Pourquoi le bilan économique de Bouteflika n’est ni bon ni mauvais, mais juste anachronique - Maghreb Emergent

Pourquoi le bilan économique de Bouteflika n’est ni bon ni mauvais, mais juste anachronique

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 La chronique hebdomadaire de El Kadi Ihsane sur El Watan s’empare de l’appel du FLN en faveur d’un cinquième mandat présidentiel de Bouteflika pour en revisiter le bilan économique.

 

Il est question cette semaine du bilan du président Bouteflika et de sa vocation à le qualifier pour un 5e mandat à la tête de l’Algérie. Le sujet pousserait à rire jaune. Il est sérieux. Cette chronique en a déjà traité. L’appel du FLN en faveur d’un cinquième mandat invite à une mise à jour. Sur le plan économique, le président Bouteflika a deux bilans. Pas un seul. Celui de son premier mandat. Puis celui des autres mandats. Il est en passe de s’en construire un troisième. Le bilan des années du contre-choc pétrolier.  Reprenons depuis le début. Le candidat  Abdelaziz Bouteflika fraichement débarqué de sa double résidence hélvético-émirati est un converti au libéralisme de marché. Il a amène dans ses bagages un triumvirat économique Benachenhou-Temmar-Khellil, qui ne jure que par la performance des facteurs de production et l’émergence des acteurs privés.  Cela donne l’ambiance de son 1er mandat.  Réforme de la loi sur l’électricité, réforme de la loi des TIC,  privatisations, naissance des régulateurs, signature de l’accord d’association avec l’Union Européenne, promotion des investissements directs étrangers. L’Algérie reste un pays pétrolier, mais est déjà en mode de ne plus l’être. Elle s’oriente vers l’insertion rapide dans l’économie mondialisée. Et puis survient la remontée des cours du brut. Le président Bouteflika fait alors le choix au tournant des années 2005-2006 de revenir vers le modèle économique et social qu’il pense être celui qui construit le pacte national algérien. Il se sépare un peu plutôt de son ministre des finances Abdelatif Benachenhou qui récuse le recours massif à la dépense publique, et qui plaide toujours pour une allocation prudente et différente des ressources de la fiscalité pétrolière. Le premier bilan de Bouteflika est trop maigre pour que l’opinion s’en souvienne vraiment. Il en reste Djezzy et Nedjma (Ooredoo), les banques privées étrangères après Société Générale Algérie installée avant lui ; et la cession d’El Hadjar à l’indien Mittal.  En vérité, c’est là suite qui va finir de l’effacer. Djezzy est nationalisée et Sider renationalisée, tandis que l’investissement étranger dans la place financière d’Alger  est stoppé. Il y a des réserves de change galopantes qui décrètent non utiles les flux entrants de capitaux étrangers.  Parlons donc du vrai bilan économique de Abdelaziz Bouteflika. Il est basé sur un postulat idéologique ancien. Le contrat national algérien repose sur un Etat social doublement protecteur. En tant que pourvoyeur de plan de charges aux entreprises (dépenses d’équipement) et en tant qu’acteur de la déflation interne (subventions).   Il en né un plan de dépense budgétaire colossal contenant 13,6% du PIB (2015) uniquement en subventions explicites.  Cette partie du bilan des années Bouteflika a produit un résultat. Il est appréciable. L’Algérie se classe parmi les 15 premiers pays du monde à l’indice GINI. L’indice GINI mesure les inégalités de revenus à l’intérieur d’un pays. De ce point de vue, Abdelaziz Bouteflika a incontestablement rétablit le consensus historique qui a alimenté la trajectoire politique du FLN depuis l’indépendance. Ce consensus s’est délité dans les années 90, sous l’effet de la banqueroute souveraine (dette extérieure) et de l’ajustement structurel qui a ratiboisé la demande solvable des algériens.  Le pétrole à plus de 100 dollars durant 8 années aurait pu ne pas réhabiliter ce consensus. Il aurait pu déboucher sur un autre arbitrage de stratégie économique.

Changer de modèle ou incarner la banqueroute

Le président Bouteflika a déclaré en 2008 son désamour au capital étranger. Puis, l’année suivante avec la LFC, au privé algérien, pour revenir vers ce qui, au fond, a toujours été son repère pratique, le contrôle étatique de la création et de la distribution des richesses. Dans son bilan, il en émerge une économie type état rentier de première génération,  des équipements publics nombreux certes mais surfacturés et à la balance devises gourmande. Et un resserrement des écarts de revenus qui permet d’expliquer la résilience des Algériens à la baisse de leur niveau de vie depuis 2015.

La question qui se pose alors est de savoir si ce bilan économique des années Bouteflika peut être assimilé à une réussite. Du point de vue du postulat idéologique qui anime la génération du président de la république, c’en est un. Les Algériens ont profité de la rente pétrolière. Dans le cours terme, par la consommation. Mais ils en ont profité. Modèle non viable ? Ils le savent. Ils en ont déjà subit la déconstruction au milieu des années 80. Et le fait d’avoir épargner pour ce scénario du contre choc ne change rien au fond de l’affaire. Le modèle ne tient pas la distance du temps s’il ne se renouvèle pas. Le troisième bilan de Bouteflika serait donc celui là. Comment  changer un modèle dont on est convaincu qu’il doit être par l’essence de la Révolution algérienne, protecteur, égalitaire, souverainiste ?   En regardant ce qui se passe chez les voisins de l’Algérie dans le classement GINI, les Etats nordiques notamment. Ils sont tout aussi égalitaires et donc tout aussi sociaux, mais sur la base d’un consensus politique différent de celui du FLN historique qui appelle Bouteflika à un 5e mandat. Ce modèle est aussi basé sur une forte redistribution étatique. Elle est le fruit d’une adhésion citoyenne à un système de prélèvement contributif.  A quoi ? Aux transferts sociaux. A la qualité des services à la collectivité. A la préservation de l’environnement et à la durabilité du bien être. Ce modèle n’est pas souverainiste. Il donne une grande liberté aux acteurs privés et à la société qui le lui rend bien. Elle crée, elle partage.  Le bilan de Abdelaziz Bouteflika est paradoxal. Il a tout sacrifié au court terme et à la nécessité politique de s’acheter une clientèle sociale. Lorsque les moyens viennent à manquer pour maintenir ce « consensus », il existe deux possibilités. En construire un autre plus soucieux d’efficacité économique pour rendre le partage social durable. Ou maintenir le même jusqu’à ce qu’à la banqueroute. Le bilan de Bouteflika n’a donc pas fini d’être écrit. Il peut encore décréter qu’il était l’homme du consensus redistributeur classique » de la Révolution Algérienne couplée à Hassi Messaoud. Et qu’il ne veut pas rester dans l’Histoire comme aussi, et peut être surtout, l’homme de la banqueroute. Il refuserait alors de répondre à l’appel du FLN. Une chose est acquise. Il ne sera jamais l’homme du changement de modèle.

L’agenda décalé du FCE en Afrique

L’Algérie est un pays mineur dans l’intégration économique africaine.  Il ne fallait pas se rendre à Abidjan fin mars pour s’en rendre compte. Moins d’une dizaine d’acteurs économiques algériens contre plus de 100 marocains inscrits à l’événement. Le FCE et son président tentent de combler le gap. Une délégation autour de Ali Haddad s’est rendue durant 48 h à Abidjan. Mais elle n’a pas laissé d’emprunte dans le Forum. Choix d’un agenda tourné vers le bilatéral et l’institutionnel. Le FCE avait à portée le monde africain des affaires, les organismes multilatéraux de soutien au privé et au développement, les fonds d’investissement.  Il s’est enfermé loin des bons réseaux dans un tête à tète avec les autorités ivoiriennes. Et signé accessoirement un protocole d’accord avec le patronat Ivoirien. C’est bien. Mais ce n’était pas le propos d’une telle messe continentale. Personne n’a fait pareille à Abidjan durant ces deux jours. Les chefs d’entreprises africains  sont le cœur de leur événement.  Les politiques viennent les démarcher et les convaincre de venir travailler dans leur pays. Les organismes multilatéraux écoutent leurs besoins. Montent des plans avec eux. Le lobbying d’affaires algérien naissant en Afrique, ressemble encore à s’y méprendre à la vieille diplomatie Bouteflikienne. Elle croit qu’il faut d’abord parler au ministre. Faut il s’en étonner ?  Faut il surtout continuer ainsi ?

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