Comme attendu, le dernier remaniement ministériel opéré par Abdelmadjid Tebboune n’a pas épargné le ministère de la Communication.
Sur la sellette depuis plusieurs mois, Mohamed Laagab, réputé pourtant proche du chef de l’État dont il a été le directeur de la campagne électorale en 2019, a fini par passer le témoin à Mohamed Meziane.
Ce changement prévisible survient dans un contexte où la presse algérienne traverse sans doute l’une des pires périodes depuis l’ouverture démocratique en 1989. Signe de la régression : la fermeture de l’un des derniers espaces médiatiques libres, en l’occurrence Radio M dont le directeur a été emprisonné depuis décembre 2022 avant qu’il recouvre sa liberté ce mois de novembre.
Depuis sa nomination en septembre 2023 à la tête du secteur, Mohamed Laagab, un temps conseiller à la présidence, s’est attelé à assoir un cadre juridique pour encadrer la profession. En l’espace de quelques mois, plusieurs lois ont ainsi été élaborées et adoptées, comme la Loi sur l’information, la Loi sur l’audiovisuel ou encore la Loi sur la presse écrite et électronique.
Menés au pas de charge, ces textes n’ont cependant pas été agréés par nombre de professionnels du secteur et les spécialistes. Hormis le régime déclaratif consacré à la création de journaux, beaucoup de dispositions ont suscité la controverse et ont été fortement critiquées, comme l’interdiction faite aux binationaux d’investir dans le secteur.
Lors de la cérémonie de passation de consignes avec son successeur, Mohamed Meziane, Laagab a égrené un chapelet d’actions entreprises sous sa direction, comme l’assainissement des imprimeries, l’aménagement du nouveau siège, la numérisation, la création d’un fonds d’aide à la presse…etc. Par certains égards, il s’est livré à un procès en règle contre son prédécesseur, puisqu’à l’entendre, le secteur était presque à l’état d’abandon.
Rétrécissement de la liberté d’expression
Mais à aucun moment, il n’a évoqué le climat des libertés, les journalistes poursuivis, comme Saad Bouakba, condamné à une année de prison dont six mois ferme, en octobre 2023, ou encore le journaliste et fondateur du site d’information « Djelfa Tribune », Badreddine Guermat, à un an de prison ferme, assorti d’une amende de 100 000 dinars, le mois d’octobre dernier. Aucun mot également sur une hypothétique Loi sur la publicité, levier de pression du pouvoir sur les médias.
Pis encore, sous son règne, il a été jusqu’à justifier devant les médias l’expulsion du journaliste de Jeune Afrique, Farid Alilat, empêché de réaliser un reportage en Algérie. Arrivé, le mois d’avril 2024, à l’aéroport international d’Alger en provenance de Paris, il a été retenu pendant plusieurs heures et interrogé par la police, avant d’être raccompagné jusqu’à l’avion pour le refouler.
Un homme indésirable
Controversé et loin de répondre visiblement à ce qui est attendu de lui, Mohamed Laagab a fini par apparaitre indésirable dans l’entourage présidentiel puisqu’un décret non publiable lui a rogné tous les pouvoirs transférés au chef du département de la communication à la présidence de la République, Kamel Sidi Said. Depuis, ses apparitions se font rares et Kamel Sidi Said occupe la scène, comme lorsqu’il s’est déplacé pour présenter ses vœux de l’Aid aux employés de l’ENTV et de la radio algérienne.
Lors de certaines cérémonies, notamment d’installation de nouveaux responsables de médias publics, son absence a été fort remarquée. Et d’aucuns avaient alors conclu que son sort était scellé et que ses jours étaient comptés à la tête du département de la communication. Le personnage était visiblement devenu encombrant.
Comme ses prédécesseurs, Mohamed Laagab part sans laisser d’empreinte dans le secteur qui se morfond dans une régression terrible. Il laisse à son successeur des chantiers qu’il lui sera difficile de mener à bien, par exemple l’installation du Conseil d’éthique et de la déontologie. Mohamed Meziane saura-t-il relever le défi ? Difficile de se hasarder à quelques prédictions, d’autant que l’homme a fait l’essentiel de sa carrière dans la diplomatie.