Actualité variée mais pas très réjouissante pour le CPP : état de santé du président Bouteflika, intolérance et crise égyptienne. Souhila Benali, l’animatrice du CPP, a eu de la peine à trouver une actualité positive.
Face à une actualité morose, le sourire de Souhila Benali a eu de la peine à éclairer le CPP, le Café Presse Politique de Radio M, du jeudi 18 décembre 2014. Un CPP entamé par ce que Yassine Temlali a qualifié de « feuilleton lassant », l’état de santé du président Abdelaziz Bouteflika. Le sujet s’est imposé, après l’information, non confirmée, concernent un voyage que le président Bouteflika aurait effectué en France, en cours de semaine, pour un contrôle médical. Saïd Djaafar estime qu’il n’y a « manifestement, aucune possibilité d’avoir un début d’information sérieuse sur l’état de santé du président et ses déplacements » étant donné que « le pouvoir a décidé de ne plus communiquer » à ce sujet. Saïd Djaafar se demande, d’ailleurs, si le couac qui a marqué la visite du Premier ministre Abdelmalek Sellal à Londres n’est pas dû précisément aux propos tenus à Paris par M. Sellal.
El Kadi Ihsane estime que le quotidien El Watan, qui a publié l’information sur un voyage médical du président Bouteflika en France, en citant ses propres sources, était pris dans « le temps Internet ». Abdelkrim Ghezali retourne la question et affirme que « la balle est dans le camp du gouvernement » qui refuse de communiquer sur un sujet essentiel. Khaled Drareni a rappelé que « le problème, c’est l’état de santé du président Bouteflika, pas le problème de la presse ».
Intolérance
Mais le CPP est rapidement passé à autre chose, pour évoquer une actualité tout aussi lassante, l’intolérance, avec l’appel au meurtre lancé par un salafiste algérien, Abdelfettah Hamadache, contre le chroniqueur et écrivain Kamel Daoud. Au-delà de la condamnation, El Kadi Ihsane souligne que « la société algérienne est profondément intolérante ». Il y a « archaïsme sociétal », et le pays amorce « un retour à la situation d’avant octobre 1988 ». Ce qui se passe est « l’expression la plus inquiétante d’une société fermée ». Dans le même sens, Yassine Temlali souligne que cette intolérance « est même un sujet de fierté » affiché par les Algériens, qui affirment « tenir à leurs traditions ». Il note, par contre, que ce n’est pas le propre d’une société rurale, « le monde urbain porte les mêmes valeurs ».
Curieusement, relève Abed Charef, ce qui se passe est aussi le résultat du progrès. « La société de communication a créé une situation nouvelle, où tout le monde peut s’exprimer. Cela favorise la liberté, mais offre une place à tous les dérapages. C’est quelque chose de nouveau pour tout le monde, cette libération de l’expression ».
Saïd Djaafar rappelle toutefois les fondamentaux de cette affaire. « Le problème est très simple, c’est le problème de la loi et de l’Etat. Quelqu’un a lancé un appel au meurtre, il a commis un grave manquement à la loi. Ce n’est pas un débat d’idées. La question est simple. Est-ce que l’Etat va faire appliquer la loi ? », dit-il. La déclaration de Hamadache n’a pas provoqué de réaction officielle, ce qui pousse Abdelkrim Ghezali à dire que « l’Etat refuse d’assumer sa responsabilité ».
Hamadache, une diversion ?
Difficile de ne pas voir dans l’affaire Hamadache une tentative de diversion. Yassine Temlali relève que l’auteur de l’appel au meurtre contre Kamel Daoud « appartient à la daawa salafia ». « La même organisation en Egypte soutient le régime Sissi », dit-il. Pour lui, c’est « à se demander s’il n y’a pas des courants similaires qui ont le même rôle, servir de caution indirecte aux régimes en place, et aussi orienter l’intérêt de la société vers des questions secondaires dans des moments cruciaux ». Abdelkrim Ghezali parle d’un « bourourou », un épouvantail qui est brandi par le pouvoir. « On a l’impression d’une alliance entre un courant moralisateur et un pouvoir en panne », en vue de « détourner les Algériens des problèmes réels ».
Il y a des responsabilités évoquées dans cette affaire. Face à « des médias peu professionnels, qui appellent à la haine », selon Yassine Temlali, il y a « la responsabilité de l’Etat et celle des instances de régulation, qui est posée aujourd’hui ». Pour El Kadi Ihsane, sous Houari Boumediene, l’Etat algérien était « nationaliste et modernisateur », sous Bouteflika, il est « islamisant et honteux ». Il y a « un désarmement de l’Etat », qui fait arrêter des personnes qui ne font pas le ramadhan, mais ne fait rien contre un appel au meurtre ». Dans le même sens, Abed Charef ajoute que le rôle de l’Etat est de promouvoir un projet très avancé. Il pourra alors « tirer la société vers le haut », alors que la société algérienne est dominée par l’intolérance.
Pour Yassine Temlali, « la situation très dangereuse », et le pouvoir a sa responsabilité. « La conscience de la nécessité des libertés individuelle s’acquiert dans l’exercice des libertés publiques », rappelle-t-il. Abdelkrim Ghezali souligne que « la liberté de conscience n’est pas une décision politique, c’est à la base un problème de société ».
L’Egypte de Sissi pire que celle de Moubarak
La présence au CPP de Yassine Temlali, installé en Egypte, a permis d’évoquer la situation au pays du maréchal Sissi, où il y a « manifestation de plus en plus de violence du régime, avec des peines de prison incroyables prononcées par les tribunaux », ainsi que « des attaques de plus en plus violentes contre les libertés ». Yassine Temlali estime que « les conditions qui ont mené à la chute de Moubarak reviennent ». Pour lui, « la situation est pire que celle qui a prévalu avant la chute de Moubarak. Les espoirs de la révolution sont complètement évanouis ».
Khaled Drareni relève que « Morsi s’était transformé aussi en dictateur ». « Il avait refusé de dialoguer avec la société civile », et « avait donné des raisons à l’armée pour le déposer ».
El Kadi Ihsane souligne, avec effarement, que l’expérience de l’Algérie n’a pas eu d’impact. Un processus politique est interrompu en Egypte alors qu’on savait que ce n’était pas la bonne méthode. Yassine Temlali note quelques différences, avec un environnement régional différent, et une géographie qui ne permet pas d’entretenir une guérilla en Egypte. « Jusqu’à quel point faut-il souhaiter que le processus Sissi ce casse la gueule », se demande-t-il. « En tous les cas, note Abed Charef, les Frères musulmans ont été éliminés par un coup d’Etat, alors que leur expérience menait à l’impasse ». Leur « défaite politique » aurait été une issue plus significative. Pour lui, « l’Egypte a raté une occasion historique ».
Extraits vidéo : bit.ly/1v1Kyzz