l’essentiel est d’entamer un processus de rationalisation budgétaire avec un effort significatif, ce qui serait le signal fort d’un vrai changement. Mais pour que ce changement soit crédible, il est crucial de notre point de vue que le gouvernement annonce en même temps une trajectoire budgétaire, étalée dans le temps, et ne se contente pas d’un catalogue technique comme l’est par construction une loi de finances. Il y a deux raisons fondamentales à procéder de la sorte au-delà même de la question de crédibilité. D’une part, le gouvernement doit afficher une vision qui dépasse le très court terme et installer ainsi le pays dans cette démarche de rationalisation inter-temporelle comme disent les macro-économistes, à défaut de quoi l’action gouvernementale risque d’être imprégnée d’une forte impression de sauve-qui-peut. Par ailleurs, cibler une trajectoire budgétaire étalée dans le temps permet de répartir les efforts dans le temps, ce qui permet en général d’éviter d’étouffer l’activité économique. C’est le sens des demandes de report répétées du gouvernement français à la Commission Européenne pour l’autoriser à revenir en dessous des seuils de déficit fixés par le traité de Maastricht à l’horizon 2017. Nous développons ce point ci-après.

Le reste de ce document contient trois sections. Nous commençons par comparer les deux périodes de contre-choc pétrolier (1986 et 2014-2015). Ensuite nous abordons la problématique de la politique budgétaire en temps de crise et nous donnons des recommandations. La dernière section aborde le problème du financement de l’économie pour lequel nous faisons des propositions. Nos propositions sont évidemment non-exhaustives et n’abordent pas certains domaines qui font l’objet de recommandations par d’autres confrères et compatriotes.

 

  1. Comparaisons des deux périodes de contre-choc pétrolier

Cette section compare dans le détail plusieurs paramètres économiques des deux périodes de contre-choc pétrolier5, c’est-à-dire 1986 et 2014-2015.

Equilibre Budgétaire : Le déficit attendu cette année est de 12,12% du PIB, ce qui est nettement plus élevé que celui de l’année 1986 (4,09%). De plus, comme l’indique la Figure 1, avant le premier contre-choc pétrolier, il y avait eu des surplus budgétaires (3,70% en 1984 et 2,06% en 1985) alors que ce n’est pas le cas pour la période récente (déficits de 4,44% en 2012 ; 3,56% en 2013 et 7,12% en 2014) malgré un prix de pétrole élevé et au-dessus de 100 dollars.

Recettes : Les recettes de cette année (29,6% du PIB) seront du même niveau que celles de 1986 (30,3%) et 1987 (29,8%). Les niveaux sont aussi semblables pour les années précédant les contre- chocs pétroliers. Il y a néanmoins une différence dans la composition des recettes puisque les recettes ordinaires étaient plus élevées au cours de la période du premier contre-choc pétrolier ; voir Figure 2. La faiblesse des recettes ordinaires est un vrai problème que les autorités doivent régler car depuis 1990 elles couvrent seulement la moitié des dépenses de fonctionnement ; voir Figure 3.

Dépenses : Les dépenses sont beaucoup plus élevées actuellement que lors du premier contre-choc pétrolier ; voir Figure 4. Sur la période 1982-1986, la moyenne des dépenses était de 34,1% du PIB contre 40,7% pour la période 2011-2015, ce qui représente une grande différence (6,6%) et qui explique les niveaux de déficits actuels. La décomposition des dépenses indique que la moyenne des dépenses de fonctionnement était de 17,4% pour la période 1982-1986 contre 26,6% pour la période 2011-2015 et un niveau de dépenses d’équipement plus élevé lors de la première période (16,7% contre 14,1%). C’est donc la grande différence entre les dépenses de fonctionnement (9,2%) qui explique l’écart entre les déficits des deux périodes ; voir Figure 5.

Il est intéressant de noter que pour les deux périodes, les dépenses d’équipement ont commencé à baisser avant le contre-choc pétrolier à cause de l’augmentation des dépenses de fonctionnement et aussi celle du PIB.

Par ailleurs, suite au premier contre-choc pétrolier, les dépenses de fonctionnement sont restées élevées pendant quatre années (20,6% en 1986 ; 20,4% en 1987 ; 21,9% en 1988 ; 19% en 1989) avant de baisser fortement en 1990 (16%), ce qui suggère que les gouvernements de l’époque n’ont pas réalisé que le contre-choc était durable. Le second contre-choc pétrolier a commencé en juin 2014 et il a été clairement identifié comme un choc d’offre lors de la réunion de l’OPEP de novembre 2014. Malheureusement, ceci n’a pas empêché l’augmentation des dépenses de fonctionnement en 2015 (26,6%) par rapport à 2014 (25,3%) et 2013 (24,6%).

Dette publique : Nous ne disposons pas de données de la période précédant le premier contre-choc pétrolier. Les données dont nous disposons indiquent 21 mds de dollars de dette extérieure pour l’année 1986. L’ancien Premier Ministre M. Sid-Ahmed Ghozali vient de donner une interview au journal El-Watan (édition du 30 septembre) où il affirme que la dette extérieure a été remboursée par anticipation en 1984 et que le Premier Ministre de l’époque l’a affirmé à l’Assemblée Populaire Nationale. M. Ghozali a aussi affirmé que suite à l’effondrement du prix du pétrole en 1986, le gouvernement de l’époque s’est mis à emprunter en cachette pour financer son budget et ses importations. Nos modestes moyens et nos situations personnelles ne nous permettent pas d’investiguer plus ces affirmations que personne n’a démenties.

Pour la période actuelle, la dette externe est très faible, soit 3,7 mds de dollars en 2014, c’est-à-dire 2% du PIB. La dette intérieure est aussi faible, soit 7% du PIB. Néanmoins, cette dette intérieure est sous-estimée car l’Etat a donné sa garantie à plusieurs financement, en particulier ceux de Sonelgaz et des prêts type ANSEJ. Sonelgaz ne peut pas rembourser sa dette ni financer son plan de développement au vu des tarifs actuels de l’électricité. C’est impossible et l’Etat devra payer. Il y aura aussi des défauts de remboursement dans le programme de l’ANSEJ, surtout avec la conjoncture économique actuelle. L’Etat sera obligé de financer ces pertes d’une manière ou d’une autre.

Epargne publique : A notre connaissance, le pays n’avait pas d’épargne en 1985. Par contre le montant de l’épargne publique collectée dans le Fonds de Régulation des Recettes (FRR) valait fin 2014 la somme de 4410 mds de DA soit 24,9% du PIB. C’est beaucoup et c’est ce qui finance le déficit budgétaire de cette année, ce qui devrait l’amener fin décembre à 2200 mds de DA soit 12% du PIB. Ainsi donc le FRR va baisser très rapidement si le déficit de l’année prochaine est aussi élevé que celui de cette année.

Réserves de change : Le montant de ces réserves (ou avoirs extérieurs) constitue une énorme différence entre les deux périodes. En 1985, elles étaient de 5,1% du PIB et représentaient 4 mois d’importations alors que pour l’année 2014, elles étaient de 88,8% du PIB et représentaient 40 mois d’importations ; voir Figure 6. Malgré la forte baisse des exportations et des importations encore élevées, les réserves de changes devraient avoisiner les 77% du PIB à la fin de l’année. Autrement dit, le pays dispose actuellement d’assez de devises pour payer ses achats pendant 4 à 5 ans (en supposant un baril de Brent à 50 dollars). C’est une différence cruciale par rapport à la période du premier contre-choc pétrolier.

Néanmoins, il est important de faire la différence entre ces réserves de change et le FRR. Les réserves de changes n’appartiennent pas à l’Etat et elles ne vont pas financer son budget. Les réserves de change sont la contrepartie en devises de l’argent que possèdent les citoyens et les entreprises ainsi que l’Etat. Elles sont gérées par la Banque d’Algérie qui est censée remettre au Trésor les bénéfices qu’elle tire d’une part de leur placement sur les marchés internationaux et d’autre part de la fluctuation du dinar.

Croissance du PIB : Le début des années quatre-vingt a connu une forte croissance économique puisqu’elle a été de 6,4% en 1982 ; 5,4% en 1983 ; 3,3% en 1984 et 3,7% en 1985. Cette croissance a été tirée en bonne partie par les dépenses publiques. D’ailleurs l’économie s’est diversifiée à cette période puisque la part des hydrocarbures dans le PIB est passée de 31% en 1981 à 22,5% en 1985.

La période récente a connu une croissance moins forte puisqu’elle a été de 3,6% en 2010 ; 2,9% en 2011 ; 3,4% en 2012 ; 2,8% en 2013 et 3,8% en 2014 et à priori une croissance de 3% est attendue pour cette année. La faiblesse de la croissance de la récente période s’explique en bonne partie par la baisse de la production des hydrocarbures. Notons néanmoins que même si la part des hydrocarbures dans le PIB a récemment baissé puisqu’elle est passée de 34,8% en 2010 à 29,3% en 2014, elle reste à un niveau plus élevé que celui de 1985 (22,5%). L’économie du pays est actuellement moins diversifiée qu’en 1985.

Chômage : Le taux de chômage était de 9,5% en 1985 et 11,4% en 1986, soit un plus que pour l’année 2014 (10,6%). Mais après le premier contre-choc pétrolier, en particulier suite à la baisse drastique des dépenses d’équipement, le chômage a explosé pour atteindre 21% en 1987. Il est resté à ce niveau jusqu’à 1992, et a ensuite commencé à augmenter pour atteindre un maximum de 29,5% en 2000. A partir de cette année 2000, le chômage a commencé à baisser pour atteindre 10% en 2010 et s’y maintenir jusqu’à 2014. Il a donc fallu près d’un quart de siècle pour que le chômage retrouve son niveau d’avant premier contre-choc pétrolier.

Dinar : Il est beaucoup mieux géré actuellement. Plus précisément, il est géré économiquement alors qu’il l’était politiquement lors du premier contre-choc pétrolier. En effet, malgré l’effondrement du prix du baril de pétrole (-47%) et le ralentissement de l’économie algérienne (+0,4% en 1986, -0,7% en 1987 ; -1% en 1988), la valeur du dinar par rapport au dollar a augmenté en 1986 de 6,8% en valeur nominale et de 17,2% en valeur réelle, ce qui est ahurissant. En 1987, le dinar a baissé de 2,7% en nominal et a augmenté de 1,2% en terme réel. S’en est suivi ensuite une série de baisses pour corriger ces invraisemblables hausses du dinar et de leurs conséquences désastreuses sur l’économie du pays : -18,3% en 1988 ; -22,4% en 1989; -15,2% en 1990 ; -51,5% en 1991, -33,4% en 1994 et –

26,5% en 1995. Pendant dix longues années, le dinar a baissé de manière très significative car le premier contre-choc pétrolier a été très mal géré.

Nous nous sommes beaucoup exprimés dans notre contribution de juillet 20156 sur les variations du dinar depuis le second contre-choc. Nous reproduisons les deux graphes mis à jour. La Figure 7 donne les variations du prix du baril de Brent, du dinar, de l’euro, de la couronne norvégienne et du rouble russe par rapport au dollar sur la période 29 juin 2014 – 4 octobre 2015 (68 semaines). La Figure 8 donne les variations du dinar, de la couronne norvégienne et du rouble russe par rapport à l’euro sur la même période. Il est notable de noter une baisse significative du dinar (près de 5%) au moment de la dévaluation du yuan de 5% les 11, 12 et 13 août (semaine 59), ce qui est logique car la balance commerciale de l’Algérie avec la Chine était déjà très déficitaire.

Inflation : Quand on étudie l’inflation nationale, on doit toujours commencer par analyser l’inflation mondiale. Elle était élevée au début des années quatre-vingt. Par exemple elle était de 10,6% en 1981 aux USA et a commencé à baissé sous l’influence de la nouvelle politique monétaire de la FED dirigée par Paul Volcker. Ainsi, l’inflation américaine a baissé à 6,2% en 1982 ; 3,2% en 1983 ; 4,3% en 1984 ; 3,6% en 1985 et enfin 1,6% en 1986 suite à la baisse du prix du pétrole. Ensuite, cette inflation est remontée pour fluctuer pendant plusieurs années autour 4%. L’inflation française était aussi élevée, soient 7,4% en 1984 et 5,8% en 1985.

L’inflation en Algérie était aussi élevée puisqu’elle était de 8,2% en 1984 et 10,5% en 1985. Suite au premier contre-choc pétrolier, elle a été de 12,3% en 1986 ; 7,5% en 1987 ; et 5,9% en 1988, c’est-à- dire stable ou en baisse. C’est logique car le dinar a été surévalué à cette période. Mais les années après 1988 ont été terribles pour l’inflation puisqu’elle a été de 9,3% en 1989 ; 17,9% en 1990 ; 25,9% en 1991 ; 31,7% en 1992 ; 20,5% en 1993 ; 29% en 1994 ; 29,8% en 1995 et 18,7% en 1996. Il a

fallu attendre l’année 1997 pour voir l’inflation baisser à 5,7% et ne plus dépasser le seuil des 5% avec les exceptions de 2009 (5,7%) suite à la crise financière mondiale et l’année 2012 (8,9%) suite aux augmentations massives des salaires de l’année 2011.

Les années récentes ont connu une inflation modérée puisqu’elle était de 3,3% en 2013 ; 2,9% en 2014 et elle est actuellement de 5%. Au niveau mondial, l’inflation est extrêmement faible puisqu’elle était au mois d’août de 0,2% aux Etats-Unis et 0,1% en zone Euro. Les prix des matières premières en particulier les produits agricoles ont beaucoup baissé depuis l’été 2014 (plus de 20%). Autrement dit, la situation actuelle est extrêmement favorable.

Balance commerciale : En 2015, la balance commerciale sera déficitaire de près de 7% du PIB (et beaucoup plus pour la balance des paiements), une première depuis 1995 ; voir Figure 9. La balance commerciale était excédentaire de près de 5% du PIB au cours des années 1982-1985. En 1986, la balance commerciale a été déficitaire de 2,9%, soit nettement moins que le déficit de cette année. Les balances commerciales des années suivant le premier contre-choc pétrolier ont été excédentaires puisque le solde de cette balance était de 2,4% en 1987 et 0,5% pour les années 1988 et 1989 avant de remonter à plus de 5% pendant plusieurs années.

Exportations : Les exportations étaient de 22,2% de PIB en 1985 sur une tendance baissière puisqu’elles étaient de 32,8% en 1981, avant de baisser fortement à 11,8% en 1986 et de se redresser légèrement autour de 13,5% en 1987 et en 1988 et beaucoup plus après 1990 (au-dessus de 22%) sous l’effet de la baisse du dinar ; voir Figure 10. La situation de la période récente ressemble beaucoup à celle du premier contre-choc pétrolier puisque après avoir culminé à plus de 45% entre 2006 et 2008, les exportations ont commencé une tendance baissière à partir de 2009 pour arriver à 27,2% en 2014 et devrait être de l’ordre de 21,8% cette année.

Importations : Le profil des importations des deux périodes sont très différents ce qui constitue un vrai problème pour la période actuelle. En effet, les importations étaient sur une tendance baissière avant le premier contre-choc pétrolier puisque elles sont passées de 25,5% de PIB en 1981 à 17% en 1985 avant de baisser à 14,7% en 1986 et 11% en 1987 ; voir Figure 10. Au contraire, récemment les importations ont été sur une tendance haussière puisqu’elles étaient de 23,6% en 2011 et sont passées à 27% en 2014 et devraient mêmes augmenter cette année à 28,8%. Notons qu’en termes de dollar, les importations de 2015 sont en baisse par rapport à 2014, mais elles sont en hausse par rapport à la richesse produite par le pays car la valeur des hydrocarbures a baissé ainsi que le dinar. On constate aussi que le niveau des importations de la période actuelle est très élevé par rapport à celui de la période du premier contre-choc pétrolier. Ce niveau et la tendance haussière des importations constituent un vrai problème pour les années à venir même si les réserves de change sont élevées.

Comme mentionné ci-dessus, il y a eu un redressement du solde de la balance commerciale à partir de 1987. Le gouvernement de l’époque, qui avait le monopole des importations, n’a pas dû avoir beaucoup de mal à le faire. Mais ce redressement s’est fait au détriment de la croissance. En effet, les coupes budgétaires d’une part et le contrôle du commerce extérieur de l’époque ont permis de faire baisser les importations de 17% du PIB en 1985 à 14,7% en 1986 et puis à 11% en 1987. Malheureusement ce sont les postes utiles à la croissance qui ont été très touchés puisque les importations en approvisionnement industriel et biens d’équipement ont baissé de près de 1% de PIB en 1986 et de 3% en 1987, ce qui est très élevé ; voir Figure 11. Comme déjà indiqué ci-dessous, l’économie du pays en a beaucoup souffert puisque la croissance économique a été très faible en 1986 (0,4%) avant d’entrer en récession en 1987 (-0,7%) et en 1988 (-1%). Il est impératif de ne pas refaire la même erreur.

Actuellement le problème des importations réside dans les postes du fuel et des biens de consommation non-alimentaires qui sont très élevés ; voir Figure 11. Ces postes méritent une attention particulière du gouvernement.

 

III.       Quelles politiques budgétaires en temps de crise ?

Les économistes citent souvent cette phrase de Mario Soares au début de son mandat de chef de gouvernement portugais en 1983 : « Ce gouvernement sera austère, sans compromission et impopulaire si c’est nécessaire pour la réussite économique du pays », pour illustrer le coût politico- économique à court terme des réformes économiques en temps de crise. Le gouvernement algérien ne peut pas déroger à cette règle.

 

Quelques principes méthodologiques de base 

Comme indiqué en préambule, la baisse annoncée des dépenses publiques frappe par son ampleur inédite. Il va de soi que le choc externe extrême subi par le pays depuis juin 2014 requiert un ajustement important du budget de l’Etat sous peine de précipiter l’Algérie dans une trappe catastrophique dans un horizon de quelques années. Mais pour important que cet ajustement doive être, il est impératif qu’il soit opéré avec les instruments adéquats, même si aucun instrument ne peut être indolore vu la violence du choc et les dommages déjà subis. Le cas grec est là pour nous le rappeler: sous les injonctions de la désormais célèbre Troïka, ce pays a dû procéder à une politique d’austérité tous azimuts depuis 2009, qui a effectivement fait baisser les déficits publics (notamment celui du solde primaire), mais à quel prix ? L’effondrement subséquent de l’investissement et l’explosion du chômage combinés à la structure sectorielle désuète de l’économie grecque et à l’incertitude politique récente ont de nouveau plongé ce pays dans la gueule de loup de la Troïka. L’Algérie a heureusement d’autres atouts mais elle ne doit pas pour autant s’exonérer de la question centrale du choix optimal des instruments de politique économique en situation de crise, d’autant que notre économie n’est pas structurellement plus moderne, si on ose dire, que l’économie grecque et que la visibilité de l’agenda politique national, typiquement très corrélé avec le niveau de confiance régnant, n’est pas non plus au rendez-vous. Bien sûr, le gouvernement n’a d’autre choix que de réduire significativement les dépenses publiques. Mais comme nous avons plaidé dans une note datée de janvier 20157, cette baisse doit être :

i)                    en premier lieu graduelle,

 

ii)                   et en second lieu elle doit porter sur des dépenses économiquement et/ou socialement inefficaces.

La littérature économique est très riche sur le premier aspect, les performances économiques dépendent lourdement du timing des mesures prises (donc de leur étalement ou non dans le temps), de leur caractère anticipé ou pas et de leur ampleur. La littérature macroéconomique moderne sur les vertus relatives du gradualisme apporte à ces questions des réponses contrastées. Le gradualisme s’impose dans des contextes nationaux où la confiance et la crédibilité des gouvernants sont limitées : dans ces conditions, des ajustements économiques brutaux sont susceptibles de rompre l’équilibre politico-économique et de conduire à des déflagrations sociales et politiques graves. La crainte de rompre l’équilibre politico-économique est au cœur de la logique décisionnelle dans notre pays, surtout depuis janvier 2011. Il convient donc de s’interroger sur l’absence apparente de gradualisme dans la réponse budgétaire du gouvernement au choc externe telle que reflétée par le projet de loi de finances, d’autant qu’aux risques de fragilisation sociale s’ajoute un risque récessif grave comme le cas grec l’atteste. L’Algérie n’a aucune Troïka aux trousses et peut dès lors penser son ajustement dans le temps, par exemple sur une période de 3 ou 4 ans pour l’ajustement de court terme que nous devons faire. Il faut en particulier éviter de tuer le moteur de l’investissement comme la Troïka l’a fait en Grèce en orchestrant cette course accélérée vers l’excédent primaire.

 

Impératif absolu : ne pas gripper le moteur de l’investissement

 

En effet, la baisse brutale annoncée dans les dépenses d’équipement interpelle à cet égard. Dans un pays comme l’Algérie, l’investissement public est au cœur de la croissance économique, et ne saurait être remplacé par l’investissement privé à court terme, en dépit des efforts fort louables du gouvernement de libérer ce dernier symbolisés notamment par la dépénalisation de l’acte de gestion et autres mesures anti-bureaucratiques. De quelque manière qu’on étudie le problème de la croissance et de la création de la richesse en Algérie, et la théorie de la croissance économique s’est singulièrement enrichie ces dernières décennies, l’investissement public est et restera le moteur de la croissance en Algérie pour quelques longues années encore, le temps que l’investissement privé prenne la place qui est la sienne dans toute économie moderne. De fait, il n’y a pas d’investissement privé qui vaille si le pays ne dispose pas d’infrastructure de qualité : surtout dans un pays en transition comme le nôtre, les deux formes d’investissement sont foncièrement complémentaires, aucune ne peut se substituer à l’autre dans le court terme. Il convient donc de ne pas gripper le moteur de l’investissement public dans une période aussi difficile, tout en avançant le plus vite possible dans la transformation de l’environnement économique de notre pays, notamment en ce qui concerne la profondeur de notre système bancaire et financier ainsi que le code d’investissement, pour favoriser le décollage définitif de l’investissement privé national.

Nous ne pensons donc pas que la diminution brutale des dépenses d’équipement annoncée soit le bon instrument, en tout cas si l’ampleur de la coupe est maintenue. Il risque de compromettre durablement la sortie de crise et son coût social (en termes de chômage) risque d’être bien plus élevé que les mesures alternatives que nous proposons depuis un certain temps (voir un rappel ci- dessous). Incidemment, notre remarque vaut également pour les importations. Bien sûr il est urgent pour notre pays de les baisser vu l’ampleur du choc externe négatif, et de profiter de la conjoncture pour mettre au pas les différents lobbys pro-importateurs qui pénalisent le développement et la diversification de notre économie. Mais il s’agit de le faire savamment en ayant une vision claire des filières importantes pour la modernisation et la diversification de la production nationale. De façon générale, et plus largement encore, il est de première importance de bien considérer la politique économique dans son ensemble, et pour ainsi dire, de « ne pas mettre tous les œufs dans le même panier ». Le choc externe catastrophique qui affecte l’économie nationale requiert une combinaison d’instruments divers et variés qu’il faudra en plus ajuster au cours du temps selon la conjoncture. La baisse des dépenses publiques est une nécessité de même que l’ajustement de la balance des paiements, il n’y a plus aucune voix dissonante sur ces points en Algérie. Une politique qui s’attaquerait tous azimuts, sans gradualisme aucun et sans mesure d’accompagnement peut s’avérer catastrophique. Notre pays doit pouvoir réduire les dépenses publiques sans détruire le moteur principal de la croissance, et doit pouvoir en même temps conduire l’ajustement de la balance de paiement dans le même esprit. En particulier, la réduction des importations et la dépréciation du dinar, deux mesures de court terme indispensables dont nous avons développé le bien-fondé économique dans une note datée de juillet 2015, s’accompagneraient mal d’un programme de coupe dans les dépenses d’investissement. Dans son entreprise de restructuration qui est de fait favorisée par la crise aigüe actuelle, le gouvernement doit avoir une vision suffisamment fine pour accompagner l’ajustement au choc externe par des mesures de soutien aux moteurs de la croissance, notamment l’investissement privé et public, et aux filières de production nationale essentielles pour la modernisation de l’économie. L’investissement privé et public auront besoin d’importer des approvisionnements industriels et des biens d’équipement. Il ne faut surtout pas refaire les erreurs du passé en bloquant ce type d’importations. En effet, au lendemain du premier contre-choc pétrolier, l’importation de l’approvisionnement industriel et des machines et biens d’équipement a fortement baissé, ce qui a nui fortement à l’économie du pays puisque l’année 1987 a connu une récession (-0,7%) et un doublement du taux de chômage.

La baisse des dépenses d’équipement, au moins en termes réel, devrait inciter le gouvernement à favoriser l’investissement privé. Cet investissement devra être facilité par des mesures gouvernementales et par la disponibilité de financement que nous aborderons plus tard. Une grande majorité des investisseurs nationaux se plaignent du manque de disponibilité de foncier industriel. Depuis des années, les différents ministres de l’industrie prétendent que le problème est réglé ou en voie de l’être. Le gouvernement doit régler ce problème de manière immédiate quitte à déléguer aux sociétés privées la mise en place des zones industrielles, par exemple sous forme de PPP. L’autre problème soulevé par plusieurs investisseurs est qu’ils ne reçoivent pas de réponses pour les projets déposés ou des réponses négatives. La situation économique actuelle ne permet plus ce genre de décisions. Il est donc impératif d’accepter pendant plusieurs années tous les projets économiquement viables qui sont conformes à la législation et de leur fournir les assiettes foncières. Le gouvernement aura toujours la capacité d’aider plus les projets qu’il juge prioritaires en associant les banques publiques au financement de ces projets. Dans le cas contraire, les porteurs de ces projets devront alors utiliser leurs fonds propres ou faire appel aux banques privées ou le marché obligataire pour se financer.

L’autre façon bien connue d’augmenter l’investissement est de susciter l’investissement direct étranger (IDE). Il est relativement faible en Algérie (en % de PIB) comparé à nos voisins, notamment le Maroc. La loi de finances complémentaires de 2009 avait introduit la règle du 51/49 qui limite l’actionnariat étranger à 49%. Cette règle a été décriée comme étant la raison de la faiblesse des IDE. C’est possible que ça soit le cas, mais mettre tous les torts sur cette règle est un peu léger. Pour pourvoir évaluer réellement l’impact de cette règle, il faudrait écrire et calibrer un modèle structurel de l’économie algérienne et faire ce que les économistes appellent une analyse contrefactuelle, c’est-à-dire mesurer le niveau des IDE dans une Algérie sans cette règle mais avec les paramètres structurels calibrés sur la période 2009-2015. Il ne faut pas oublier certains faits majeurs. Les IDE étaient aussi faibles avant 2009. Ils ont baissé après cette date, mais c’est le cas dans les autres pays également suite à la crise financière mondiale. Surtout, d’autres paramètres importants ont aussi changé après 2009, en particulier le salaire minimum (+25%) et les salaires de manière généralisée. Une telle augmentation décourage l’investissement étranger, c’est une évidence. La récente baisse du dinar et l’inflation ont atténué ce problème, ce qui est de bonne augure pour l’avenir.

Il est sûrement temps d’assouplir la règle des 51/49 pour être compétitif vis-à-vis de la concurrence internationale. Une des raisons justifiant la mise en place de cette règle était de réduire le transfert de dividendes vert l’étranger. Au lieu de limiter l’actionnariat étranger, il est possible de limiter à 49% le transfert de bénéfices vers l’étranger. Cette souplesse pourrait être introduite dans certains secteurs comme le tourisme et aussi en fonction de la taille de l’investissement, par les exemples les PME. Le gouvernement pourrait réduire et moduler les avantages fiscaux en fonction du pourcentage de l’actionnariat étranger. Nous recommandons d’assouplir la règle du 51/49 en permettant un actionnariat étranger supérieur à 49% mais en limitant les transferts de bénéfices à 49%.

 

Haro sur les subventions implicites

 

En matière de réduction des dépenses, il nous semble que le gouvernement a bien d’autres instruments en main que les coupes dans les dépenses d’investissement. Comme dans notre note de janvier 2015, nous insistons sur les marges énormes qu’il y a du côté des fameuses (ou plutôt faramineuses) subventions implicites. En 2013, elles étaient de 4,9% du PIB pour le carburant ; 4,1% pour l’électricité ; 3,5% pour le gaz ; et 6,5% pour les subventions fiscales. Le gouvernement s’abstient pour le moment d’utiliser cette manne pour deux raisons très peu convaincantes. La première est le contrat social que le gouvernement a avec la population. Mais le gouvernement sait que les subventions alimentaires et énergétiques profitent surtout aux plus riches. Le quotidien El- Watan a publié le 8 juin dernier les résultats d’une enquête confidentielle du Ministères des Finances basée sur l’enquête de l’ONS de la consommation des ménages de l’année 2011. Un chiffre suffit pour expliquer la gabegie et le caractère antisocial des subventions à l’algérienne : la moitié la moins aisée de la population reçoit 28% des subventions totales; le reste, soit 72% va chez la moitié la plus aisée. Le cas du carburant est encore plus scandaleux. Le Ministre d’Etat M. Ahmed Ouyahia vient d’affirmer que le pays perd 2 mds de dollars en contrebande de carburant, soit 1,15% du PIB. Le Premier Ministre M. Abdelmalek Sellal a aussi affirmé que la contrebande globale coûte au pays 3 mds de dollars, soit 1,7% du PIB. En alignant les prix de produits de la contrebande sur ceux de nos voisins, nous ferions donc une économie de 1,7% de PIB.

La seconde raison est la perte de pouvoir d’achat par l’inflation. Nous avons déjà débattu de cet argument en d’autres lieux, il convient d’enfoncer ici le clou. De notre point de vue, le risque de dislocation économique et sociale est bien plus fort à terme si on passe par le rabotage presque généralisé et brutal qui est proposé dans la LFP 2016 : par exemple, comme expliqué ci-dessus, tout rabotage touchant aux incitations à l’investissement et a fortiori toute baisse de l’investissement (en particulier d’équipement) peut enrayer la croissance et l’activité économique. A l’inverse, diminuer les subventions de façon graduelle et ciblée peut non seulement se révéler acceptable par la société algérienne mais permettrait de faciliter crucialement l’ajustement budgétaire requis tout en modernisant une fois pour toutes la fiscalité nationale. Il n’est pas interdit de mettre en place un plan d’ajustement budgétaire de court terme en ayant une vision de plus long terme comme la modernisation de la fiscalité et la croissance. Que serait notre pays avec des finances publiques assainies et une inflation maîtrisée mais avec un niveau et une qualité d’équipement incompatibles avec la croissance soutenue ? Comme disent les économistes, il est parfois nécessaire de troquer de l’inflation contre de l’emploi. Pour illustrer ce point, notons qu’une augmentation de 10 DA du prix de l’essence rapporterait 0,5% de PIB de recettes, soit l’équivalent de la masse salariale de 290 000 personnes dont le salaire mensuel brut est de 25 000 DA, et induirait une inflation de 1%. Même du point de vue purement comptable, l’inflation modérée n’est pas le monstre qu’on décrit puisqu’elle fait augmenter le PIB en valeur nominale et les taxes collectées par l’Etat, conduisant ceteris paribus à une baisse du ratio « déficit sur PIB ».

 

Repenser la fiscalité ordinaire

 

Comme déjà indiqué, la Figure 3 montre clairement que les recettes ordinaires sont trop faibles depuis 1990, ce qui devrait donc exclure une baisse systématique des impôts sans objectifs incitatifs bien identifiés. Le patronat exerce une forte pression pour que le gouvernement baisse deux taxes particulières : la TAP et l’IBS sur les services. Nous sommes contre de telles baisses. Le principal argument avancé en faveur de la baisse ou l’abolition de la TAP est qu’elle est indexée sur le chiffre d’affaires, ce qui pousserait certains à aller vers l’informel. Rappelons que la TVA est aussi indexée sur le chiffre d’affaires. Il est vrai que la TVA est payée directement par le consommateur, mais il faudrait être bien naïf pour penser que la TAP n’est pas payée in fine par le consommateur. Quant à l’impact de cette taxe sur l’informel, un minimum de rigueur est nécessaire dans l’analyse de toutes les raisons qui expliquent la taille du secteur informel dans notre pays, ce qui nous interdit de blâmer la seule TAP. Nous recommandons donc de maintenir la TAP à ses niveaux de la LFC 2015.

Pour l’IBS des services, deux raisons essentielles devraient inciter le gouvernement à ne pas les baisser de manière systématique. D’abord, en cas d’une différence importante entre l’IBS des importateurs et des sociétés de service, tous les importateurs créeront des sociétés de distribution pour que la société importatrice vende ses produits à la société distributrice avec un faible bénéfice, tous les bénéfices étant captés par la société de distribution. La seconde raison est que les plus grands secteurs des services, à savoir la téléphonie mobile, les banques et les assurances font des bénéfices colossaux par manque de concurrence, ce qui est un vrai problème pour l’économie. Nous avons même entendu récemment un PDG d’une société d’assurances dire publiquement que les sociétés d’assurances étaient en concertation pour arrêter la guerre des prix, ce qui est inouï. On se demande ce que fait le régulateur. S’il y a une guerre des prix, elle se fait dans l’intérêt des consommateurs à condition que les ratios et règles prudentiels soient respectés. Par contre nous sommes évidemment favorables au ciblage des baisses d’impôts pour certains secteurs comme celui du tourisme qui doit absolument se développer rapidement, certains services liés à l’industrie, et peut-être aussi le secteur des BTP qui risque de beaucoup souffrir avec les baisses des dépenses d’équipement du gouvernement. Nous recommandons de maintenir tous les taux de l’IBS (production, services, importations) à leur niveau de la LFC 2015, à l’exception du tourisme qui devrait baisser.

L’Etat accorde beaucoup de subventions fiscales, dont une bonne partie est captée par les entreprises. Nous pensons qu’il faut les réduire, et de manière plus générale nous recommandons de modifier la politique fiscale pour inciter les entreprises à augmenter leur taux d’intégration. Ce taux d’intégration devrait être une priorité de la politique économique du pays. Nous recommandons de modifier la politique fiscale incluant les tarifs douaniers pour inciter les entreprises à augmenter leur taux d’intégration.

Par ailleurs, nous pensons qu’il faut donner encore plus d’avantages aux opérateurs nationaux par rapport à la concurrence internationale. En plus de donner une prime de 20% aux opérateurs nationaux dans les coûts des projets, nous recommandons une prime de 40% dans le temps d’exécution des projets, c’est-à-dire que les sociétés nationales puissent réaliser les projets dans un laps de temps supérieur de 40% que celui de leurs concurrents étrangers. Il faut aussi orienter les aides vers les secteurs qui ne comblent pas la demande nationale. De la même manière, la forte demande intérieure pour le tourisme balnéaire mérite un effort particulier du gouvernement qui devrait concentrer son action sur deux ou trois pôles pour réaliser des économies d’échelles. Enfin, le gouvernement devrait mettre en place des incitations fiscales pour que les grandes entreprises délocalisent certains de leurs services administratifs dans les régions du sud et des hauts-plateaux qui ont du mal à attirer l’industrie.

 

Nous recommandons donc de :

 

–          Donner une extension de 40% du délai de réalisation des projets aux entreprises nationales.

–          Orienter en priorité les aides aux secteurs où la production nationale ne comble pas la demande interne.

–          Créer trois grands pôles touristiques et balnéaires pour répondre à la demande interne. La construction et le fonctionnement de ces pôles demanderont une forte main d’œuvre.

–          Créer les incitatifs fiscaux pour que les grandes entreprises publiques et privées transfèrent certains de leurs services (comptabilité, centre d’appels, etc.) dans les régions du sud et des hauts-plateaux.

Nous soutenons le projet actuel du gouvernement d’augmenter la TVA et certaines taxes sur les produits importés et que nous avons proposé dans notre contribution de Janvier 2015. Nous recommandons d’augmenter la TVA sur les produits de luxe et les produits importés. De même, la mise en place des licences d’importations est une très bonne chose. Il faut les utiliser pour protéger la production nationale. Le cas du lait que la presse vient de rapporter est édifiant. Le Ministre d’Etat Ahmed Ouyahia vient aussi d’affirmer que « nous irons à la mort » si les importations ne baissaient pas. La Figure 11 montre clairement que les importations en énergie et en biens de consommations non alimentaires sont extrêmement élevées.

Par ailleurs, le pays fait face depuis plusieurs années à une baisse de la production des hydrocarbures et à une hausse vertigineuse de la consommation de l’énergie (+15% pour l’électricité). Une conséquence directe est que les exportations en volume des hydrocarbures, et donc les recettes pétrolières, sont en baisse continue depuis plusieurs années. Tant que le prix du baril de pétrole était au-dessus de 100 dollars, l’économie du pays pouvait s’en accommoder d’une manière ou d’une autre. Ce n’est plus le cas actuellement. Le pays ne peut pas se permettre encore une baisse de 5% des exportations en volume comme ce fut le cas pour les six premiers mois de l’année, qui sur une année pleine, représente une perte de 1,5% de PIB de recettes fiscales.

En plus du développement des énergies renouvelables et de l’augmentation graduelle du prix de l’énergie, des décisions radicales doivent être prises pour stopper la progression fulgurante de la consommation de l’énergie. Cette progression est tirée par la croissance du parc automobile et l’utilisation de climatiseurs. D’abord, le diesel pose problème. Le pays en produit peu et il doit l’importer. Il faut stopper l’importation des véhicules roulant au diesel, surtout que cette énergie est polluante. Par ailleurs, le pays a énormément importé de voitures au cours des années précédentes. D’ailleurs, le stock de voitures était début janvier de 130 000 pour des importations de 440 000 voitures en 2014, ce qui suggère une forte saturation du marché, surtout avec la crise économique. De plus, le gouvernement et des opérateurs nationaux sont en discussion avec plusieurs sociétés étrangères pour l’installation d’usines de voitures en Algérie. Il pourrait être pertinent de stopper ou diminuer drastiquement les importations de voitures. Ceci permettrait d’avoir une forte demande dans quelques années, demande qui serait satisfaire par la production nationale. Nous pensons qu’il faut limiter le nombre de ces importations à 100 000 voitures ou moins, grâce aux licences d’importation ou à des augmentations importantes des droits de douane.

Pour ce qui est des climatiseurs, leur utilisation augmente évidemment le bien-être des citoyens et aussi la productivité. Il est donc fondamental d’en produire et d’en importer. Mais leur qualité en termes de consommation d’énergie doit être une priorité. Le gouvernement ne doit permettre que la production et l’importation de climatiseurs économes en énergie. Instaurer pendant quelques années un monopole d’Etat pour leur importation est probablement la solution la plus simple au vu des problèmes de corruption que connait l’administration.

 

Pour juguler l’explosion de la consommation d’énergie, nous recommandons de :

 

–          Arrêter l’importation de véhicules roulant au diesel.

–          Limiter pendant quelques années l’importation de voitures à 100 000 ou moins.

–          Instaurer pendant quelques années un monopole d’Etat pour l’importation de climatiseurs économes en énergie.

–          Baisser et interdire à terme la production de climatiseurs non économes en énergie.

 

Sur les privatisations, les partenariats public-privé

 

Le gouvernement a annoncé depuis plusieurs années qu’il voulait privatiser partiellement certaines grandes entreprises à travers la bourse et il a récemment montré sa disposition à développer les partenariats publics-privés (PPP) dans la LFC 2015. Ces opérations permettront de capter l’épargne privée et aussi de décharger l’Etat de certains financements. Il nous parait néanmoins important que le gouvernement n’utilise pas l’ampleur du déficit budgétaire pour justifier des privatisations massives et des PPP intensifs sans s’attaquer d’abord aux subventions.

Pour ce qui est des PPP, qui peuvent se faire sous forme de différents types de contrat, l’évaluation et la mise en place des contrats nécessitent un vrai savoir-faire. De plus, notre pays a connu plusieurs scandales de corruption et de surfacturation. Il est important que le gouvernement envoie un signal fort aux investisseurs et à la population pour montrer de manière crédible que les PPP ne souffriront pas de ces fléaux. Une solution crédible est d’impliquer la Banque Mondiale dans l’évaluation, le financement et la réalisation des PPP. Ce financement pourrait être faible et servirait surtout à augmenter la crédibilité du gouvernement dans sa bonne gouvernance des PPP. Nous recommandons donc d’impliquer la Banque Mondiale dans les PPP à travers l’évaluation, le financement, et la réalisation des infrastructures pour lutter contre la corruption et la surfacturation.

Par ailleurs les banques seront surement sollicitées pour s’impliquer dans le financement des PPP. Il est fondamental que les banques privées soient aussi associées, avec les mêmes paramètres financiers que les banques publiques. En effet, dans le cas contraire, les déposants des banques publiques pourraient interpréter cette non-participation comme un mauvais signe et transférer massivement leurs dépôts vers les banques privées, créant une panique bancaire.

  1. Quel financement pour l’économie ?

Pour combler le déficit budgétaire de l’année en cours, le gouvernement a fait appel au FRR qui s’amenuise à une vitesse vertigineuse et devrait s’épuiser en mai 2017 si le rythme du déficit était maintenu. Une autre façon de financer le déficit est d’emprunter de l’argent à l’international ou localement.

 

Endettement extérieur versus endettement local

 

Le pays est clairement encore traumatisé par la dette extérieure des années quatre-vingts. Nous pensons qu’il est nécessaire de dépasser ces traumatismes et d’envisager l’endettement extérieur comme un instrument parmi d’autres. Mais comme dans tous les domaines, il convient de ne le faire qu’à bon escient. La situation actuelle fait que le pays n’a aucun intérêt à le faire. En effet, l’Algérie prête une très grande partie de ses réserves de change à des taux très bas (au maximum 2%) aux grandes économies du monde (Etats-Unis, Europe, Grande Bretagne et Japon) alors qu’un emprunt international nous couterait beaucoup plus cher, au minimum 5%. En effet, le premier indicateur que les préteurs examineront est le déficit budgétaire qui est en très mauvaise posture depuis plusieurs années et dans un état critique cette année. Rappelons d’ailleurs que la Tunisie a fait en début d’année un emprunt sur 10 ans à un taux de 5,75%. Ce taux est souvent élevé pour des petites économies en mauvaise posture car les marchés financiers estiment que le risque de défaut (non remboursement du prêt) est élevé et réclament une grande rémunération en compensation du risque encouru. L’endettement externe ne doit donc pas être envisagé dans le court terme car il se ferait à un taux élevé alors que nous prêtons nos réserves de change à de faibles taux.

Il est plus logique que le gouvernement emprunte au niveau national en émettant des bons du Trésor, surtout que l’épargne privée est élevée. En effet, même si le taux d’intérêt sera plus élevé que sur le plan international, les prêts seront libellés en dinar et non pas en monnaie étrangère, ce qui veut dire qu’il n’y aura pas de risque de change.

Le risque de change comporte le risque d’inflation et le risque de développement de l’économie. Nous pensons que l’Etat devrait rendre plus attractif les bons du Trésor en laissant les gains d’inflation aux préteurs. Autrement dit, nous appelons à l’émission de bons du Trésor dont le taux équivaut à l’inflation plus une petite rémunération.8 Ces bons sont dits TIPS (Treasury Inflation Protected Securities) et se sont beaucoup développés depuis une dizaine d’années aux Etat-Unis et au Royaume Uni. Pour financer l’endettement interne, nous recommandons donc de créer des bons du Trésor protégés de l’inflation dit TIPS.

 

Réformes urgentes du marché bancaire

 

L’autre façon de financer l’économie, en particulier l’investissement privé, est de faire appel au marché bancaire. Ce marché n’est pas très développé en Algérie. Ainsi, comme le montre la Figure 12, les crédits à l’économie sont certes en hausse et à 38% du PIB, mais bien loin du niveau des années quatre-vingt. Les montants de ces crédits sont aussi faibles comparativement aux pays voisins. Nous pensons que des changements sont nécessaires au niveau de la politique monétaire de la Banque de d’Algérie et des paramètres de crédits au niveau des banques.

 

Excès des liquidités et politique monétaire de la Banque d’Algérie

 

La montée du prix du pétrole au début de la décennie 2000 a permis à l’économie du pays de se redresser et de rembourser la dette. Beaucoup d’argent a été injecté dans l’économie, ce qui a abouti à l’excès des liquidités, c’est-à-dire que les banques se sont retrouvées avec beaucoup de dépôts, en particulier ceux de la Sonatrach.

La Figure 13 montre les ratios de quatre variables par rapport au PIB : Le premier graphe donne la masse monétaire M2 qui est composée de la monnaie fiduciaire (monnaie qui circule hors des banques), des dépôts à vue dans les banques et de la quasi monnaie (dépôts à terme et obligations rémunérées). Les trois autres graphes donnent les composantes de la masse monétaire M2. La Figure 13 montre clairement que la masse monétaire M2 est très élevée, comme lors du premier contre choc-pétrolier. Les dépôts à vue sont aussi élevés. La quasi monnaie est plutôt moyenne, bien loin des sommets du début des années 2000. Nous y reviendrons.

Cet excès de liquidité a malheureusement changé les incitations des banques et leur comportement, et a aussi modifié la politique monétaire de la Banque d’Algérie. L’excès de liquidités a fait qu’à partir de 2003 les banques n’ont plus eu besoin de se financer auprès de la Banque d’Algérie, qui du coup a perdu son principal outil de politique monétaire, c’est-à-dire son taux directeur. Actuellement, cet excès de liquidités est en train d’être résorbé puisque la Banque d’Algérie a recommencé à prêter de l’argent à certaines banques. Mais nous pensons qu’il faut accélérer ce processus surtout en cas de réussite de l’amnistie fiscale du gouvernement. En effet, le gouvernement a clairement annoncé que l’objectif de l’amnistie fiscale est de réduire la quantité de monnaie qui circule hors du circuit bancaire (monnaie fiduciaire) pour qu’elle soit déposée dans les banques. Le gouvernement n’a pas fixé d’objectif mais il a mentionné que la Banque d’Algérie a estimé ce montant à 1000 mds DA, soit 5,5% de PIB. La Figure 12 montre que le niveau actuel de la monnaie fiduciaire est de 21,3% de PIB, qu’il est sur une tendance haussière depuis 2005 (12,1%) mais qu’il reste loin des sommets des années quatre-vingt où un maximum de 31,5% a été atteint en 1988. Si l’objectif de collecte de 1000 mds DA est atteint, le montant des dépôts à vue et de la quasi monnaie augmenterait de 15%, ce qui augmenterait l’excès de liquidité. L’économie du pays ne peut plus se permettre ces excès de liquidités.

Les dépôts de la Sonatrach sont la principale raison des excès de liquidités. Il existe un moyen très simple pour régler le problème, proposé par le FMI depuis des années : il suffit de permettre à la Sonatrach d’avoir un compte en devises, à l’instar des sociétés exportatrices et des individus, à la Banque d’Algérie ou à la Banque Extérieure d’Algérie. En plus de régler le problème de surliquidité, cette solution aiderait la Sonatrach à faire des économies colossales car la baisse du dinar lui fait perdre beaucoup d’argent alors qu’elle doit faire beaucoup d’investissements en dollars. La Sonatarch a besoin d’être aidée car elle est appelée à relever plusieurs défis au cours des prochaines années.

Le montant maximal des dépôts en devises de la Sonatrach devrait être décidé en concertation entre la Banque d’Algérie et le Conseil National de l’Energie (CNE). La Banque d’Algérie doit veiller à ce qu’il reste suffisamment de dépôts en dinars pour que la liquidité soit optimale de sorte que d’une part le marché bancaire fonctionne normalement et que d’autre part son taux directeur redevienne effectif. Quant au CNE, il doit veiller à ce que les dépenses en devises de la Sonatrach soient protégées. Nous recommandons donc que la Sonatrach possède un compte en devises et que son montant maximal soit fixé par la Banque d’Algérie et le Conseil National de l’Energie.

L’excès de liquidités a amené la Banque d’Algérie à se lancer dans un vaste programme de retrait de gel des liquidités, principalement pour lutter contre l’inflation. Ce programme a consisté à retirer et rémunérer des liquidités, à rémunérer les facilités de dépôts, et à augmenter les réserves obligatoires des banques. En plus d’être coûteux pour la Banque d’Algérie (18 mds DA en 2013), la nouvelle conjoncture économique devrait amener la Banque d’Algérie à modifier ce programme pour augmenter les incitations des banques à prêter plus. Il nous parait donc impératif de stopper rapidement le programme de reprise de liquidités, ce qui est probablement l’intention de la Banque d’Algérie au vu de la baisse de liquidités. Par ailleurs, afin de d’inciter les banques à prêter plus, il arrive que les banques centrales mettent un taux de rémunération négatif pour les facilités de dépôts, c’est-à-dire qu’elles font payer les banques pour les facilités de dépôts. C’est ce que fait la Banque Centrale Européenne depuis juin 2014 en fixant ce taux à -0,1%. Ce taux est actuellement de 0,3% au niveau de la Banque d’Algérie et nous pensons qu’il doit baisser rapidement pour devenir nul ou négatif.

Par ailleurs la Banque d’Algérie a augmenté à plusieurs reprises le niveau des réserves obligatoires des banques pour le porter en 2013 à 12%. Ces réserves sont aussi rémunérées à un taux de 1,75%, ce qui est très élevé par rapport à la rémunération des dépôts à terme (2%). La conjoncture actuelle devrait inciter la Banque d’Algérie à diminuer rapidement le taux des réserves obligatoires pour retrouver le niveau de l’année 2004 (6,5%) et diminuer de manière substantielle leur rémunération.

 

Afin de stimuler l’économie, nous recommandons que la Banque d’Algérie: 

 

–          Stoppe au plus tard en juin 2016 le programme de reprises des liquidités.

–          Baisse la rémunération des facilités de dépôts pour l’amener à un taux nul ou négatif.

–          Réduise le taux de réserves obligatoires des banques et leur rémunération.

 

Pour ce qui est des banques, il est essentiel qu’elles jouent pleinement leur rôle d’intermédiation financière, ce que le Gouverneur de la Banque d’Algérie, M. Mohamed Laksaci, a réclamé à maintes reprises. En bref, les banques font beaucoup de bénéfices et ne prennent pas assez de risque. Le meilleur indicateur de la prise de risque des banques est leur ratio de solvabilité. Le ratio global de solvabilité était de 16% en 2014 alors que le seuil minimum est de 12%. En fait, la valeur de 2014 est basse car elle était de 21,5% en 2013 et à plus de 23% pour les années 2010-2012. Pour ce qui est des mesures de performances, les bons indicateurs sont le rendement des fonds propres (RoE) et le rendement des actifs (RoA) qui étaient de 23,9% et 2,01% en 2014. Les résultats pour les années précédentes du RoE (RoA) étaient de 19% (1,67%) en 2013 ; 22,67% (1,93) en 2012 ; 24,58% (2,10%) en 2011 et 26,70% (2,16%) en 2010.9 Il est très intéressant d’observer que le ratio de solvabilité des banques a beaucoup baissé en 2014 suite à la baisse de performance de 2013. Que s’est-il passé ? En avril 2013, et après avoir constaté que les banques publiques et privées abusaient des commissions liées aux importations, la Banque d’Algérie a sévi en baissant drastiquement ces commissions. Les conséquences ne se sont pas fait attendre. Les bénéfices des banques se sont effondrés comme l’indique la baisse des RoE et RoA en 2013. Par exemple les bénéfices de la Banque Extérieure d’Algérie (BEA) sont passés de 35,6 mds DA en 2012 à 20,9 mds DA en 2013, soit une baisse de 41%, alors que Société Générale Algérie (SGA) a connu une baisse de 20%. Ces baisses ont amené les banques à prendre plus de risques en 2014 en prêtant plus à moyen et long terme, ce qui explique la forte baisse des ratios de solvabilité en 2014. Cette prise de risque s’est reflétée par de meilleures performances comme le montre les RoE et RoA de 2014. Par exemple les bénéfices de la BEA sont passés à 29,8 mds DA soit une hausse de 43% alors que SGA a connu une hausse de 20% de ses bénéfices.

 

Des taux qui créent des problèmes

 

Nous allons aborder trois problèmes importants sur les taux que pratiquent les banques et qui ont des conséquences néfastes sur l’économie du pays.

Le premier grand problème à régler est l’écart (spread) entre le taux de prêt à un an (6,75%) et le taux de rémunération des dépôts à terme à un an (2%). Cette différence de 4,75% est énorme. Nous pensons que c’est le problème numéro un du système bancaire. L’ampleur de cet écart a de très mauvaises incitations sur les banques. Il les conduit à emprunter de l’argent à peu de frais et à le prêter à des taux élevés, en conséquence de quoi elles finissent par prêter peu et par prendre le minimum de risques. C’est d’autant plus vrai que les dépôts à vue, qui sont non rémunérés, sont très élevés (la moitié des dépôts en 2014) et que les différents outils de la politique monétaire de la Banque d’Algérie rapportent de l’argent aux banques. A titre de comparaison, et pour bien mesurer l’ampleur de cet écart, nous le comparons par rapport à celui de certains pays : Il est de 1,8% en Tunisie, moins de 1% au Maroc, et moins de 0,2% en France. En fait, cet écart baisse quand le degré de développement du marché financier augmente.

Le second problème est que la courbe des taux est plate, c’est-à-dire que les taux de prêts des banques sont les mêmes pour des prêts à court, moyen et long terme. C’est une hérésie économique. Les taux reflètent les risques que prend le prêteur, c’est-à-dire les risques d’inflation et de défaut pour raisons économiques. Quand les banques font bien leur travail, le risque dominant à court terme est celui de l’inflation. Pour les prêts à moyen et long terme, il faut rajouter le risque de défaut pour raisons économiques. Donc en général10, les taux des prêts à long termes doivent être plus élevés que ceux à moyen termes, ces derniers étant plus élevés que ceux à court terme. Que se passe-t-il quand c’est les mêmes taux ? Le prêteur, c’est-à-dire la banque, va préférer les prêts à court terme au détriment des prêts à moyen et long termes. Dans un marché qui fonctionne bien, les différents taux d’intérêt s’ajustent pour que les banques soient indifférentes entre prêter à court, moyen ou long terme. Ce n’est clairement pas le cas chez nous. Il est vrai que la part des prêts à court et moyen terme est en progression constante mais ces parts seraient bien plus élevées avec des taux différents. Comme mentionné ci-dessus, il faudrait faire une analyse contrefactuelle pour déterminer les parts qui résulteraient d’une courbe de taux plus raisonnable. Notons enfin que les taux des bons du Trésor reflètent bien ces risques puisque ils sont actuellement de 1,75% à un an ; 2,57% à 7 ans et 3,85% à 15 ans.

Le troisième problème est lié à la rémunération des dépôts à terme. Elle est trop faible, ce qui est mauvais pour l’attractivité de l’épargne dans le système bancaire. La rémunération des dépôts à un an devrait être légèrement supérieure à l’inflation anticipée, ce qui n’est pas le cas. Actuellement, la rémunération réelle est de -3%. Pour étayer ce propos, nous analysons les variations de la quasi monnaie qui est rémunérée, en fonction de la rémunération réelle des dépôts et des obligations. Nous allons prendre la rémunération que fournit la base de la Banque Mondiale qui commence en 1980. De ce taux, nous soustrayons l’inflation pour avoir la rémunération en termes réels de la quasi monnaie (taux de dépôt réel). La Figure 14 donne le ratio de la quasi monnaie par rapport au PIB (graduation entre 0 et 35 sur l’axe de gauche) et taux de dépôt réel (graduation entre -20 et 5 sur l’axe de droite) sur la période 1980-2015. Cette figure nous renseigne que la rémunération de dépôts a souvent été négative, l’exception étant la période 1997-2003. Sans surprise, les ratios les plus élevés de la quasi monnaie ont été réalisés à cette période. La Figure 14 montre clairement que les variations des taux de dépôts réels sont fortement corrélées à celles de la quasi monnaie, particulièrement depuis l’année 1990. 

Pour étayer plus l’effet du taux de dépôt réel sur la quasi monnaie et aussi la monnaie fiduciaire, la Figure 15 trace les ratios de ces deux agrégats par rapport au PIB et à la masse monétaire M2 en fonction du taux de dépôt réel. Nous observons clairement une relation positive entre la quasi monnaie et le taux de dépôt, et une relation négative entre la monnaie fiduciaire et ces mêmes taux. Il est probable qu’une analyse plus fine monterait que le rajout d’autres variables économiques améliorerait le pouvoir explicatif de ces relations. En résumé, quand le taux de dépôt réel augmente, la quasi monnaie augmente et la monnaie fiduciaire diminue. Comme le gouvernement veut capter la monnaie fiduciaire, nous pensons qu’il devrait aussi agir sur la rémunération des dépôts pour que son programme d’amnistie fiscale soit un succès11. 

Enfin, il est probable que certains compatriotes évitent les produits rémunérés pour des raisons religieuses strictes. Le Ministre des Finances M. Abderrahmane Benkhalfa vient d’annoncer que les banques ont reçu comme instruction de développer les produits dits de finance islamique, ce qui est une très bonne initiative. Il faudrait peut-être que l’Etat participe plus concrètement au financement du développement de ces nouveaux instruments en créant un fonds consacré à cette fin. Ce n’est pas le rôle de la Banque d’Algérie qui doit réguler tout le secteur bancaire, y compris celui de la finance islamique, de la même manière et selon les mêmes critères prudentiels.

 

Concernant donc le rôle d’intermédiation des banques, nous recommandons de:

 

–          Mettre les incitations pour que les ratios de solvabilité des banques diminuent.

–          Diminuer l’écart (spread) entre le taux de prêt à court terme et le taux de rémunération des dépôts à terme, qui ne devrait pas dépasser 2%.

–          Modifier la courbe des taux qui ne doit pas être plate, et doit refléter la prise de risque du préteur afin que les banques baissent la part des prêts à court terme.

–          Mettre la rémunération des dépôts à terme au-dessus de l’inflation anticipée.

–          Développer la finance islamique.

 

Le spread et de manière plus générale les différents taux reflètent le niveau de concurrence dérisoire qui existe actuellement entre les banques. Nous ne savons pas qui fixe les différents taux. Depuis plusieurs années, les taux pratiqués dans les banques publiques, qui représentent 90% du marché, sont identiques et aux niveaux actuels. Ils ne changent pas quand l’inflation passe de 9% à 3% ou que le prix du pétrole passe de 100 à 50 dollars, ce qui n’a pas de sens sur le plan économique. Les taux des banques privées étaient bien plus élevés, en particulier pour les prêts, jusqu’à il y a deux ans où ces taux se sont brusquement alignés sur les taux pratiqués par les banques publiques. Nous ne savons pas qui coordonne ces taux. Dans notre contribution de janvier dernier, nous avions affirmé que c’était la Banque d’Algérie qui fixait certains taux. Nous avons reçu un signal clair de la Banque d’Algérie niant cette affirmation et nous en prenons acte. La question reste donc posée. Le régulateur doit s’en saisir et surtout il devrait s’assurer que la compétition augmente parmi les banques.

Il n’est clairement pas optimal que les banques publiques représentent 90% du marché. Nous savons comment les choses fonctionnent dans notre pays. Nous avons du mal à croire à l’indépendance des dirigeants de ces banques. Puisqu’il est question de privatiser certaines sociétés, le secteur bancaire devrait être une priorité. Il faut évidemment donner la priorité aux opérateurs nationaux et aux petits épargnants. Il ne faut pas être traumatisé par l’épisode Khalifa Bank. S’il y a une leçon à tirer de ce scandale, c’est qu’il faut renforcer le pouvoir du régulateur pour mieux contrôler les banques et, surtout, être capable de sévir sans passer par l’autorité politique. L’indépendance du régulateur est la clé pour une bonne régulation.

Nous avons fait plusieurs propositions pour que les banques jouent pleinement leur rôle d’intermédiaires financiers mais il faut aussi les aider. Nous identifions au moins deux problèmes. Le premier est lié aux anciennes mauvaises créances. Il faut permettre aux banques de les sortir de leur bilan. Le FMI l’a recommandé dans son rapport publié en 2014. Le second est lié au financement de type ANSEJ. Les banques publiques ont été appelées à financer ces projets, ce qui n’est pas le cas des banques privées. Nous anticipons des défauts de remboursement importants. D’abord parce que certains projets n’auraient jamais dû être financés. Officiellement, le taux de défaut n’est pas élevé mais nous arrivons à la période où beaucoup de porteurs de ces projets doivent commencer à rembourser leur prêt. Un responsable a mentionné qu’un tiers des prêts connaissent des retards de paiement. Malheureusement les retards sont la première étape des défauts de remboursement. Ensuite, la conjoncture économique actuelle va affecter tous les secteurs. Il est bien connu que le taux de défauts augmente substantiellement quand l’économie va mal. Il ne faut pas se leurrer, ceci sera le cas aussi chez nous pour tous les types de prêts, en particulier ceux liés à l’ANSEJ.

Nous pensons que ce n’est pas aux banques publiques d’assumer les décisions politiques du gouvernement. Le mieux est d’enlever des banques publiques toutes ces créances et les mettre dans une entité à part que l’Etat gérera. C’est particulièrement vrai pour les banques que le gouvernement veut privatiser.

 

  1. Conclusions

Pour reprendre la citation de Mario Soares mentionnée plus haut, le gouvernement est face à un très beau challenge, créer une économie moderne, compétitive et viable dans notre pays, et devra pour cela entreprendre des réformes tous azimuts qui ne le rendront certes pas populaire à court terme, et il devra de surcroît le faire contre les multiples lobbys actifs dans le pays, sans compromission aucune pour utiliser le mot de Soares. Le Premier Ministre M. Sellal a donné les premiers gages de bonne volonté, il faut espérer qu’il ait les mains suffisamment libres pour aller beaucoup plus loin dans la réforme. Nous avons énuméré dans cette contribution un certain nombre de recommandations très concrètes de politique économique qui vont toutes dans le sens de la réforme pour que l’Algérie puisse résister au choc externe et même en « profite » si on ose dire pour enclencher une transformation profonde et tous azimuts vers une économie enfin moderne et diversifiée. Comme nous l’avons expliqué dans des contributions antérieures et encore dans celle-ci, même la politique fiscale algérienne est anachronique, avec ce pan énorme des subventions implicites qui échappe encore au budget pour des raisons, nous semble-t-il, foncièrement fallacieuses. Quant au financement de l’économie et notamment le système bancaire, il est pour le moins sous-optimal, si incroyablement sous-optimal qu’il nuit à l’économie du pays. Nous insistons également sur deux aspects primordiaux du point de vue macroéconomique. En premier lieu, il convient de passer de la vision très court-terme du budget affichée actuellement à une vision beaucoup plus lissée dans le temps, spécialement dans une conjoncture aussi dure, et annoncer par conséquent des trajectoires budgétaires étalées dans le temps pour bien répartir l’effort d’ajustement et éviter un arrêt soudain (sudden stop) de l’économie. Enfin, le gouvernement doit avoir une vue d’ensemble de sa politique économique, incluant les ajustements de court terme nécessaires face au choc externe violent (politique de taux de change et de limitation des importations) et les politiques fiscale et monétaire. Le moteur de l’investissement dans ses trois dimensions (public, privé national et IDE) ne doit être grippé sous aucun prétexte, le gouvernement doit bien au contraire veiller à ce qu’il demeure bien huilé dans un contexte douloureux d’ajustement de la balance des paiements.

 

(*) Raouf Boucekkine est professeur d’économie, à Aix-Marseille School of Economics (raouf.boucekkine@univ-amu.fr). Nour Meddahi est professeur d’Economie à la Toulouse School of Economics (nour.meddahi@tse-fr.eu).

Dessin publié en Une :  Dessin de Haddad paru dans Al Hayat, Londres.

 

Notes

 

1 En toute rigueur, il faudrait prendre non pas l’inflation mais le déflateur des dépenses. Nous ne disposons pas de ce déflateur. Ce déflateur doit être supérieur à l’inflation pour les dépenses d’équipement car beaucoup de ces équipements sont importés au moment où le dinar a perdu beaucoup de sa valeur contre le dollar.

2 Toutes les données utilisées dans ce document proviennent de statistiques publiées par l’ONS, la Banque d’Algérie et le Ministère des Finances. Les données sur la rémunération des dépôts proviennent de la base de données de la Banque Mondiale sur l’Algérie.

3 Nous avons dû faire des hypothèses pour pouvoir calculer le déficit anticipé de 2015 : nous avons projeté les résultats des six premiers mois publiés par le Ministère des Finances sur le reste de l’année en prenant en compte les variations du prix du pétrole et du dinar. Il est possible que les recettes pétrolières soient plus élevées car la Présidence vient d’annoncer une hausse des volumes exportés de 4,1% pour l’année en cours.

Cette hausse a surement déjà commencé car les notes de conjonctures de la Banque d’Algérie ont indiqué une baisse des exportations en volume des hydrocarbures de 9% au premier trimestre et seulement de 5% pour tout le premier semestre.

4 Faisons une autre comparaison. En prenant un dollar pour 105 DA, cette baisse annoncée équivaut à 6,6 mds de dollars. Au vu des volumes des hydrocarbures qu’exporte le pays actuellement, une variation de 1 dollar du prix du Brent représente 225 millions de dollars de variations de la fiscalité pétrolière. Ainsi, une baisse de 6,6 mds de dollars de dépenses équivaut à une augmentation de 29,4 dollars du prix du baril de Brent

5 Comme vient de le rappeler l’ancien Ministre M. Nordine Aït-Laoussine, un troisième contre-choc pétrolier a eu en 1998 (baisse de 33% du prix du Brent). Nous ne l’analysons pas dans ce document. Il était de plus faible magnitude et surtout l’économie du pays était sous ajustement structurel, ce qui en a limité les effets. Mais ces effets étaient importants ; par exemple le déficit budgétaire a été de -7,4%.

6 La contribution est disponible à

http://www.amse-aixmarseille.fr/sites/default/files/actu/algerie_etat_urgence.pdf

7 Le document est posté à http://gremaq.univ-tlse1.fr/perso/meddahi/BM_Version_Finale_15janv2015.pdf

8 Cette rémunération pourrait être nulle pour ceux qui ont des convictions religieuses strictes.

9 Ces chiffres sont une moyenne entre banques publiques et privées. Les banques privées sont beaucoup plus performantes que les publiques. Ainsi un rapport du FMI publié en 2014 indique qu’en 2012, le RoE (RoA) des banques privées était de 24,8% (4,6%) contre 22,7% (1,6%) pour les banques publiques.

10 Nous disons en général car c’est le contraire qui se passe quand l’inflation est très élevée. En effet, dans ce cas le marché anticipe une baisse de l’inflation à moyen terme, ce qui fait que le risque d’inflation à court terme est plus élevé que ceux à moyen et long termes.

11 Nous pensons aussi que le gouvernement et la Banque d’Algérie devraient annoncer rapidement qu’après la fin de la période de l’amnistie fiscale, la Banque d’Algérie changerait tous les billets au cours du premier trimestre de 2017.

 

 

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