Pour Roland Vially, géologue à l’Institut français du pétrole, l’exploitation des gisements de schiste bitumineux au Maroc ne se fera pas sans nuisances et risques écologiques. En outre, rappelle-t-il, les investissements dans ce segment sont biens lourds et la production d’huiles de schistes est elle-même coûteuse en énergie.
Invité à parler des enjeux des hydrocarbures non conventionnels au Maroc, Roland Vially, géologue à l’Institut français du pétrole, a estimé, dans un entretien accordé à Usine Nouvelle, que les Etats dépendants énergétiquement « ont généralement intérêt à mener une stratégie de développement de mix énergétique entre les énergies fossiles et les énergies renouvelables, comme le solaire ou l’éolien ». Il a, toutefois, mis en garde contre les risques environnementaux inhérents aux énergies non conventionnels : « Une industrie d’hydrocarbures non conventionnels développe une activité industrielle certaine mais qui peut se faire au détriment de zones touristiques ou de terres agricoles. »
Les huiles de schiste : une « faible performance énergétique »
Cette mise en garde est lancée à un moment où un débat s’ouvre au Maroc sur l’exploitation des gisements de schistes bitumineux.
Le royaume chérifien, face aux difficultés d’atteindre rapidement l’indépendance énergétique malgré les investissements qu’il a consentis dans le secteur des énergies renouvelables (solaire thermique et éolien, notamment), teste l’exploitation de ces gisements pour la production d’huiles de schiste. Une licence d’exploitation a été octroyée en août 2013 à l’irlandais San Leon Energy. Cette compagnie vient d’annoncer des résultats « encourageants » sur le site de Timahdit, où quelques barils d’huile de schiste ont déjà été produits dans une unité pilote.
Le gisement de Timahdit : 42 milliards de tonnes de schistes bitumineux
Le gisement de Timahdit se trouve à 240 km à l’est de Rabat, dans la chaîne du Moyen Atlas, et recèle des réserves estimées par l’Office marocain des hydrocarbures et des mines (l’ONHYM) à « 42 milliards de tonnes de schistes bitumineux, avec une teneur moyenne de 61.5 l/t, soit 15 milliards de barils d’huile en place ». Selon Oisin Fanning, président exécutif de San Leon Energy, cité par Usine Nouvelle, cette compagnie table sur un potentiel à long terme de « 11.000 barils par jour pendant 30 ans ».
L’huile de schiste, rappelle Rolan Vially dans Usine Nouvelle, a une très mauvaise performance énergétique : « Ces hydrocarbures non conventionnels sont des ressources non arrivés à maturité géologique. On doit alors les porter à cette maturité artificiellement. Pour en faire du pétrole utilisable, on doit chauffer cette huile à 400 degrés dans des fours qu’il faut construire. C’est un processus et des installations industrielles qui demandent du temps et des investissements très lourds avec un risque élevé. Et c’est coûteux en énergie ! »
L’exploitation des schistes bitumineux : un investissement coûteux
Ce géologue français a justifié l’intérêt pour les gisements de schiste bitumineux par leur accessibilité. Cependant, a-t-il expliqué, l’extraction des huiles de schiste « ne se fait pas sans nuisance, efforts et investissements ». Et d’ajouter : « Les sociétés d’exploration cherchent avant tout à répartir le risque car dans ce domaine, rien n’est garanti à l’avance. Lorsqu’elles annoncent des découvertes, c’est souvent pour attirer les investisseurs en capital. »
Il convient de noter que le sous-sol du royaume dispose de réserves estimées par l’ONHYM à quelque 50 milliards de barils, dont 37 milliards proviendraient des seuls gisements de Timahdit et Tarfaya, qui recèle 80 milliards de tonnes de schistes bitumineux renfermant potentiellement 22 milliards de barils d’huile en place.