Les journalistes de la radio d’Etat revendiquent la neutralité de leur média en tant que service public.
Les journalistes de la radio nationale ont adressé samedi 23 février une lettre de protestation au Directeur général de la radio nationale, Chabane Lounakel, dans laquelle ils dénoncent la décision de la hiérarchie de passer sous silence les grandes manifestations du 22 février 2019 contre un cinquième mandat du président sortant.
Dans cette lettre, dont Maghreb Emergent a obtenu une copie, les signataires affirment que cette entorse à l’éthique journalistique dont s’est rendue responsable la direction, n’est que « l’illustration de l’enfer de l’exercice au quotidien de notre métier ». Décrivant un climat « d’extrêmes tensions » au sein des rédactions de la radio publique, les journalistes dénoncent le « non-respect de la hiérarchie de la neutralité dans le traitement de l’information au sein de nos rédactions ».
« Nous refusons le traitement exceptionnel dérogatoire imposé par la hiérarchie au profit du Président et de l’Alliance présidentielle et restrictif quand il s’agit de l’opposition », écrivent les signataires dans leur missive, tout en rappelant que la Radio algérienne « appartient à tous les Algériens ».
Un média national « auquel chaque algérien doit pouvoir s’identifier », les journalistes soulignent que leur devoir « est de tous les informer ».
« Nous sommes le service public et non des journalistes étatiques », lancent-ils tout en réclamant leur droit de « disposer de nous-mêmes ». Cette protestation des journalistes du service public- en attendant peut-être un autre sursaut des autres journalistes de la presse publique (télévision, presse écrite)-, est inédite et traduit un sentiment d’exaspération qui dure depuis plusieurs années chez bon nombre de confrères du service public.
Ce sentiment d’exaspération général est
résumé par la journaliste de la chaine 3, Nahla Bekralas dans
un message posté samedi sur sa page Facebook. « Déçue par le service
public que devait assurer hier 22 février la radio nationale. Je suis
journaliste au sein de cette entreprise, et mon devoir est d’informer les Algériens
sur ce qui se passe sans afficher mes positions politiques.
Pour ou contre le 5ème mandat, là n’est pas la question pour un
journaliste qui se doit de rester impartial peu importe les événements. La
radio nationale a manqué à sa mission principale hier, à son devoir
d’informer… ».
Le même jour la journaliste vedette de la même chaine, Meriem Abdou qui a annoncé via sa page Facebook sa démission de son poste de Rédactrice en chef membre de l’encadrement de la chaine 3 en signe de protestation contre l’impasse faite sur les marches du 22 février. « Je refuse catégoriquement de cautionner un comportement qui foule aux pieds les règles les plus élémentaires de notre noble métier », a ainsi affirmé la journaliste qui assure néanmoins se consacrer uniquement à son émission « L’histoire En Marche ».
Et visiblement, les choses s’accélèrent au sein des rédactions de la télévision étatique ENTV. Ainsi, on apprend que directeur de l’information à l’ENTV, Adel Salakdji, a été démis de ses fonctions, par Tewfik Khalladi, le patron de la télévision publique et remplacé par son adjoint Tewfik Abed.
Selon le Huffpost Algérie qui a rapporté l’information et citant des sources internes à l’ENTV, la raison de ce limogeage est liée à l’impasse sur les manifestations du 22 février. En effet, le désormais ex-directeur de l’information a pris la décision de ne pas « reprendre la dépêche APS de vendredi, sur les manifestations populaires qui ont eu lieu dans la capitale ».
Il y a lieu de relever que l’Agence de presse Algérie Presse Service (APS), a été le seul organe d’information publique à avoir assuré la couverture des marches de vendredi dernier, tout en évoquant le rejet du 5e mandat par les manifestants.
Cette réaction des médias publics contraste avec la passivité qu’ont affichée les journalistes des chaines de télévision privées dont la couverture des marches du 22 est sujette à caution.