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Sept raisons de refuser aujourd’hui les privatisations en Algérie (Opinion)

Par Mohamed Boukhalfa
décembre 22, 2015
Sept raisons de refuser aujourd’hui les privatisations en Algérie  (Opinion)

 

Privatiser les entreprises publiques algériennes? L’option est sur la table, mais le moment est mal choisi.

 

Le processus d’adoption de la loi de finances 2016 a dévié vers un débat inattendu sur la privatisation des entreprises publiques. L’article 66 du projet de loi présenté par le ministre des finances Abderrahmane Benkhalfa a ouvert cette brèche, vivement contestée par le Parti des Travailleurs de Mme Louisa Hanoun, ce qui a donné lieu à des incidents à l’Assemblée Nationale.

Le gouvernement s’est, depuis, attelé à rassurer. Pas de privatisation des entreprises stratégiques, pas d’accès du capital étranger aux entreprises privatisées, instauration d’une « minorité de blocage » au sein des entreprises privatisables : le premier ministre Abdelmalek Sellal et le ministre des finances se sont longuement dépensés pour rassurer, sans parvenir à lever toutes les ambiguïtés.

Le combat semble dès lors cristallisé autour d’une opposition idéologique, avec une fracture gauche-droite prononcée. A la nécessité de défendre le peuple et ses biens, répond un argumentaire basé sur l’efficacité économique, en mettant en avant l’Etat mauvais entrepreneur, la gabegie et la corruption qui entourent le secteur public, ainsi que le peu d’attrait que présente l’Algérie pour l’investissement étranger.

Pas d’institutions fiables

Les partisans de la privatisation pourraient aussi avancer un autre argument, douloureux mais recevable : l’incurie structurelle d’un secteur public qui constitue un gouffre financier. Le ministre de l’industrie Abdessalam Bouchouareb vient de le confirmer. Après avoir acheté El-Hadjar, il veut lui consacrer un milliard de dollars, et un autre milliard pour la SNVI Rouiba. Pour quels résultats ? Personne ne le sait, et personne n’est en mesure de garantir que cet argent servira à quelque chose. Ne serait-il pas plus intéressant pour le pays de se débarrasser de ce secteur, pour consacrer ses revenus à autre chose?

Mais au-delà de ces affrontements, la privatisation ne constitue pas un programme économique en soi. Et en l’état actuel des choses et des institutions du pays, sept arguments plaident pour un refus des privatisations.

1. L’Algérie ne dispose pas d’institutions crédibles pouvant mener une opération de privatisation dans des conditions acceptables de transparence et d’équité. L’opacité du système économique est telle que personne ne croira que les privatisations ont eu lieu selon des règles précises, même si cela était vrai. La défiance de l’opinion publique envers les institutions constitue un facteur paralysant sur ce dossier.

2. La bourse est un instrument privilégié pour établir la valeur marchande d’une entreprise. Elle aurait pallié ce vide. Le gouvernement n’a rien fait pour en favoriser l’épanouissement. L’attitude du gouvernement ne visait-elle pas à éviter précisément que les entreprises privatisables ne soient évaluées à leur juste valeur ?

Défaut de transparence

3. Le gouvernement n’a pas agi de manière transparente dans son projet de privatisation. Il a voulu relancer le processus par effraction. La contestation l’a amené à tenir un autre discours, pour dire qu’il voulait renforcer l’entreprise publique en introduisant une minorité de bocage en cas de privatisation. Le procédé est plus que douteux.

4. Une privatisation éventuelle déboucherait sur un transfert de propriété de ce qui existe déjà. Or, pour l’Algérie, l’objectif à atteindre est d’élargir la base économique du pays par de nouveaux projets, non à se disputer la propriété de ce qui existe déjà. Ceci est particulièrement vrai pour l’industrie, qui représente moins de 5% du PIB. Dans ce secteur, il faudrait multiplier la capacité industrielle du pays par cinq ou plus pour espérer s’intégrer dans l’économie mondiale. Dans ce contexte, transférer une entreprise du public vers le privé ne sert à rien.

5. Les entreprises publiques n’ont pas le management nécessaire pour se défendre. Elles n’ont ni le statut juridique, ni l’encadrement adéquat. La privatisation se ferait sur injonction. Le manager n’a pas de choix : soit il accepte, et tente de négocier sa place dans le nouveau dispositif ; soit il refuse, et il est éjecté.

Oligarques contre capital étranger

6. Le gouvernement affirme que les entreprises stratégiques ne sont pas concernées par la privatisation. C’est faux. Cette disposition n’existe pas dans le projet de loi. C’est donc le gouvernement qui décide, en fin de compte, quelle entreprise est stratégique et quelle autre ne l’est pas. Les travailleurs de l’ENIEM ont d’ores et déjà demandé à ce que leur entreprise soit être exclue de la liste des entreprises à privatiser. S’agit-il dune entreprise stratégique ? Mais si M. Ali Haddad devient ministre de l’industrie, plus aucune entreprise ne devrait échapper à la privatisation.

7. Le capital étranger a été exclu de l’opération de privatisation. Est-ce une bonne décision? L’Algérie a précisément un besoin urgent de savoir-faire technologique et managérial, que pourraient introduire les entreprises étrangères. L’exclusion du capital étranger peut signifier que ceux que Mme Louisa Hanoun appelle les « oligarques », profitant de leur proximité avec le pouvoir, veulent entrer seuls dans la compétition lors des privatisations. Aujourd’hui, leur envergure ne leur permet pas de s’approprier les grandes entreprises. Mais s’ils absorbent les PME, ils seront prêts, dans quelques années, à absorber les « gros morceaux ».

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