Mauvais temps durable pour les géants du numérique ou simple coup de tabac passager ? L’Union européenne (UE) semble envisager une taxation des profits de ces entreprises à l’endroit même où ils sont réalisés et non où ils sont déclarés (lieu où ces entreprises sont fiscalement domiciliées).
On connaît le problème : les grandes sociétés technologiques, notamment les fameuses Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon) ne paient que très peu d’impôts en Europe malgré de faramineux bénéfices. La raison en est simple : ces entreprises sont localisées dans des pays comme l’Irlande où le taux de taxation est plus faible qu’ailleurs. Résultat, des dizaines de millions d’euros, voire des centaines de millions échappent aux caisses des Etats concernés.
Taxe sur le chiffre d’affaires
Après des années d’atermoiements, l’UE semble donc décidée à agir. Selon Pierre Moscovici, le commissaire européen à l’économie et aux finances, les géants du net, qu’ils soient ou non américains (cela concerne aussi des entreprises chinoises) seront taxés là où ils réalisent leurs bénéfices. La mise en place d’une telle taxation serait progressive et précédée par une période de transition où l’impôt concernera d’abord les chiffres d’affaires réalisés, qu’il y ait ou non bénéfices.
L’idée d’une taxation du chiffre d’affaires par pays et dans le pays concerné n’est pas nouvelle. Elle a souvent été avancée par des économistes et des militants altermondialistes ulcérés par les tours de passe-passe des Gafa et consorts en matière de fiscalité (en moyenne, ces entreprises paient 10% de taxes sur leurs profits contre 23% pour la majorité des entreprises européennes). Le raisonnement est simple : s’il est impossible de taxer des profits qui, par un jeu d’écritures et d’usage de filiales, se retrouvent agrégés dans des pays à faible imposition, autant alors taxer le chiffre d’affaires. Bruxelles se résout donc à user de cette mesure en attendant mieux.
Selon la presse européenne, seules les entreprises présentant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 750 millions d’euros seraient concernées. Cela a le mérite de ne pas pénaliser les jeunes pousses et de ne viser que le haut du panier. Mais il faut se garder de croire que Bruxelles fait preuve d’une totale fermeté sur ce sujet. Ainsi, la taxe sur le chiffre d’affaires serait comprise entre 1% et 5% des revenus. Autrement dit, une ponction infinitésimale qui ne correspond absolument pas aux enjeux. L’Union européenne fait mine de prendre le taureau par les cornes parce que les opinions publiques sont indignées par cette situation mais n’envisage que des mesures homéopathiques que les entreprises concernées font mine d’accepter avec résignation. On est là dans un théâtre d’ombres où la communication règne en maîtresse absolue.
Un scandale Facebook
De la communication, il en faudra aussi pour que Facebook s’explique sur la vente de données personnelles de ses abonnés à l’entreprise britannique Cambridge Analytica. Des dizaines de millions de personnes sont concernées par cette vente qui pourrait valoir à l’entreprise une forte amende aux Etats-Unis sans parler de possibles poursuites judiciaires. En attendant, ce scandale met en lumière la totale impunité dont jouissent, jusqu’à présent, les entreprises du secteur. La réaction du Congrès américain donnera une indication quant à la volonté des élus américains de mettre enfin des limites au pouvoir sans cesse grandissant des Gafa.