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Pourquoi l’Algérie n’est pas le 2e pays qui va s’effondrer après le Venezuela

Par Maghreb Émergent
février 5, 2016
Pourquoi l’Algérie n’est pas le 2e pays qui va s’effondrer après le Venezuela

Le nom de l’Algérie est de plus en plus cité sur les médias étrangers comme le probable second pays à s’écrouler après le Venezuela parmi les pays mono exportateurs de pétrole. Des analystes français, à la suite d’autres anglo-saxons, attirent l’attention des acteurs de marché sur un risque naissant, le risque Algérie. Souvent, ces mémos sont neutres de tonalité. Ils disent, il faut regarder l’évolution de l’Algérie. C’est un client important de l’Europe. S’il va faire défaut, c’est extrêmement préoccupant.

Parfois, les auteurs vont un peu plus loin et pronostiquent un risque d’effondrement dans les 12 prochains mois si les prix du baril restent aussi déprimés. Ils invoquent notamment le fait que le Venezuela a déjà enregistré des impayés de dette commerciale en 2015, ou encore que la Russie est encore obligé de laisser filer le rouble vers des accès de faiblesse pour tenter de réduire ses déficits budgétaires. Tout peut vite se dégrader, à l’allure actuelle. En réalité, le risque Algérie existe bien. Il est soudainement exagéré aujourd’hui après été minimisé dans la séquence précédente. Celle du pétrole à plus de 100 dollars. Un écroulement sur l’horizon des 12 mois n’est pas réaliste. Cela signifierait une récession avec bond du chômage, passage à l’inflation à deux chiffres, défaut de paiement sur certaine lignes commerciales. Rien de ce qui s’est produit depuis un an ne permet sérieusement d’envisager ce scénario. Même au-delà de 2016. Certes, la course de vitesse entre la baisse des exportations et celle des importations est pour le moment largement gagnée par les premières. 40% de baisse pour les exportations contre 11% pour les importations sur les 9 premiers mois de 2015. Et le dernier trimestre promet une accélération de la baisse des exportations encore plus ample que celle des importations. Mais le mouvement de contraction des importations va se poursuivre fortement en 2016.Taux de change, Répression de la réexportation frauduleuse aux frontières, et contingentement par les licences vont faire descendre les importations au niveau des 40 milliards de dollars de 2008. De quoi amortir le choc en cours. Il restera alors à refinancer de 15 à 20 milliards de dollars de déficit de la balance de paiement par an –contre 30 milliards prévisionnels en 2016 – durant les années qui conduiront au retournement attendu du marché pétrolier au-delà de 2019.Au niveau ou se situent les réserves de change actuellement, 151 milliards de dollars, le pari ne parait pas insensé. La preuve, le contre choc pétrolier a débuté il y’a 19 mois. Il n’a pas encore produit le quart des effets (désinvestissement, chômage, pénuries) qu’il a produit à la mi 1987, 19 mois après qu’il se soit déclenché en décembre 1985. Les analystes étrangers qui distillent aujourd’hui des sortes d’avant-warning sur l’Algérie, n’ont pas bien suivi l’itinéraire économique du pays les dernières années. Ils ignorent l’élasticité des importations, l’épargne domestique non employée, et l’impact des flux de capitaux gris qui continuent de soutenir l’économie informelle. Tout cela donne une marge de temps plus grande que celle que, soudainement, les marchés voudraient rétrécir pour la résilience algérienne. Affirmer cela ne protège en rien la perception de l’Algérie d’un mauvais rating virtuel. Cette perception plus négative que nécessaire du risque Algérie amusait les officiels à Alger lorsqu’ils étaient sur le paquebot des excédents. Aujourd’hui qu’ils ont percuté l’Iceberg et qu’ils se préparent peut être à descendre sur des canoës, le prix du sauvetage est un enjeu. A quel taux va-t-on financer les projets en Algérie et son économie ?

C’est le sujet économique montant de ces dernières semaines en Algérie : comment passer judicieusement à un endettement extérieur ? Le gouvernement donne le sentiment d’avoir déjà sa réponse. La signature le 17 janvier d’un protocole d’accord avec trois entreprises chinoises pour la réalisation et l’exploitation du grand port centre de Cherchell inaugure le retour à l’endettement extérieur. Nous sommes dans le scénario d’un financement direct, 3 milliards de dollars, d’un équipement qui a vocation à générer un cash flow suffisant pour le remboursement. Une contribution très éclairante du professeur Raouf Bouccekine est venue prévenir des « risques » de ce type de contrat, déjà mis à l’épreuve en Afrique sub saharienne, notamment en RDC en 2008-2009. L’effet d’aubaine peut faire perdre de vue trois points précarisants : l’implication de l’Etat dans le risque d’exploitation, la rentabilité réelle du projet pour un tel seuil d’investissement, les contre-parties non visibles données au partenaire chinois. Dans le cas du « contrat du siècle » en RDC – 10 milliards de dollars- il s’agissait d’un accès direct aux revenus de l’amont minier connecté au nouveau réseau d’infrastructure financé par la Chine. Le partenariat stratégique avec la Chine peut pour autant être une belle opportunité pour que l’Algérie poursuive à son avantage son plan de modernisation de sa base logistique et en amont de ses activités productives. A condition de bien en négocier les termes. Pour Kamal Benkoussa, expert financier à la City de Londres, l’Algérie a les moyens de s’émanciper d’un tête à tête avec le partenaire chinois pour choisir librement les entreprises qui vont réaliser de grands équipements en Algérie les prochaines années. Kamal Benkoussa propose un mode d’endettement plus classique, qui verrait l’Algérie utiliser de 10 à 20 milliards de dollars d’actifs du trésor américain en collatéral auprès de grands bailleurs de fonds afin de lever jusqu’à quatre fois ce montant. L’avantage est que cette disponibilité de financement permet de sélectionner sans contrainte les maitres d’œuvres des grands chantiers stratégiques des prochaines années. Pour l’ancien candidat à la présidence algérienne, « les chinois peuvent proposer des taux d’intérêt plus bas mais se rattrapent en surfacturant leurs ouvrages ». Partenariat stratégique avec la Chine ou endettement sur les places financières mondiales, les deux voies peuvent s’additionner. Le fait est qu’il ne faut surtout pas lever le pied trop brusquement sur l’investissement public.

L’autre fait de la semaine est la fin du procès Sonatrach. La grande compagnie algérienne n’a jamais été aussi précaire. Les traces laissées par les affaires sont profondes et traumatisantes dans le management. Elles ont ralenti l’opérationnel depuis 2011. La chute des prix du pétrole achève le travail. Sonatrach est managée à minima. Son PDG est absent de toutes les scènes ou il doit donner le cap, rassurer clients, fournisseurs, pouvoirs publics et ressources internes. Conséquence, à Sonatrach on parle cette semaine à la fois de l’imminence d’une condamnation à de la prison ferme de l’ancien PDG, Mohamed Meziane, que de la suppression pour raisons d’économies, des abonnements au téléphone mobile pour des centaines de cadres N-2 du groupe. Si, plus sérieusement, on ajoute à ce triste tableau, l’incapacité de l’actionnaire Sonatrach à débloquer pour sa JV Fertial , l’autorisation d’exporter des engrais bloquée sans explication par le ministère de l’industrie et des mines, il faut bien se résoudre à cette idée. Sonatrach est bien le grand homme malade de l’Algérie.

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