Propositions pour une réorganisation des ministères dans le cadre de la politique d’"austérité budgétaire" (opinion) - Maghreb Emergent

Propositions pour une réorganisation des ministères dans le cadre de la politique d’”austérité budgétaire” (opinion)

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Cette réorganisation, écrit l’auteur de cette contribution, suppose une réorganisation à l’échelle locale. Pour lui, « il faut aussi revoir la fonction des walis, souvent non préparés à gérer des milliards de dinars, par la création de pôles socio-économiques régionaux supervisés par des « super-walis », secondés par des walis délégués managers ».

 

En relation avec le débat sur une plus grande rigueur budgétaire, bon nombre de journalistes m’ont demandé mon avis, récemment, sur l’efficacité d’un regroupement  de ministères. Ma réponse a été la suivante : oui, ce serait une bonne initiative à condition qu’elle s’insère dans le cadre d’une vision stratégique, sans laquelle il ne sert à rien de permuter des femmes et hommes.

En effet, la situation de tension dans le Sud de l’Algérie, combinée avec la chute du cours des hydrocarbures, est d’une extrême gravité et menace l’unité et la cohésion nationales. Elle rend nécessaire le choix  d’une nouvelle gouvernance et d’une autre politique socio-économique. Le choix dictatorial (imposer sans dialogue) est totalement dépassé et est source de dérives nuisibles. Il faut éviter d’assimiler la population algérienne à un tube digestif par une redistribution passive de la rente des hydrocarbures pour une paix sociale éphémère. La question centrale est la suivante : avec la chute du cours des hydrocarbures (98% des revenus des exportations, 70% du pouvoir d’achat des Algériens et de la dépense publique permettant la compression artificielle du taux d’inflation et du taux de chômage), comment réaliser une réelle transition économique hors rente ? Quel sera l’Algérie de 2020-2030 au sein des nouvelles mutations mondiales impliquant la refondation de l’Etat algérien ?

Comme je le suggère depuis 2008la réorganisation des ministères devient urgente pour des raisons d’économie de gestion et d’efficience, et aussi vu les télescopages actuels entre les missions de plusieurs ministres. Par ailleurs, l’Etat doit réduire son train de vie, donner l’exemple de rigueur, éviter en cette période de crise des dépenses inutiles de prestige sans impact véritable sur l’économie du pays et donc sur l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens. Par exemple, un regroupement d’ambassades – exception faite pour des pays avec lesquels l’Algérie entretient d’importantes relations commerciales – devrait rentrer dans cette réorganisation. Les ministères de la Défense, des Affaires étrangères et de la Justice devraient faire l’objet d’un large débat pour leur réorganisation. Chaque grand ministère aurait sous sa coupe des secrétariats techniques souples dans leur gestion et non représentés au conseil des ministres.

1. Au ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales devrait être adjoint l’Aménagement du territoire. Du fait de leur caractère sensible, les services de sécurité, après une large concertation de leurs différents segments, devraient être réorganisé à part.

2. C’est en accordant la priorité à la connaissance que les politiques publiques apporteront des réponses à la pauvreté, à la fois rurale et urbaine, et surtout à l’évolution du chômage, et ce par la création d’emplois et d’activités génératrices de revenus, en particulier pour les groupes vulnérables (femmes, jeunes…). Je préconise un grand ministère de l’Education nationale et de la Recherche scientifique regroupant l’Enseignement supérieur, l’Education nationale et la Formation professionnelle.

3. Le ministère des Finances devrait être couplé avec le ministère du Commerce.

4. Le ministère de l’Industrie et des Mines devrait inclure l’Energie si l’on veut développer l’industrie pétrochimique, ainsi que l’Environnement pour développer les industries écologiques. Les différentes agences chargées de l’investissement, qui se télescopent et sont loin d’avoir répondu aux attentes des pouvoirs publics malgré de nombreux avantages accordés (Andi, Ansej…) devraient être rattachées à ce ministère pour plus de cohérence.

5. Les Transports, les Travaux publics et l’Habitat devraient être regroupés (on peut y ajouter l’Aménagement du territoire  au cas où l’option de son rattachement au ministère de l’Intérieur ne serait pas retenue).

6. Le ministère de l’Eau, de l’Agriculture et la Pêche formeraient un tout.

7. Le ministère du Travail, logiquement, devrait intégrer la Solidarité nationale.

8. Le ministère de la Santé devrait inclure toutes les caisses de sécurité sociale.

9. Le ministère des Postes et des Nouvelles technologies devrait intégrer l’Information, avec  un porte-parole du gouvernement pour l’information officielle afin d’éviter les déclarations contradictoires.

10. Quant aux structures de la Jeunesse et des Sports, elles devraient être regroupées (on peut adjoindre à cet ensemble la Promotion de la condition féminine et la Protection de l’enfance).

11. Le ministère du Tourisme et l’Artisanat devraient intégrer la Culture.

12. Avec l’effritement du système d’information (données contradictoires d’un ministère à un autre), la priorité devrait être donnée à la création d’une structure stratégique, comme un département de la Planification et de la Prospective, structure indépendante afin d’éviter la manipulation des données à des fins politiques, relevant du Chef du gouvernement ou du Président de la République, les plus grands planificateurs (management stratégique).

13. Cette réorganisation suppose une autre organisation locale. Les directions de wilayas, qui sont budgétivores, devraient être regroupées en adéquation avec ceux des ministères. Cela implique de revoir la fonction des walis – souvent non préparés à gérer des milliards de dinars – par la création de pôles socio-économiques régionaux (régionalisation économique) supervisés par des « super-walis », secondés par des walis délégués managers. Ces pôles regrouperaient, dans le cadre de la concertation afin de lutter contre la bureaucratisation et de promouvoir les projets, l’administration, les élus, les entreprises, les banques, la société civile, les Chambres de commerce et les universités.

 

(*) Abderrahmane Mebtoul est professeur des Universités et expert international en management stratégique.

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