Toutes les mesures, aussi positives soient–elles, doivent faire partie d’un discours et d’un projet global et cohérent, d’une « trajectoire » des nouveaux dirigeants. Un plan soutenu par une information transparente et de qualité.
Le Projet de Loi de Finances Complémentaire (PLFC) de 2020, contient quelques mesures attendues. On citera les plus importantes : l’abandon de la règle du 51/49 sauf dans certains secteurs, et celle de l’obligation aux investisseurs de recourir exclusivement aux banques locales, l’abrogation du droit de préemption dans les secteurs non stratégiques, et la fin des avantages accordés au montage automobile et électronique. Sur le plan social, la promesse électorale du Président de la République d’exonérer les salaires inférieurs à 30.000 DA est officialisée dans le PLFC, tout comme l’augmentation de 2000 DA du SNMG.
Mr Slim Othmani, président du Centre de Réflexion et d’Action pour l’Entreprise (CARE), trouve que « quelques propositions du Think Tank qu’il préside ont été prises en compte dans le projet de LFC, sauf celles qui concerne la Taxe sur l’Activité Professionnelle (TAP), qui constitue un sujet tabou ». Sa gestion a toujours été entourée d’une certaine opacité, selon lui.
Le Président de CARE déplore surtout l’absence d’une vision et d’une trajectoire préalablement formulée et communiquée. Il considère que toutes les mesures, aussi positives soient–elles, doivent faire l’objet d’un discours cohérent définissant le projet global des nouveaux dirigeants.
Le choix de l’équipe dirigeante doit se faire pour porter cette vision, pour éviter que chaque ministre mette en place sa propre feuille de route d’une Algérie telle qu’il la voit. Comme il est important de dialoguer avec tous les partenaires sociaux et les experts en mesure d’enrichir le projet global. Le consensus autour d’une telle vision est le garant de la réussite de son application.
Mais la définition d’une vision, est tributaire selon Mr Othmani de la disponibilité d’informations et de statistiques fiables. La constitution consacre le droit de tous les opérateurs de disposer de ces informations. Le pouvoir en place doit considérer la production transparente d’informations de qualité et son partage comme la meilleure façon de gagner en crédibilité vis à vis de tous les intervenants, nationaux et étrangers, dans la sphère économique.
Il ne suffit pas d’abroger une ou plusieurs règles pour attirer les capitaux étrangers. Il est indispensable de mettre en place un package qui inclurait la disponibilité de statistiques de qualité, l’obtention d’un visa, d’un permis de travail ou d’un certificat de résidence, tout comme les garanties d’une stabilité dans la législation en vigueur et la protection par la loi des dirigeants de toutes les entreprises.
Lors d’un webinar, intitulé « Réformes aujourd’hui ou FMI demain », organisé par CARE son animateur, Mr Abdelrahmi Bessaha, économiste et spécialiste des finances publiques auprès du FMI, doute que le PLFC, sans un plan de réformes cohérent, puisse résoudre le problème du déficit budgétaire.
Ce dernier ne fera que s’agrandir avec un prix de référence de 30 $ le baril. Il a rappelé que les transferts sociaux représentent, à côté des salaires, l’essentiel du budget de fonctionnement. Les autorités ont déjà signifié que la coupe de 50% des dépenses de fonctionnement ne touchera ni les salaires, ni l’essentiel des subventions. Ils ne comptent également pas financer le déficit par l’endettement extérieur, ni par la planche à billets. Pour Mr Bessaha, tous les pays, en cette période de crise économique engendrée par la crise sanitaire, ont soutenu leurs populations et leurs entreprises en recourant d’une manière massive à la planche à billets. D’autres pays, ils seraient 120, ont sollicité le FMI.
En Algérie, les autorités n’ont rien prévu, en dehors d’une aide destinée aux journaliers et l’habituel couffin du Ramadhan. Ils promettent d’évaluer l’impact de la pandémie sur les entreprises une fois la crise passée. Sans penser un seul instant qu’il sera peut-être trop tard pour sauver ces entreprises et leurs emplois. Tous les experts s’accordent à dire qu’il faut arrêter de « fantasmer » sur l’argent de l’informel, car ce dernier n’existe pas en cash. Il est déjà utilisé pour financer des opérations commerciales. Il existe mais en marchandises et en placement.