Ces dernières années, les grands pays émergents avaient profité de la politique de taux zéro de la Fed pour financer leurs économies et attirer les investisseurs étrangers. Aujourd’hui, avec l’augmentation des taux décidée par la Fed, ils craignent des sorties de capitaux record.
La Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé mercredi de relever son taux d’intérêt directeur à 0,25 points. Une première depuis 2008. Bien que modeste, cette augmentation fait craindre une période d’instabilité aux pays émergents et sur les marchés des matières premières.
Ces dernières années, les grands pays émergents avaient profité de la politique de taux zéro de la Fed pour financer leurs économies et attirer les investisseurs étrangers. Aujourd’hui, avec l’augmentation des taux décidée par la Fed, ils craignent des sorties de capitaux record. La Chine a, par exemple, connu pour le seul mois de novembre une sortie de fonds d’un montant de 82,7 milliards de dollars. Néanmoins, la taille économique de l’empire du Milieu et son énorme volume d’exportations en font le pays émergent le moins exposé aux chocs éventuels.
Ce n’est pas le cas du Brésil, qui se débat dans une crise profonde. Son économie a décliné de 1,7 % au troisième trimestre et sa monnaie le Real a chuté de 31% par rapport au dollar depuis le début de l’année. Le Brésil est le second pays qui a la plus grande dette en dollars. Il pourrait se retrouver à court terme dans l’impossibilité de rembourser ses emprunts si la monnaie américaine continue de s’apprécier par rapport au Real.
Pour des raisons similaires, la Turquie, l’Afrique du Sud et la Russie qui importent principalement en dollars risquent de connaître des difficultés. Les pays émergents asiatiques craignent également la nouvelle politique de la Fed. Ils se rappellent en effet qu’en 1997, la crise financière asiatique était survenue peu après le durcissement de la politique monétaire américaine.
Le début d’un nouveau cycle pour le marché des matières premières
Les pays producteurs de pétrole, pénalisés par des prix au plus bas depuis sept ans, doivent aussi faire face à remontée des taux d’intérêt aux Etats-Unis et du dollar. La hausse d’intérêts de la Fed est un facteur d’incertitude sur les marchés pétroliers comme l’explique Emmanuel Hache, chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques : « Une remontée des taux d’intérêt pourrait (…) renforcer le dollar sur les marchés des changes, engendrant ainsi des réactions contrastées sur les marchés pétroliers, la relation entre prix du pétrole et taux de change n’étant pas constante dans le temps».
Cette instabilité contribuerait ainsi à « une volatilité accrue des prix» pour le pétrole « et, par effet de contagion, sur l’ensemble des marchés de matières premières », analyse le chercheur français. Les pays ayant indexé leur monnaie sur le dollar, tels que les monarchies du Golfe, seront ainsi directement touchés par la hausse des taux. Ils devront ainsi réajuster leur propre taux d’intérêts, ce qui réduira leur marge de manœuvre financière. Pour rappel, le marché des matières a chuté de près de 50% depuis janvier 2014.
Fed : des taux d’intérêt à 1,4% en moyenne pour 2016
Attendue depuis plusieurs mois, la décision de la Fed n’en constitue pas moins un tournant dans le système économique mondial. La présidente de la Banque centrale américaine, Janet Yellen, s’était attelée ces dernières semaines à y préparer les esprits, et elle ne pouvait plus retarder la décision sous peine de ternir la crédibilité de cette institution.
Depuis la crise financière de 2008, la Fed a injecté plus de 2.500 milliards de dollars et a adopté une politique de taux d’intérêt à zéro dans le but de relancer l’économie américaine. Les derniers chiffres officiels de l’économie américaine ont signalé le feu vert pour la Fed avec un taux de chômage autour de 5% (alors qu’il était de 10% en 2009) et une croissance du PIB de 2% au troisième trimestre 2015. Des données qui ont fait dire à Janet Yellen que ce relèvement « consacre les progrès considérables accomplis pour redresser l’emploi, augmenter les revenus et alléger les difficultés économiques de millions d’américains ».
La Fed projette ainsi de remonter ses taux progressivement jusqu’en 2019 et prévoit des taux à 1,4% en moyenne pour 2016. La réduction des sommes qu’elle met à la disposition des banques va ainsi se reporter sur les taux d’intérêts réels (immobilier, entreprise, automobile…), ce qui constitue un « voyage dans l’inconnu » pour beaucoup d’économistes qui admettent ne pas pouvoir mesurer l’impact de cette décision sur l’économie.