Par: Samy Injar
La sortie publique de l’appel pour une concertation interne au Hirak a fait mouche. Le mouvement populaire peut reprendre l’initiative politique.
Lorsque le Facebook live de la présentation de Nida22 a pris fin aux abords de minuit ce jeudi soir, le compteur des vus avait dépassé les 84 000. Le meeting virtuel de lancement de Nida22 est une réussite pour ses promoteurs, et l’invitation à « une concertation politique intra-hirak » a été largement bien accueillie a lire les plus de 5200 commentaires postés durant les 2 h 15 min de la diffusion.
24 heures après, l’évènement facebook a touché 200 000 personnes. Le teasing publié au matin du rendez vous du lancement, laissait présager « un coup », notamment en dévoilant les portraits de figures reconnues du Hirak comme Karim Tabou, Mostefa Bouchachi, Samir Belarbi ou Abdelghani Badi.
Très vite le lancement sous la forme d’une tribune sur Zoom diffusée sur Facebook a attiré les internautes qui l’attendaient, passant le cap des 2000 connectés simultanés. Nida22 a notamment réussi le pari de restituer la diversité politique et culturelle du mouvement populaire au sein de ses signataires et donc parmi les intervenants de cette soirée. Les figures les plus connues ont, à la suite du sociologue Nacer Djabi, intervenu un peu plus longuement pour expliquer les buts de ce projet et pourquoi il survenait en ce 22 octobre 2020. Puis la succession des interventions de hirakistes, hommes et femmes, des wilayas du pays et de la diaspora a donné une couleur plurielle, à ce meeting ou le public a constamment réagit à travers un torrent de commentaires.
L’avocate Dalila Smail de Tizi ouzou, a rendu hommage à deux en leur souhaitons prompts rétablissements, a deux absents de cette soirée, que sont le commandant Bouregaa, et Fodil Boumala, atteint du Covid 19. Le premier avait eu le temps avant son hospitalisation mercredi dernier, d’adhérer Nida22 dont il a accompagné les étapes de la préparation et apporter des le début son soutien.
Une prouesse d’abord politique
« Avant d’être technique, cette prouesse du meeting virtuel est d’abord politique » pour un des initiateurs de cet appel à réunir les acteurs du mouvement populaire autour d’une feuille de route politique consensuelle. « Il y’a d’abord deux textes consensuels, un appel et un manifeste, résultat de plusieurs mois de discussions qui rallient les signataires. Ensuite, il y a un équilibre entre toutes les sensibilités existantes dans le Hirak qui a été préservé ».
La succession des interventions tout au long de la soirée a également révélé la recherche d’une répartition régionale et sociologique de la tribune de ce lancement. « Nous voulions que d’entrée Nida22 affiche ce à quoi il aspire : une concertation réellement nationale, incluant la diaspora, autour de ce qu’il faut faire pour transformer les revendications du Hirak en solutions politiques pour le changement » conclut ce membre du réseau des initiateurs.
Les questions qui fâchent n’ont pas été abordées lors de ce meeting de sortie. Pas même, la position de cet espace inclusif vis à vis du référendum du 1er novembre 2020. Le contenu de l’appel est cependant sans concession et expédie en une formule ce rendez vous pour se consacrer à la réponse populaire qu’il souhaite mettre en ordre politique. « Le pouvoir de fait multiplie les rendez-vous électoraux et les référendums populaires de pure forme pour assurer sa continuité, refusant la construction d’un véritable consensus aboutissant à l’adoption d’un nouveau contrat politique et social ».
Le Hirak va t-il accepter l’idée de s’organiser ?
« Le Hirak est peut être prêt cette fois à suivre des dirigeants », ce commentaire parmi les milliers tombés en cours du meeting de lancement de Nida22 ne fait bien sur pas l’unanimité. Des critiques ont fusé pour reprocher à cette initiative de prétendre à l’organisation du Hirak, même si tous les intervenants importants ont martelé qu’ils ne le représentaient pas. Il s’agit toutefois depuis de très longs mois, de la première initiative politique indépendante du pouvoir, en dehors de celle du PAD qui se poursuit parallèlement depuis 2019.
Elle était attendue par des secteurs entiers du mouvement populaire qui estimaient que les élites militantes n’ont pas complètement assumé leur rôle durant ces derniers mois ou les marches populaires se sont arrêtées pour cause de pandémie.
La présence des figures politiques du Hirak a rendu plus difficiles les accusations fréquentes avant mars 2020, de « offre de service » au pouvoir, que subissaient les tentatives de donner une expression politique coordonnée au Hirak.
Les initiateurs de Nida22 sont toujours très prudents au sujet de la question de l’organisation. Ils fixent d’abord leurs objectifs « Nous voulons contribuer à la réalisation des objectifs pour lesquels des millions d’Algériens ont manifesté : Parvenir à un accord politique consensuel au sein des différentes dynamiques du Hirak, pour renforcer le rapport de force en faveur du peuple algérien ». Pour réaliser un objectif aussi ambitieux, la dynamique du débat interne au Hirak va t’elle suffire. Pour l’heure Nida22 veut s’en contenter.
On peut lire dans l’appel du 22 « le caractère pacifique de notre révolution nous dicte un projet concerté et participatif entre les acteurs du Hirak pour, à titre d’exemple : Ouvrir un espace indépendant du pouvoir de coordination, de réflexion, de débat et de concertation entre les acteurs du Hirak ; Encourager la coordination des acteurs du Hirak au niveau local et dans les secteurs pour conforter la mobilisation populaire à travers le retour des marches, dès lors que la situation sanitaire liée à la pandémie le permettra ». Cela ne ressemble t-il pas un peu à un début d’organisation du Hirak ? La nouveauté est sans doute que cette idée de l’organisation n’est plus frappée de suspicion en octobre 2020. Les premières heures après le lancement laisse penser que le moment politique a changé.