Procès de l’affaire de l’autoroute Est-Ouest : l’accusé Chani Medjoub se défend et... attaque - Maghreb Emergent

Procès de l’affaire de l’autoroute Est-Ouest : l’accusé Chani Medjoub se défend et… attaque

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Outre les conditions de sa détention dans les locaux du Département de renseignement et de sécurité (DRS), Chani Medjoub a décrit, devant le juge, les dédales de l’ingénierie financière pour expliquer sa relation de travail avec les Chinois de CITIC. Et de révéler qu’Amar Ghoul aurait proposé un poste dans son cabinet à Mohamed Khalladi afin de le prendre sous l’aile du “clan présidentiel”…

 

 

Pour rappel, 16 personnes sont poursuivies pour corruption dans l’affaire de l’autoroute Est-ouest et d’autres projets de travaux publics et de transports à Alger. Ils doivent répondre des chefs d’accusation d'”association de malfaiteurs, d’abus de pouvoir, de corruption, de blanchiment d’argent, de non-respect de la règlementation relative aux change et aux mouvements des capitaux de et vers l’étranger et de dilapidation de deniers publics”. Ils auraient reçu des pots-de-vin de compagnies étrangères qui voulaient obtenir, par des “moyens détournés”, des marchés dans les secteurs des travaux publics et transports. Sept sociétés et consortiums étrangers (Chine, Suisse, Japon, Portugal, Espagne, Canada et Italie) sont impliqués dans cette affaire.

 

« Torture chez le DRS »

 

Le procès a repris en après-midi de ce lundi par l’audition des prévenus. Le désormais ancien officier du DRS Mohamed Ouazzane, dit colonel Khaled, passe le premier à la barre. Avant que le juge n’appelle Chani Medjoub, accusé principal. Ce dernier s’est surtout attardé sur les circonstances de son arrestation et les conditions sa détention dans les locaux du DRS. Une arrestation qui a eu lieu le 16 septembre 2009 à son arrivée à l’aéroport international Houari Boumediene d’Alger sur un vol d’Aigle Azur et qui l’a empêché de rendre visite à sa maman pour fêter l’Aïd avec elle et lui a fait rater l’anniversaire de son fils le 21 septembre : « Ce sont deux rendez-vous sacrés pour moi que je n’avais pas l’habitude de manquer. » Chani a décrit par la suite ce qu’il qualifié de torture morale. De l’interdiction de prendre contact avec sa famille aux interrogatoires « nu, à genou et face au mur ». Il est allé jusqu’à laisser entendre qu’on a abusé de lui sexuellement. S’il n’a pas prononcé le mot, l’avalant dans des larmes difficilement contenues, il a raconté comment il a été contraint de se déshabiller par es tortionnaires avant de dire : « J’ai eu envie de me suicider !», ce qui a valu des larmes à son avocate Zahia Ait Ouamer. Et au juge d’orienter le débat vers sa relation de travail avec les Chinois et son action de lobbyiste présumé.

 

Omar Bongo et la réussite du projet de deux stades au Gabon

 

 Chani Medjoub a souligné que sa relation de travail avec CITIC International était antérieure au lancement du projet de l’autoroute Est-Ouest. Sa première prestation fournie au groupe public chinois était le montage financier qui a prévalu à la construction de deux stades au Gabon dans le cadre de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de 2012, abritée conjointement avec la Guinée équatoriale : « J’ai été reçu à la tête d’une délégation chinoise par le président gabonais Omar Bongo lui-même. Il était surpris quand je lui ai dit que j’étais algérien. Il m’a dit en plaisantant que le président Abdelaziz Bouteflika était son ami, que si je réussissais le projet, je serais invité d’honneur à vie de la sélection gabonaise et que dans le cas contraire, il se plaindrait de moi à son ami Bouteflika. », Chani a insisté pour dire au juge qu’il était très estimé partout ailleurs dans le monde sauf en Algérie, son pays d’origine (Chani jouit de la nationalité luxembourgeoise depuis 1992), où ses compatriotes l’ont rendu « chiffouna » (lavette). Quant à ses premiers investissements en Algérie, il est revenu sur les participations prises dans le capital du Housing Bank, coïncidant avec ses premiers déboires puisque Anouar El Mili, fils de l’ancien ministre de l’Education, Mohamed El Mili, qui était gérant du fonds algéro-koweitien (FAKI, actionnaire dans le Housing Bank), a abusé de sa confiance. Pris par son travail (son cabinet de conseil ADC a un portefeuille de clientèle internationale et des représentations à Londres, Hong Kong et Dubaï) Chani lui aurait fait une procuration et viré de l’argent pour acheter les actions. Or, El Mili avait payé les actions en partie avec l’argent du FAKI. « J’étais victime dans cette affaire, c’est le fils d’El Mili qui volé de l’argent mais n’a pas été emprisonné parce qu’il est fils d’El Mili », a-t-il déclaré.

 

Ghoul aurait tenté de « récupérer » Mohamed Khalladi

 

En fermant la parenthèse du FAKI, Chani a crié tout au long de cette première partie de son audition qu’il n’était pas un inconnu, expliquant que sa relation de travail avec les Chinois était contractuelle, qu’ils l’ont choisi pour sa notoriété au Luxembourg, 5e plus important centre financier au monde, et que les prestations qu’il devait leur fournir étaient consignées dans le contrat. Et de souligner que le fait que son cabinet n’était pas lié directement CITIC Bank est quelque chose de normal dans le monde des affaires. « La création de sociétés offshore permet d’optimiser les charges fiscales et permet aux grands groupes soucieux de leurs images d’éviter que leur notoriété soit entachée en cas de conflit et c’est tout-à-fait légal ! », a-t-il dit, énumérant les prestations fournies aux Chinois en Algérie qui ont commencé par la mise en place d’une garantie bancaire auprès d’une banque européenne exigée par les Algériens.

La question liée à la prise de contact avec les Chinois a mis Chani à cran. « Toute cette histoire repose sur un mensonge. On dit que j’ai une maîtresse qui s’appelle Lee Zhang, fille d’un ancien vice-président de CITIC. Je défie quiconque de retrouver cette fille ou son père. Elle n’existe pas. C’est un mensonge de ceux qui poussent vers l’affrontement des institutions. Je dis à partir d’ici à ma famille et surtout à ma femme que ce n’est pas vrai. Il faut absolument qu’elle sache que je ne l’ai pas trompée. » Et de dénoncer l’enquêteur en chef du DRS : « Il m’a dit qu’il me ferait divorcer et qu’il me rendrait comme un mendiant si je ne disais pas ce qu’on m’a dicté de dire. » Il a poursuivi en disant que Mohamed Khalladi (directeur des nouveaux projets à l’ANA, détenu lui aussi dans cette affaire), témoin à charge « poussé par certains », a raconte qu’il avait une maîtresse chinoise : « Quand Khalladi a transmis un rapport de dénonciation à Amar Ghoul, ce dernier lui a proposé un poste dans son cabinet en lui disant ‘‘viens avec nous et démarque toi des autres (allusion faite au DRS, NDRL)’’ ». Et qu’auraient fait l’homme d’affaires français Pierre Falcone et l’Algérien Nasreddine Bousaïd dit Sacha dans cette affaire ? Chani déclaré que c’était une « vieille histoire » que tout le monde connaît mais le juge n’a pas insisté pas pour en savoir plus. Il a suspendu l’audience après avoir posé à Chani la question de savoir dans quelles circonstances il a connu Mohamed Khalladi.

La journée de demain promet d’être chaude. Selon l’ordonnance de renvoi, Mohamed Khalladi a dit avoir reçu Chani sur recommandation d’un officier général du DRS qui répond au pseudonyme d’« Abdelali »…

 

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