Mourad Hattab, expert en risques financiers dresse un tableau inquiétant de l’économie tunisienne. « Le taux de croissance actuel signifie que le pays fera face à une grave crise sociale », a-t-il affirmé. Conséquence du désinvestissement qui s’est opéré depuis 2011, l’année de la chute du régime Benali.
Depuis l’année 2011, 2600 entreprises étrangères et locales ont quitté la Tunisie pour s’établir ailleurs, a estimé Mourad Hattab, expert en risques financiers, dans une interview accordée à l’Agence TAP. Cette délocalisation a coûté de nombreux postes d’emploi en Tunisie. « En Algérie, le volume d’affaire des entreprises tunisiennes dépasse 530 millions de dinars ce qui mène à des pertes évaluées à plus 40 mille postes d’emploi, pour les tunisiens », a-t-il illustré.
Selon lui, avec un taux de croissance de 1,7%, le pays sera confronté à une grave crise sociale se manifestant par l’aggravation du chômage, de la précarité et de la pauvreté. « Le taux actuel de 1,7% est un taux très insuffisant pour accumuler une richesse additionnelle, assurer la création d’emplois, booster la demande effective et créer des projets ou les développer », a-t-il affirmé.
L’Institut National de la Statistique (INS) vient d’annoncer aussi que le taux de chômage s’élève à 14,8% au cours de 1er trimestre 2015. Toutefois, le rapport sur le capital humain élaboré par le Forum économique mondial de Davos a révélé que le taux de chômage dépasse les 20%. Pour la première fois depuis des décennies, le taux de pauvreté est à son seuil supérieur, atteignant près de 30% alors que la classe moyenne a fléchi à 40%, selon l’INS.
900 MD par mois de perte dans les échanges commerciaux
L’expert a fait savoir en outre, que la Tunisie perd, actuellement, 900 millions de dinars (MD) par mois sur le plan des échanges commerciaux avec le reste du monde et « la faiblesse de la croissance ne va pas permettre l’arrêt de cette hémorragie commerciale ». Le pays se ressent également, d’un déficit chronique du compte courant s’élevant en moyenne annuelle, à 6300 MD.
Pour relancer la croissance, M. Hattab estime primordial d’assurer une stabilité sécuritaire et garantir un cadre réglementaire propice au climat des affaires à « même d’impulser l’investissement et de relancer les projets bloqués dans toutes les régions du pays ».
Il préconise en outre de dynamiser l’investissement et la création des richesses, pour permettre la formation du capital et recadrer la politique financière et monétaire et d’adopter un mode de gouvernance normalisé. « Il est primordial pour la relance économique et essentiellement financière, de remédier aux insuffisances constatées actuellement sur le plan de la gestion du taux directeur, lié à la dépréciation vertigineuse du Dinar, du taux du marché interbancaire et de la volatilité de la liquidité », a-t-il recommandé.