Toutes les courbes du marché des hydrocarbures évoluent de concert pour contrarier le ministre de l’Energie, M. Youcef Yousfi : celle de la production, de la consommation, des exportations, et celles des prix.
Les deux courbes ont pris des directions totalement divergentes. Celle des exportations algériennes d’hydrocarbures semble irrésistiblement orientée vers le bas, alors que celle des ambitions affichées par le ministre de l’Energie, M. Youcef Yousfi, de revenir à des niveaux de production et d’exportation frôlant les cimes, continue de s’envoler. Face à l’adversité, et alors que peu d’éléments probants confortent son point de vue, M. Yousfi reste imperturbable, affichant un optimisme similaire à celui de M. Chakib Khelil durant la précédente décennie.
Les derniers chiffres ne sont pourtant pas rassurants pour M. Khelil. Ceux de la Banque d’Algérie indiquent qu’au premier trimestre 2014, les exportations d’hydrocarbures ont baissé de 9% en volume, et de 12% en valeur. Des chiffres conformes aux attentes, car la production recule et la consommation interne augmente, réduisant d’autant la marge des exportations. En 2013, la production avait déjà reculé de 4%, à 190 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP), après avoir frôle les 200 millions en 2012. On est plus de dix points en dessous du pic de 2008, quand la production avait atteint 225 millions TEP.
Alors que le gap se creuse, M. Yousfi reste imperturbable. Il veut revenir, en 2018, au niveau de production de 2008. Ce qui suppose une augmentation de la production d’environ cinq pour cent par an d’ici 2018. Comment faire ?
Les pistes de M. Yousfi
Relancer l’exploration, en espérant faire de nouvelles de nouvelles découvertes, pour étayer une conviction, assez répandue, selon laquelle le sous-sol algérien n’a pas livré toutes ses promesses. M. Yousfi l’a fait en 2013, en changeant la loi sur les hydrocarbures, qui offre plus d’avantages aux partenaires étrangers. Le résultat est mitigé.
Il a aussi changé le PDG de Sonatrach, pour le remplacer par un autre au meilleur profil, un homme capable de réorienter la compagnie, en vue de mieux explorer le sous-sol algérien, et de mieux exploiter les gisements disponibles. M. Yousfi l’a également fait. Il a nommé M. Saïd Sahraoui, ancien responsable de l’activité amont, exploration et exploitation, à la place de M. Abdelhamid Zerguine.
Dernier recours, M. Yousfi a décidé de faire le pari du gaz de schiste et de l’off-shore. Après l’aval du conseil des ministres, l’exploitation du gaz de schiste, qui en est encore à ses premiers tâtonnements en Algérie, a été entamée, alors que les premiers forages off-shore devraient être lancés à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine, au large de Bejaïa et Oran.
Gisement dangereux
M. Yousfi, qui a jouté toutes ses cartes, assiste, impuissant, à l’évolution inquiétante de deux autres courbes. Celle de la consommation interne, d’abord, qui progresse à un rythme démentiel, même s’il faut s’attendre à un léger tassement après les énormes rattrapages des cinq dernières années ; et celle des prix à des hydrocarbures à l’international, avec un gaz sous pression depuis des années, et un pétrole qui a baissé de quelques points en 2014. Selon les calculs de la Banque d’Algérie, le Brent est passé de 111.4 dollars à 107 dollars entre début janvier et fin mars 20414, alors que le prix du pétrole algérien perdait 2.6% ; une baisse modeste, mais c’est la tendance qui inquiète.
Dans toutes ces péripéties, M. Yousfi n’a pas osé toucher à un domaine essentiel, celui de la subvention. Celle-ci couvre, en Algérie, près de 80% du coût du carburant. Il s’agit d’un gisement prometteur, mais socialement dangereux. M. Yousfi le sait, mais il n’os pas y toucher. Ce sera le grand chantier de l’après-Bouteflika et de l’après-Yousfi.