Mobilis contre Algérie Télécom et autres paysages arides de la gouvernance économique algérienne - Maghreb Emergent

Mobilis contre Algérie Télécom et autres paysages arides de la gouvernance économique algérienne

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La semaine économique commentée par El Kadi Ihsane.

– Prix du pétrole, exploitation du gaz de schiste, remaniement du gouvernement. C’était la semaine du doute. Le doute en la capacité de l’Etat à mettre en œuvre les bonnes réponses dans l’adversité. Les illustrations sont nombreuses du délitement consommé. Tout le monde évoque cette semaine la cacophonie autour de l’exploitation du gaz de schiste. Yousfi et Sellal ne disent pas tout à fait la même chose.

Mais il y a pire. La stratégie numérique du pays est toujours livrée à «l’impensé » bureaucratique. Algérie Télécom et sa filiale du mobile, Mobilis, se livrent depuis plusieurs mois une silencieuse bataille de stratégie en l’absence de toute capacité d’arbitrage et de réponse structurante de la ministre des PTIC, Mme Zohra Derdouri.

De quoi s’agit il ? Mobilis a lancé un appel d’offres, novembre dernier, pour la «fourniture, l’installation et la mise en service des équipements de transmissions haut débit de technologie NG-DWDM, avec fourniture du câble fibre optique et équipement passif». Le problème est que la partie fibre optique empiète sur un service fourni par Algérie Télécom. Si Mobilis s’émancipe du réseau de fibre optique d’Algérie-Télécom, celle-ci perd 8 millions de dollars de chiffre d’affaires par jour.

Son PDG, Azouaou Mehmel, a fait savoir à l’UGTA qu’il serait obligé de réduire de plusieurs milliers ses effectifs si Mobilis se dote de son propre réseau de fibre optique et n’achète plus son passage par celui d’Algérie Télécom. Conciliabules et lobbying paragouvernemental, la date de dépôt des offres a été reportée deux fois par Saâd Dama, le PDG de Mobilis. Que les choses soient claires. Les deux patrons publics font leur job. Chacun défend les intérêts de son enseigne. Mehmel, ne peut pas laisser partir son dernier grand client dans le transport de la data. Et Dama veut s’aligner sur les standards de fibre optique que détiennent ses concurrents Djezzy et Ooredoo.

De bonne guerre. Sauf que «la tutelle» du secteur est tragiquement dépourvue de réponse dans un conflit domestique qui pose le problème de la stratégie des acteurs dans le numérique. Patronne de l’ARPT, Zohra Derdouri avait pour sa part fait du lobbying en 2013 pour bloquer la loi sur les TIC de son prédécesseur Moussa Benhamadi. Conséquence, les instruments juridiques sont absents pour préserver les intérêts de l’opérateur historique, tout en permettant à Mobilis de faire face à la concurrence.

La solution ? Sans doute dans la convergence fixe-mobile, partout en œuvre dans le monde, puisque les anciens acteurs de la téléphonie fixe fusionnent avec leur filiale du mobile pour apporter une solution intégrée d’offres de service voix et data. Pour préparer le terrain à une telle convergence fixe-mobile et éviter la bataille Algérie Télécom-Mobilis, il faut disposer d’une gouvernance sensible à l’enjeu numérique. Difficile de se l’imaginer avec Abdelmalek Sellal aux prises avec Youcef Yousfi.

 

– Le Maroc est le pays du Maghreb dont la conjoncture dépend le plus de la vigueur de la croissance européenne. Celle-ci étant quasi nulle en 2014, le Maroc peut se féliciter d’avoir bouclé l’année à 3% de taux de croissance, en dépit d’une forte contrainte sur le budget en déficit de 5% du PIB. Dans le court terme, la perspective marocaine continue de dépendre de facteurs classiques : pluviométrie et prix des importations énergétiques. Un peu comme l’Algérie mais en sens inverse pour le pétrole.

Sauf que le paramètre émergent dans l’analyse de la performance marocaine est celui des exportations des produits industriels. En 2014, ce sont en effet l’automobile (+56%) et l’électronique (26%) qui ont hissé l’ensemble des exportations marocaines (+6%). Et fait baisser le déficit de la balance commerciale de 6% également. La spécialisation marocaine dans la chaîne de valeur internationale évolue lentement. Mais elle évolue.

Cela peut ne pas suffire devant les échéances générationnelles qui rendent les classes moyennes politiquement plus revendicatives car plus autonomes. D’autant que le climat des affaires, donné pour meilleur, n’a pas empêché une baisse de 12% des investissements étrangers. Le nombre de faillites des entreprises marocaines demeure élevé en 2014. Il reste que ce modèle, qui diversifie ses exportations, continuera à se développer sans grands à-coups en 2015 où la croissance prévisionnelle sera de 5,1%, selon le Centre marocain de conjoncture, plus optimiste que le gouvernement Benkirane (4,4%).

Le Maroc attend donc du marché européen un rebond qui tarde à venir. La baisse de la parité de l’euro face au dollar (25% en trois mois) n’aide pas à mieux valoriser les exportations marocaines vers la zone euro. Le dynamisme de l’économie marocaine est toujours bridé par une forte concentration du capital liée aux centres de décision politiques. Le poids patrimonial du Palais dans les affaires est tout aussi difficile à réformer qu’il était difficile de contenir celui, envahissant, du clan Benali-Trabelsi de l’avant-2011.

 

– L’événement le plus prometteur de ce début d’année sur le front économique ? La visite du président sénégalais avec un fort contenu économique. Le président Macky Sall a présenté le plan Sénégal Emergent, a visité Ain Madhi siège de la zaouia Tidjania dominante dans l’Islam sénégalais, a offert sa médiation entre Alger et Rabat et a écouté le président Bouteflika.

Ce n’est certes pas le meilleur partenaire pour faire décoller une coopération entre l’Algérie et le Sénégal. Que peut vendre l’Algérie au Sénégal et inversement ? Des services, du trafic passagers, des flux de touristes, des biens industriels, des produits de base. Et plein d’autres de choses.

Les grands groupes algériens le savent. Même le groupe ETRHB, interpellé pour la réalisation d’équipements d’infrastructures. Le Sénégal premier marché d’Afrique de l’ouest pour sortir du face à face avec l’Europe ? Le président Macky Sall a lancé le chantier à Alger. Mais Bouteflika le sait-il vraiment ?

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