El Kadi Ihsane.
Son nom est indissociable de la réalisation conduite par son frère Brahim, président du groupe. Okacha Hasnaoui a disparu ce week-end laissant pétrifiée la ville de Sidi Bel Abbes qui lui voue un bel amour. 47 ans d’Entreprise privée dans ce lien entre les bel abbésiens et les Hasnaoui.
Le ciel refuse de prendre une couleur en cette fin d’après-midi tout en contraste ce vendredi. Une petite brise, soudain, s’invite du nord. Elle annonce le cortège mortuaire. Interminable. Une voix dans l’attroupement : « Ici il faisait bien 7 ou 8 degrés de plus hier à cette heure là ». Clémence appréciée. Le cimetière sec et austère résiste au brouhaha montant. Plus de 2000 personnes y convergent alors que le fourgon jaune de la protection civile arrête la procession.
Sidi Ali Benyoub, un peu plus d’une trentaine de kilomètres au sud de Sidi Bel Abbes, va recueillir un de ses enfants prodiges. Okacha Hasnaoui est décédé à l’aube du même jour à l’hôpital de Sidi Bel Abbes. Deux jours auparavant, il avait fait un malaise cardiaque. La nouvelle s’est répandue comme un traînée de poudre dans la ville.
« Vers 10 heures quand je voulais présenter les condoléances à la famille, la rue qui mène vers sa villa dans le quartier résidentiel de Maqam Echahid, construit par le groupe Hasnaoui, il était impossible d’approcher à moins de deux cent mètres tant la foule était compacte », raconte Halim, retraité de la wilaya.
Sidi Bel Abbes n’est pas ingrate. Lorsque les bords de la Mekkera ont débordé, cette fois de joie, en mai 2018, leur émotion avait un visage. Okacha Hasnaoui, revenait à la tête de l’USMBA pour la deuxième fois et, comme 28 ans auparavant, il brandissait la coupe d’Algérie. Les deux seules lignes au palmarès du club. Les Hasnaoui, une empreinte déjà bienheureuse sur la ville avant même cette ultime communion qui venait rappeler combien le nom de la fratrie était synonyme de réussite. Le soir, à 18 heures, au cimetière de Sidi Ali Benyoub, des amis de toutes l’Algérie sont là, cette fois. Parmi les porteurs du dernier hommage, des anciens walis, des ex-ministres, des chefs d’Entreprise, des journalistes connus, des hommes de lettres, des artistes, des anciens footballeurs bien sûr. La galaxie Hasnaoui dans son expansion. Okacha est parti. Brahim, le pionnier, en 1973, de l’aventure qui a conduit à l’un des groupes industriels les plus solides d’Algérie est assailli par les présents pour les condoléances. Il devra faire désormais sans le frère aîné qui savait tant bâtir le relationnel du groupe avec l’extérieur.
Au temps « héroïques » du plâtre de la DNC-ANP
« C’était l’une des personnalités les plus attachantes de la ville. Okacha a joué un grand rôle dans le développement du groupe en incarnant souvent son mécénat et son engagement citoyen », explique Abdelkader, un ancien employé du groupe. « Le chef d’Orchestre des relations extérieures » écrit le professeur Taieb Hafsi dans le livre qu’il a co-signé dédié à GSH, le groupe des sociétés Hasnaoui (Les Hasnaoui, une Entreprise citoyenne, aux Editions Casbah). Okacha, a quitté à 28 ans un poste d’employé au service hydraulique de Sidi Bel Abbes pour se lancer aux côtés de Brahim dans les premiers chantiers glorieux qui, dès le milieu des années 70, feront la légende des Hasnaoui dans la ville puis dans tout l’ouest algérien : l’approvisionnement en eau du chantier de la Sonelec, les 369 logements laissés en friche par une société allemande en faillite, le périmètre d’irrigation du Tafraoui. Son talent relationnel en faisait un manager complémentaire avec son frère, plus jeune que lui, Brahim, ingénieur visionnaire, intellectuellement brillant et tout aussi impatient, dont Okacha dit lui-même qu’il « était trop direct et entier » dans ses relations avec les autres.
Dans le livre cité, Okacha raconte cette anecdote des temps héroïques des pionniers du privé dans la réalisation dans le BTP ; « Pendant qu’on réalisait les 369 logements, nous avons eu besoin de plâtre. Il y avait une seule plâtrerie ici à Fleurus. J’y suis allé dans un petit camion. Après une attente de 5 ou 6 heures, on a commencé à me charger. On était arrivé à la moitié du chargement lorsqu’arrive un camion de la DNC-ANP. Non seulement, on a sorti mon véhicule, mais on l’a déchargé pour charger celui de la DNC ».
Mouloud Hamrouche, son homme providentiel
Okacha Hasnaoui, était enthousiasmé par la réaction des Algériens le 22 février dernier. Comme son frère Brahim et le grand clan familial. Il pestait depuis des années contre l’immobilisme politique et les pratiques d’éviction du privé que la dépense publique dans le bâtiment a aggravé à la fin des années Bouteflika et que la chute des prix du pétrole depuis 2014 n’a pas permis de corriger. C’est lui qui représentait le groupe au sein du FCE. Loin des intrigues algéroises et des déploiement ostentatoires en faveur du régime Bouteflika. D’ailleurs Okacha avait été un des premiers à donner son accord de principe aux initiateurs de la fondation d’une nouvelle organisation d’employeurs au lendemain du 22 février.
Il était plein d’espérance pour l’avenir de l’Algérie. Ses appréhensions, ainsi que celles de Brahim ont commencé à se lézarder après l’arrestation incompréhensible de Issad Rebrab, patron de Cevital. Elles ont enflé avec l’impasse politique des dernières semaines et le dérapage de la campagne supposée anti-corruption et anti-oligarques en un jeu de massacre contre les entreprises et l’économie. Okacha répétait souvent que l’homme de la situation en Algérie était Mouloud Hamrouche qu’il souhaitait voir se présenter à une élection présidentielle libre. Autonomie de l’économie et libertés des citoyens. C’est le credo partagé des Hasnaoui que Okacha avait le privilège de faire partager aux parties prenantes durant 47 années d’aventure entrepreneuriales.
Il avait un grand projet de professionnalisation de la gestion de l’USMBA après le beau succès en coupe en 2018. Mais comme pour la Révolution du 22 février, les événements n’ont pas tourné dans le bon sens. Il s’en va et laisse trois fils engagés dans le management de GSH, devenu avec ses 21 filiales le groupe algérien le plus intégré dans ses métiers (Etudes, réalisation, production de matériaux de construction, Processing, Menuiserie, Agrégats, agriculture, Télécom, ect…). Au retour de Sidi Ali Benyoub en cette fin de journée particulière, le convoi des voitures faisait, aux portes de Sidi Bel Abbes, un ralentissement digne des entrées d’Alger. Le ciel tournait enfin au rougeâtre vers l’ouest, le soleil descendant enfin sous la brume qui le masquait. Sidi Bel Abbes pouvait pleurer Okacha Hasnaoui.