Pour sa dernière émission, le CPP s’est offert deux cadeaux : recevoir ses amis, et le sourire de Souhila Benali. De quoi partir en vacances dans la bonne humeur, et oublier Ouyahia, Saadani, Saïd Bouteflika et quatrième mandat.
Un débat libre, sans tabou. Mais un débat mené sur un ton mesuré, où les intervenants tentent de comprendre ce qui se passe, de décrypter l’actualité, plutôt que d’édicter des fetwas politiques ou de dire la ligne entre le bien ou le mal : ce débat est possible dans l’Algérie de 2015. Le CPP l’a tenté, avec un certain bonheur, depuis dix-huit mois. Chaque semaine, sur Radio M, la web-radio de Maghreb Emergent, le Café Presse Politique se livre à cet exercice, pour constater qu’on peut parler librement en Algérie, sans que le monde ne s’écroule, et qu’au sortir d’un débat, on se sent toujours mieux outillé.
Au fil des jours, le CPP s’est affirmé, et affiné. On y a appris à parler de certains sujets récurrents, sans que cela ne devienne lassant : comment se renouveler chaque semaine en parlant du quatrième mandat ? A l’inverse, certains thèmes s’imposent souvent dramatiques : Ghardaïa, Sousse. Comment les aborder sans verser dans l’émotion ?
Mais de l’émotion, il y en avait, ce mercredi 15 juillet. C’était le dernier CPP de la saison. El-Kadhi Ihsane, directeur d’Interface media, la société qui détient Radio M, a organisé une kheima. Pour fêter le Ramadhan, l’Aïd, Leïlat El-Kadr, peut-être même pour célébrer l’idée de ne plus rencontrer les invités de Radio M pour quelques semaines, mais certainement pas pour célébrer l’an I du quatrième mandat, ni la rencontre de M. Ahmed Ouyahia avec Abderrezak Makri.
Fondamentaux et divergences
Car si le CPP offre des visions très contradictoires, il reste fidèle à certaines marques. En plus des fondamentaux -démocratie, libertés, Droits de l’Homme, pluralisme, etc.-, le CPP a quelques préjugés. Il n’apprécie guère l’humour de M. Abdelmalek Sellal, ni la bureaucratie type Ahmed Ouyahia. Inutile de dire que les invités du CPP ne risquent guère de voter pour Abdelaziz Belkhadem et Bouguerra Soltani. Ils ont aussi un autre défaut : ils sont incapables de saisir les subtilités intellectuelles de M. Amar Saadani. Nul n’est parfait, selon la formule préférée de Khaled Drareni, l’animateur de l’émission, qui a pris le relais de Souhila Benali, menacée de licenciement pour avoir animé le CPP de manière gracieuse et bénévole.
L’émission de mercredi 15 juillet était aussi ouverte au public, qui était au rendez-vous. Des amis de l’émission, qui ont pu échanger entre eux et avec les invités de l’émission, et vu comment il est possible de débattre librement, dans un environnement hostile. Car, faut-il le rappeler, Radio M fonctionne à la lisière de la légalité. En l’absence de législation claire, elle n’est ni légale, ni interdite. Elle est juste tolérée. Comme les sites web et les chaines de télévision –celles-ci sont poussées à s’organiser selon une formule démente-, Radio M s’est incrustée, mais elle demeure fragile.
Ghardaïa, Ghardaïa
Traditionnellement, le CPP tente d’évoquer deux à trois sujets. Mais il est souvent plombé par un thème majeur. Le quatrième mandat a longtemps pesé sur le CPP. Ces dernières semaines, c’est plutôt Ghardaïa, qui a laissé sous le choc Souhila Benali. Pour son retour à la dernière de l’émission, Souhila Benali a exprimé son désarroi de voir se banaliser des mots qu’elle pensait ne jamais voir utiliser en Algérie, comme ethnie et racisme.
El-kadhi Ihsane a estimé qu’avec l’affaire de Ghardaïa, les Nations-Unies et les ONG internationales vont désormais avoir des éléments pour accuser l’Algérie d’être incapable de protéger des minorités.
Saïd Djaafar tempère. « A la défaillance de l’Etat, n’ajoutons pas une défaillance de la presse », dit-il, après avoir noté que « si les lignes politiques ont bougé, c’est en pire ». Abed Charef a rappelé que « pour dix habitants de Ghardaïa, il y a un policier », ce qui montre que ce n’est pas la bonne méthode. « Ghardaïa est un problème complexe, qui dépasse les capacités d’ingénierie » du régime algérien.
Adlène Meddi relève que le pouvoir « méprise la société civile » à Ghardaïa. Il choisit de dialoguer avec « des notables » sans assise, ce qui ne peut déboucher sur des solutions viables.