L'intégration des agriculteurs au circuit commercial, bonne ou mauvaise idée : trois questions posées à l'expert Aissa Manseur - Maghreb Emergent

L’intégration des agriculteurs au circuit commercial, bonne ou mauvaise idée : trois questions posées à l’expert Aissa Manseur

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Samedi dernier, le ministère du Commerce et de la Promotion des Exportations, annonçait avoir autorisé les agriculteurs à vendre leurs produits directement au consommateurs au niveau des marchés de gros et de détail.

Le département de Kamel Rezig a jusque-là essayé plusieurs recettes pour faire face à la spéculation et à l’augmentation exponentielle des prix à la consommation des produits agroalimentaires. Pourtant le diktat des spéculateurs et de la sphère informelle semblent avoir la peau dure et résiste à toutes les solutions proposées par les pouvoirs publiques.

La rédaction de Maghreb Emergent a posé trois questions à Aissa Mansour, Expert et consultant en développement agricole :

Selon vous, les agriculteurs disposent-ils de moyens matériels et humains pour distribuer leurs productions directement sur les marchés et détail ?

L’agriculteur n’est pas un commerçant. Comment doit-il avoir les moyens de distribution de sa production ? Même les moyens de production nécessaires à ses activités ne sont pas complètement acquis ! il faut préciser que l’agriculteur opère dans des conditions difficiles et il fournit d’énormes efforts pour qu’il puisse assurer une certaine production qui cède avec des prix qu’on peut qualifier de dérisoires alors une fois atterri sur les marché, ces prix augmentent d’une façon spectaculaire qu’aucun observateur économique ne peut expliquer 

Et pour venir à votre question, non l’agriculteur n’a pas les moyens de distribuer et commercialiser sa production, cette activité est normalement assurée par d’autres acteurs, c’est un autre maillon de la chaine qui a ses spécificités, la distribution et la commercialisation des produits agricoles va lui induire des dépenses supplémentaires qui ne peut jamais supporter , en premier lieu il doit assurer lui-même la récolte ou la cueillette et réquisitionner des véhicules pour transporter ses produits jusqu’aux marchés de gros et de détail, en plus est-il concevable que l’agriculture déserte sa terre et son exploitation  pour se retrouver à la longueur de la journée dans les marché pour vendre ses produits ? C’est une opération techniquement impossible et ne peut jamais être concrétisée sur le terrain 

Il y a un marché qu’il faut réguler et contrôler, on ne doit pas laisser le marché sous le contrôle des spéculateurs et appeler les agriculteurs à sa rescousse ! Il est impératif de situer les responsabilités et savoir qui fait quoi ? L’agriculteur, pour sa part en tant que premier maillon de la chaine se contente de produire et aux autres intervenants d’assurer la distribution et la commercialisation, les pouvoirs publics doivent s’occuper de la régulation et du contrôle du marché, il faut trouver les mécanismes adéquats pour pallier à tout dysfonctionnement de toute la chaine d’approvisionnement des marchés en produits agricoles 

Cette décision pourra-t-elle induire à un dysfonctionnement dans la chaine de distribution des produits agricoles ?

Personnellement je pense que sa réalisation est très difficile si ce n’est pas impossible. Mais si jamais cela peut se produire c’est tout à fait normal qu’il y aura un dysfonctionnement et une anarchie dans l’approvisionnement des marchés en produits agricoles, que peuvent faire les opérateurs qui normalement, assurent et accomplissent cette tache ? On veut régler un problème pour en créer d’autres ?

Il faut étudier sérieusement le problème de la flambée des prix et déterminer les causes pour apporter le bon remède ! Comme je vous ai dit plus haut, il faut impérativement savoir qui fait quoi ou encore qui doit faire quoi dans cette chaine. L’absence d’un système de régulation adéquats et des textes règlementaires rigoureux régissant le marché des produits agricole balise le terrain à l’apparition des spéculateurs qui s’accaparent du marché et contrôlent ses transactions et échappent a tout contrôle, ils n’ont de compte à rendre a personne.

Ces spéculateurs imposent leur diktat aux producteurs ainsi qu’aux marchands de gros, Ils guettent le moment opportun pour s’accaparer des marchandises à bon prix et les stocker en créant ainsi la pénurie, ils déstockent au moment voulu et imposent leurs prix ! Ces spéculateurs ont atteint un degré de professionnalisme avancé, ils n’agissent pas au hasard, ils sont bien informés des réalités du marché et bien équipés pour transporter et stocker les différentes denrées.

Cette décision sera-elle une solution contre la flambée des prix des fruits et légumes dans les marchés de détails ? 

Cette décision non seulement ne règle aucun problème mais peut en créer d’autres, l’anarchie ne profite à personne et ceux qui seront les plus touchés seront les agriculteurs qui ne sont pas protégés des aléas du marché et le consommateur qui subit la flambée des prix au déterminent de son pouvoir d’achat.

Les flambées des prix ne peuvent être combattues qu’avec un dispositif qui régit toutes les transactions qui s’opèrent dans ces marchés quitte à rendre obligatoire la facturation ou les bons d’achats pour pouvoir suivre l’évolution des prix  tout au long de la chaine et opérer tout dysfonctionnement ou encore plafonner les marges bénéficiaires (et non les prix de vente) la encore personne ne peut imposer des prix à sa guise au risque d’être identifié et sanctionné 

On ne doit pas s’intéresser uniquement à l’amélioration de la production agricole, mais il faut se soucier également de l’accès économique des ménages a ces produits, d’ailleurs c’est un l’un des piliers essentiels de la sécurité alimentaire.

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