Réda Amrani ne croit pas que la « nouvelle organisation » du secteur industriel public signe la fin du tutorat sur le management des entreprises publiques, comme l’a promis le ministre de l’Industrie Abdesselam Bouchouareb. Pour cet expert, M. Bouchouareb est avant tout un « homme politique » qui se comporte en tant que tel. Même s’il n’utilise pas le mot échec, Amrani laisse entendre que l’initiative de Bouchouareb a toutes les chances de connaitre le même sort que les précédentes expériences.
La nouvelle organisation du secteur public industriel annoncée par Abdesselam Bouchouareb pose plusieurs questions, selon Réda Amrani consultant en économie industrielle, hôte ce mardi de l’ « Invité du Direct » de « Radio M », la webradio de Maghreb Emergent. Sceptique, Réda Amrani se demande si les entreprises publiques, objet de la « nouvelle organisation », ont gardé une partie de leur potentiel réel « qui leur permette de rebondir et de redémarrer dans la croissance ». « L’industrie ce n’est pas seulement des machines, un bâtiment et un marché : c’est aussi un collectif, une formation, une culture et une compétence collectives. Et ce sont ces collectifs qui permettent de produire de la richesse». Le consultant se demande si les diagnostics qui ont été faits en amont de cette restructuration sont publiables au jour d’aujourd’hui. « Je n’en ai vu aucun », lâche-t-il. Le montant de 13 milliards de dollars annoncé par le département de l’Industrie pour mener ce projet de restructuration est jugé « énorme » par Amrani. Pour lui, s’il est permis de parler d’échec, il concerne l’ensemble de l’économie nationale. « Pendant 20 ans, on a compté sur le privé national et sur l’investissement étranger, et on a étranglé le secteur public », souligne-t-il. L’expert charge le secteur privé national. « Où est le secteur privé productif ? En dehors des entrepreneurs des travaux publics qui sont sur les chantiers et qui se font déborder par les chinois, les espagnols et les turcs, les autres patrons où sont-ils ? », s’interroge Réda Amrani.
Doute sur la fin du tutorat sur le management dans le secteur public
La « nouvelle organisation » du secteur industriel public signe la fin du tutorat sur le management des entreprises publiques, selon Abdesselam Bouchouareb. Le consultant n’y croit pas même s’il le dit à demi-mot. M. Bouchouareb (le ministre de l’industrie initiateur de la nouvelle restructuration), est avant tout, selon Amrani, un « homme politique » qui se comporte en tant que tel, affirme-t-il, avant d’ajouter que les « promesses ne valent que pour ceux qui les écoutent ». Sans vouloir préjuger de la « bonne foi » du ministre de l’industrie, M. Amrani estime néanmoins que Bouchouareb a fait cette annonce « comme ses prédécesseurs l’ont fait avant lui ». A ce titre, M. Amrani rappelle les expériences passées qui, selon lui, « ne sont pas une succession de réussites». Ainsi, dans les années 80’ il y eut une « nouvelle organisation » du temps de l’ancien ministre Brahimi, ensuite « la nouvelle organisation » dans les années 90’ sous l’ère Hamrouche l’ancien chef de gouvernement. Puis, l’ancien ministre Mourad Benachenhou a, lui aussi, annoncé en 1995 sa nouvelle organisation du secteur public. Idem pour Abdelhamid Temmar. « Aujourd’hui c’est l’ère Bouchouareb et sa nouvelle organisation », tonne Réda Amrani.
Des questions sur les critères ayant présidé au choix des managers
L’ère Bouchouareb signe-t-elle le retour aux textes des années 1990 sur l’autonomie des entreprises publiques, textes restés sans suite ? Toujours aussi sceptique, Réda Amrani rétorque simplement en disant que « c’est une vue de l’esprit ». « Au moment où on met 13 milliards de dollars à la disposition des managers il faudra bien qu’il y ait une gestion de ces investissements, et qui va s’en occuper ? Or, l’Etat lui-même désigne les gestionnaires et les managers. Il n’y a pas eu d’appel à candidatures dans la transparence. Des hommes ont été retenus et choisis par le ministre de l’industrie et le gouvernement. Le consultant se pose des questions sur les critères ayant présidé aux choix des managers : administratifs ou politiques ? « Je ne peux pas dire aujourd’hui que les gens retenus sont les hommes qu’il faut à la place qu’il faut ». Selon l’invité de Radio M, l’aspect partisan l’emporte sur tout : un ministre a toujours besoin pour réussir de s’entourer de ses propres partisans, « ses propres équipages » selon la formule de M. Amrani. Aussi, les managers désignés vont également être redevables à la structure qui les a désignés et installés. L’annonce de M. Bouchouareb d’élargir aux experts la composition des conseils d’administration des entreprises publiques, a été positivement accueillie par Réda Amrani « pour autant qu’on fasse appel au marché des experts dans la transparence ».
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