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Macron autorise l’ouverture du dossiers des « disparus » de la Guerre d’Algérie et reconnait l’assassinat de Maurice Audin

Par Maghreb Émergent
septembre 13, 2018
Macron autorise l’ouverture du dossiers des « disparus » de la Guerre d’Algérie et reconnait l’assassinat de Maurice Audin
Le Président français Emmanuel Macron a reconnu dans une allocution donnée aujourd’hui, al responsabilité de l’Etat français dans la disparition, l’assassinat et la torture du mathématicien français Maurice Audin, acquis à la cause de l’indépendance algérienne . Une mort rendue possible  » par un système légalement institué qui a favorisé les disparitions et permis la torture à des fins politiques » affirme le Président français.

Plus que la reconnaissance de l’assassinat de Maurice Audin, c’est l’ensemble du système « arrestation-détention » qui a été dénoncé par Emmanuel Macron, qui s’appuie sur ses dires dans le cas Audin sur « Ceux qui, dans la lignée de Pierre Vidal-Naquet, ont enquêté sur l’affaire – historiens, journalistes, documentaristes, etc. – ont minutieusement recoupé les témoignages, les documents, les vraisemblances pour établir un faisceau d’indices concordants. Leurs travaux s’accordent tous à reconnaître que la mort de Maurice Audin a été rendue possible par un système légalement institué qui a favorisé les disparitions et permis la torture à des fins politiques ».

Mieux, le Président français  » souhaite que toutes les archives de l’Etat qui concernent les disparus de la guerre d’Algérie puissent être librement consultées et qu’une dérogation générale soit instituée en ce sens ».

Enfin pour Macron « L’approfondissement de ce travail de vérité doit ouvrir la voie à une meilleure compréhension de notre passé, à une plus grande lucidité sur les blessures de notre histoire, et à une volonté nouvelle de réconciliation des mémoires et des peuples français et algérien.  »

Cette déclaration a suscité de nombreuses réactions en France. La présidente du Rassemblement national (ex FN) Marine Lepen a accusé Macon de commettre un « acte de division, en pensant flatter les communistes ». « Maurice Audin a caché des terroristes du FLN qui ont commis des attentats. Macron commet un acte de division, en pensant flatter les communistes », a déclaré au Talk du Figaro la présidente du Rassemblement national (RN, ex FN).

En Algérie le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni a qualifié, jeudi à Alger, de “pas positif louable” la reconnaissance par l’Etat français de sa responsabilité dans la disparition et la torture, durant la Guerre de libération nationale, de Maurice Audin.

Selon l’APS « M. Zitouni a fait savoir que les commissions en charge des dossiers de restitution des archives nationales liées à la période coloniale et des crânes des résistants algériens se trouvant au Musée de l’homme de Paris ainsi que l’indemnisation des victimes des essais nucléaires au Sahara algérien “sont encore à pied d’oeuvre et leurs résultats connus prochainement”. »

 

Verbatim de la déclaration d’Emmanuel Macron:

Au soir du 11 juin 1957, Maurice Audin, assistant de mathématiques à la Faculté d’Alger,
militant du Parti communiste algérien (PCA), est arrêté à son domicile par des militaires. Après
le déclenchement de la guerre par le Front de libération nationale (FLN), le PCA, qui soutient
la lutte indépendantiste, est dissous et ses dirigeants sont activement recherchés. Maurice Audin
fait partie de ceux qui les aident dans la clandestinité.
Tout le monde sait alors à Alger que les hommes et les femmes arrêtés dans ces circonstances
ne reviennent pas toujours. Certains sont relâchés, d’autres sont internés, d’autres encore sont
remis à la justice, mais nombre de familles perdent la trace d’un des leurs cette année-là dans
la future capitale algérienne. Les « disparitions », qu’on déplore du reste de tous côtés pendant
le conflit, se comptent bientôt par milliers.
Aussi, Josette Audin, restée seule avec trois jeunes enfants, retenue plusieurs jours dans son
appartement, se démène dès qu’elle le peut pour tenter de savoir où son mari est détenu. Le
commandement militaire lui livre alors ce qui allait rester pour des décennies la version
officielle : son mari s’est évadé. La réponse est couramment faite aux familles en quête
d’informations. La plainte pour enlèvement et séquestration qu’elle dépose alors, achoppe,
comme d’autres, sur le silence ou le mensonge des témoins-clés qui font obstruction à
l’enquête. Celle-ci est définitivement close en 1962 par un non-lieu, en raison des décrets
d’amnistie pris à la fin de la guerre d’Algérie, qui ont mis fin à toute possibilité de poursuite.
Maurice Audin n’a jamais réapparu et les circonstances exactes de sa disparition demeurent
floues. Le récit de l’évasion qui figure dans les comptes rendus et procès-verbaux officiels
souffre de trop de contradictions et d’invraisemblances pour être crédible. Il s’agit
manifestement d’une mise en scène visant à camoufler sa mort. Les éléments recueillis au cours
de l’instruction de la plainte de Josette Audin ou auprès de témoins indiquent en revanche avec
certitude qu’il a été torturé.
Plusieurs hypothèses ont été formulées sur la mort de Maurice Audin. L’historien Pierre VidalNaquet
a défendu, sur la foi d’un témoignage, que l’officier de renseignements chargé
d’interroger Maurice Audin l’avait lui-même tué. Paul Aussaresses, et d’autres, ont affirmé
qu’un commando sous ses ordres avait exécuté le jeune mathématicien. Il est aussi possible
qu’il soit décédé sous la torture.
Quoi qu’il en soit précisément, sa disparition a été rendue possible par un système dont les
gouvernements successifs ont permis le développement : le système appelé « arrestation-détention
» à l’époque même, qui autorise les forces de l’ordre à arrêter, détenir et interroger
tout « suspect » dans l’objectif d’une lutte plus efficace contre l’adversaire.
Ce système s’est institué sur un fondement légal : les pouvoirs spéciaux. Cette loi, votée par le
Parlement en 1956, a donné carte blanche au Gouvernement pour rétablir l’ordre en Algérie.
Elle a permis l’adoption d’un décret autorisant la délégation des pouvoirs de police à l’armée,
qui a été mis en œuvre par arrêté préfectoral, d’abord à Alger, puis dans toute l’Algérie, en
1957.
Ce système a été le terreau malheureux d’actes parfois terribles, dont la torture, que l’affaire
Audin a mis en lumière. Certes, la torture n’a pas cessé d’être un crime au regard de la loi, mais
elle s’est alors développée parce qu’elle restait impunie. Et elle restait impunie parce qu’elle
était conçue comme une arme contre le FLN, qui avait lancé l’insurrection en 1954, mais aussi
contre ceux qui étaient vus comme ses alliés, militants et partisans de l’indépendance ; une arme
considérée comme légitime dans cette guerre-là, en dépit de son illégalité.
En échouant à prévenir et à punir le recours à la torture, les gouvernements successifs ont mis
en péril la survie des hommes et des femmes dont se saisissaient les forces de l’ordre. En dernier
ressort, pourtant, c’est à eux que revient la responsabilité d’assurer la sauvegarde des droits
humains et, en premier lieu, l’intégrité physique de celles et de ceux qui sont détenus sous leur
souveraineté.
Il importe que cette histoire soit connue, qu’elle soit regardée avec courage et lucidité.
Il en va de l’apaisement et de la sérénité de ceux qu’elle a meurtris, dont elle a bouleversé les
destins, tant en Algérie qu’en France. Une reconnaissance ne guérira pas leurs maux. Il restera
sans doute de l’irréparable en chacun mais une reconnaissance doit pouvoir, symboliquement,
délester ceux qui ploient encore sous le poids de ce passé. C’est dans cet esprit, en tout cas,
qu’elle est pensée et aujourd’hui formulée.
Il en va aussi de l’honneur de tous les Français qui, civils ou militaires, ont désapprouvé la
torture, ne s’y sont pas livrés ou s’y sont soustraits, et qui, aujourd’hui comme hier, refusent
d’être assimilés à ceux qui l’ont instituée et pratiquée.
Il en va de l’honneur de tous les militaires morts pour la France et plus généralement de tous
ceux qui ont perdu la vie dans ce conflit.
Il en va enfin du devoir de vérité qui incombe à la République française, laquelle dans ce
domaine comme dans d’autres, doit montrer la voie, car c’est par la vérité seule que la
réconciliation est possible et il n’est pas de liberté, d’égalité et de fraternité sans exercice de
vérité.
La République ne saurait, par conséquent, minimiser ni excuser les crimes et atrocités commis
de part et d’autre durant ce conflit. La France en porte encore les cicatrices, parfois mal
refermées.
Aussi le travail de mémoire ne s’achève-t-il pas avec cette déclaration. Cette reconnaissance
vise notamment à encourager le travail historique sur tous les disparus de la guerre d’Algérie,
français et algériens, civils et militaires.
Une dérogation générale, dont les contours seront précisés par arrêtés ministériels après
identification des sources disponibles, ouvrira à la libre consultation tous les fonds d’archives
de l’Etat qui concernent ce sujet.
Enfin, ceux qui auraient des documents ou des témoignages à livrer sont appelés à se tourner
vers les archives nationales pour participer à cet effort de vérité historique.
L’approfondissement de ce travail de vérité doit ouvrir la voie à une meilleure compréhension
de notre passé, à une plus grande lucidité sur les blessures de notre histoire, et à une volonté
nouvelle de réconciliation des mémoires et des peuples français et algérien.

 

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