Placé en liquidation judiciaire il y a un an, le site d’information indépendant Marsactu renaît aujourd’hui de ses cendres. Le nouveau site est en ligne depuis deux mois et l’équipe installée à Marseille (France) travaille d’arrache-pied à son développement. Non sans difficultés. Reportage.
Le week-end a été agité pour les sept membres de l’équipe de Marsactu. Leurs bureaux ont été de nouveau visités, une semaine à peine après un premier cambriolage. Mais cette fois-ci l’intrusion semble ciblée et les activités journalistiques visées. « Seuls une caméra et un appareil photo ont été volés, les tiroirs ont été retournés, des objets déplacés, mais aucun acte de vandalisme n’est à déplorer », informe l’équipe de Marsactu sur le site internet. En ce lundi 7 mars, dans les locaux du journal, rien n’indique en effet pour les non informés que le pure-player d’enquête, de reportage et d’analyse sur Marseille et sa région ait été victime d’une fouille minutieuse trois jours auparavant.
Le charmant appartement du deuxième étage d’un vieil immeuble du centre-ville, où les reporters dérangeants ont élu domicile, a tout l’air d’une salle de rédaction classique, joyeusement bordélique. Des ordinateurs portables traînent ça et là, des journaux défeuillés attendent d’être recyclés et un tas de documents recouvre les bureaux. Seuls le généreux soleil qui irradie la grande pièce ouverte servant à la fois de cuisine-salle de réunion, salon-espace d’interview, salle à manger-open space, rappelle que nous sommes en terres du Sud. Et le mobilier chiné agrémenté de plantes vertes suggère le caractère anticonformiste de cette jeune rédaction âgée entre 26 et 44 ans.
Avec le gabian (goéland) comme emblème et la maxime « ancré, exigeant, indépendant » comme slogan, le média affiche une liberté de ton et de champ d’action sans concession. Des scandales de favoritisme au Front national à l’état scandaleux des écoles en passant par la catastrophe écologique du rejet des boues rouges dans la Méditerranée, Marsactu enquête sur tous les dossiers fâcheux.
Changement de modèle radical
Pour s’attaquer à tous ces sujets librement, le pure-player marseillais nouvelle version fonctionne sur abonnement. « Suite à la liquidation judiciaire de Marsactu, le 5 mars 2015, l’idée de reprendre le titre s’est immédiatement imposée », explique Clémentine Vaysse, une des six journalistes de l’ancienne équipe ayant décidé de poursuivre l’aventure. « Nous avons donc racheté le fonds de commerce avec le site internet comportant les fichiers abonnés et surtout les cinq années d’archives », poursuit la jeune femme aux yeux couleur Méditerranée et à l’éclatante chevelure épi de blé. « Mais l’ancien site ne permettait pas le passage au payant qui était au cœur du projet ».
C’est ainsi que les six acolytes Benoît Gilles, Élodie Crezé, Jean-Marie Leforestier, Clémentine Vaysse, Julien Vinzent et Roch Giraud passent l’été 2015 à élaborer le cahier des charges du nouveau site de Marsactu. « Nous avons regardé pleins de sites que l’on aimait tels que Inkyfada, The Correspondant, The New York Times, etc., et nous avons fait une synthèse correspondant à notre usage et aux lecteurs », détaille Clémentine Vaysse.
Epuré, pragmatique, moderne et sans publicité, le nouveau site – financé par une campagne de financement participatif ayant atteint 45.000 euros – rompt radicalement avec le premier Marsactu, gratuit et flashy, fondé en 2010 par Pierre Boucaud et édité par sa société Raj Média. « En tant que journal d’investigation publiant deux à quatre gros articles par jour et dix articles moyens, nous voulions un site répondant à une logique d’appropriation de l’espace et non de flux », explique Clémentine Vaysse.
Le site développé en deux mois par une agence marseillaise présente ainsi un fil d’actualité de brèves gratuit, des longs papiers payants, une édition week-end composée de dossiers et une « agora » pas encore ouverte mais qui abritera les blogs des abonnés désireux de « partager coups de cœur et coups de gueule, pour initier un débat ».
Redémarrage encourageant
Le nouveau Marsactu.fr a été mis en ligne début octobre, avec accès libre au départ. « Après six mois d’interruption, il nous semblait important d’avoir cette période gratuite pour se réapproprier le nouveau site », souligne Clémentine Vaysse. Pari relevé. Les lecteurs reviennent rapidement et même avec le passage au payant dès la mi-décembre, l’audience demeure forte. « L’aspect positif pour nous et que le trafic est identique à celui d’avant la liquidation, à savoir une moyenne d’audience de 250.000 visiteurs uniques par mois », relève la journaliste.
Un début dynamique donc estiment les six actionnaires qui se sont constitués en société par action simplifiée et ont été rejoints depuis septembre par Lisa Castelly, unique salariée de l’équipe. Autre signe de ce démarrage encourageant : les abonnements viennent de dépasser les 1200 en deux mois.
A présent que la structure est en place, le développeur s’active sur le deuxième volet de Marsactu à savoir l’Agora. « C’est la dernière partie du site qui doit être développée et permettra aux abonnés contributeurs d’avoir leur propre accès au bac office », détaille Clémentine Vaysse. En parallèle de ce chantier nécessitant de nouveaux financements, l’équipe du pure-player marseillais travaille à un questionnaire sur le contenu éditorial à destination des lecteurs. Pour connaître le reste des futurs projets, il faudra patienter. « Pour l’instant, on doit d’abord consolider les abonnés et notre travail éditorial », conclut la journaliste de Marsactu.