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«Lignes rouges», le nouveau talkshow de Radio M, évoque les ratés de l’industrie militaire algérienne

Par Maghreb Émergent
juin 5, 2014
«Lignes rouges», le nouveau talkshow de Radio M, évoque les ratés de l’industrie militaire algérienne

L’Algérie a dépensé des dizaines de milliards de dollars en équipements militaires importés, sans que ces contrats n’aient favorisé l’émergence d’une industrie militaire dans le pays. « Lignes Rouges », le nouveau talk-show de Radio M, apporte quelques explications.

Pour débattre du sujet, la nouvelle émission de la webradio de Maghreb Emergent, lancée en partenariat avec El Watan et El Khabar, a invité l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderahmane Hadj Nacer, l’animateur du blog de défense SecretDifa3 Akram Kharief et l’expert en projets stratégiques, M. Nouredine Ouabdeslam. Adlene Meddi, Ihsane El Kadi et Hafid Soualili ont animé les débats.
Abderahmane Hadj Nacer, considère que l’armée a de tout temps été un « élément moteur » du développement de nombreux pays industrialisés à travers le monde, car «c’est un carnet de commandes récurent qui devait servir à la mise en place d’une industrie nationale, ». Pour le cas de l’Algérie, « l’on ne peut pas parler d’indépendance nationale si, en situation de crise majeure, régionale ou internationale, nous ne sommes pas autonomes en matière d’armement ». D’où la question doctrinale d’indépendance qui se pose pour une Algérie «qui achète tout de l’étranger».
Akram Kharief abonde dans le même sens et estime que l’armée peut être aussi un moteur de développement scientifique, car une industrie militaire fait appel à l’université et à la recherche, à l’image de ce qui a été fait par les puissances émergentes – les Brics – « qui, toutes, disposent d’une industrie militaire développée et performante et exportent de l’armement».
Décision politique
La Turquie, née sur les ruines de l’ancien empire Ottoman, a vu son industrie militaire, naître d’une décision politique prise par le régime militaire à la fin des années 80. Cette décision a été suivie de la création d’un fonds d’investissement et de l’ouverture vers le privé, dans un cadre transparent. « La Turquie couvre actuellement 75% de ses besoins militaires, exporte 1,5 milliards (MDS) de dollars en équipements et dispose de 80 PME qui activent dans le secteur et font vivre 12.000 familles, » a-t-il expliqué.
Pourquoi l’Algérie, où l’armée est au coeur du pouvoir, n’a pas pris une telle décision ? « Le problème est que nos dirigeants veulent tout faire avec le secteur public alors que celui-ci ne dispose pas des ressources humaines suffisantes pour concevoir un tissu industriel », explique l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie. « Dans un ministère, on réfléchit toujours à des méga projets industriels intégrés et jamais à des petites entreprises qui vont activer autour, »a-t-il ajouté. La fabrication militaire existe en Algérie depuis la fin des années 70, « mais elle n’a pas été conçue dans une configuration d’industrie qui exporte et génère des profits,» abonde Akram Kharief.
Les opportunités ratées des contrats offset
L’économiste Nouredine Ouabdeslam, expert en investissements stratégiques, est convaincu que l’armée algérienne peut soutenir la création d’une une industrie militaire, « non seulement avec son carnet de commandes fourni mais aussi avec son programme d’importations, à travers ce qui est appelé les contrats offset ». Ces contrats offset consistent à négocier avec les fournisseurs d’armements, l’investissement dans la création d’un tissus industriel de sous-traitants, de manière à réaliser un taux d’intégration élevé dans les composantes des équipements. Il cite l’exemple de la Pologne, dont le contrat d’armement stratégique de fourniture de chasseurs F16 de 6 milliards de dollars avec les Etats Unis, a été suivi d’un investissement de 9 milliards de dollars engagé par le gouvernement américain dans le pays.
Ce modèle a également été appliqué avec succès en Tunisie et au Maroc, qui ont réussi à constituer une industrie de sous-traitance aéronautique à la faveur de contrats d’achat d’avions civils. « Il y a aujourd’hui 1200 PME de sous-traitance aéronautique au Maroc, dont une usine de câblerie dans la région de Casablanca, qui fabrique des câbles de trains d’atterrissage pour Boeing et Airbus, » a-t-il dit. Pourtant, estime Akram Kharief, les russes ne trouvent aucun problème avec les contrats offset puisqu’ils ont conclu des accords dans ce sens avec l’Inde, un de leurs gros client dans le monde. 
La conclusion est sans appel : l’Algérie a raté des opportunités d’accompagner ses acquisitions d’avions civils et d’équipements militaires, par des contrats dits offset qui lui auraient permis de mettre en place une véritable industrie de l’armement.
Pourquoi cela n’a pas été fait ? Hadj Nacer avance deux raisons majeures : une doctrine en vigueur depuis l’indépendance, celle de l’industrie industrialisante « qui consistait à dire nous savons tout faire nous même », et qui excluait de fait les entreprises privées. Il y a ensuite « ce rapport entre l’argent et le pouvoir qui n’a pas encore été réglé et qui a bloqué l’effort d’industrialisation au profit de l’importation ».

Ecouter l’émission

 

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