Quand l’Algérie sous-traite la réflexion sur son développement industriel (Opinion) - Maghreb Emergent

Quand l’Algérie sous-traite la réflexion sur son développement industriel (Opinion)

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Depuis 1999, des cabinets étrangers de consulting ont obtenu des commandes pour une cinquantaine d’études sur les stratégies à suivre dans le secteur industriel en Algérie. Des études qui auront contribué à désindustrialiser le pays : la part de l’industrie dans le produit intérieur brut (PIB) est passée de 15 % en 1999 à 5 % en 2012. 

 

 

Le ministère algérien de l’industrie a commandé de nombreuses d’études à des cabinets étrangers de conseil depuis 1999 afin de concevoir la démarche à entreprendre dans le secteur, notamment pour la restructuration des entreprises publiques, la gestion des privatisations, la promotion des investissements et le développement de certains secteurs stratégiques. L’éventail de ces études ne se limite pas à des questions « pointues » nécessitant une expertise qu’on ne trouve pas en Algérie. Elles vont de l’analyse du cadre macroéconomique, législatif et le positionnement de l’Algérie dans le monde, à la conception du programme d’innovation dans le secteur industriel, en passant par les études de filialisation d’entreprises et l’élaboration des business plan dans le cadre des opérations de partenariat. Elles touchent aux secteurs aussi divers que le ciment, la mécanique, le cuir, le liège, le lait, les céréales et les fermes pilotes.

Certaines études ont été cofinancées et réalisées dans le cadre de programmes de coopération bilatérale ou multilatérale, ce qui a déterminé le choix des cabinets de conseil. Mais, le gros de ces études a été réalisé sur commande du ministère chargé de l’industrie, au temps d’Abdelhamid Temmar, quand le ministère portait le nom des participations et la promotion des participations.

Même Ouyahia s’en était offusqué

Ahmed Ouyahia, actuel directeur du cabinet de la présidence de la République, ancien chef de gouvernement, avait alors déclaré que « la stratégie industrielle a fait l’objet de plus de symposiums qu’autre chose ». M. Ouyahia pensait à l’époque écorcher par cette boutade son super-ministre  Abdelhamid Temmar, celui qui a le plus duré sur ce siège éjectable de l’industrie, à qui il reprochait non seulement le recours abusif aux cabinets de conseil étrangers, mais aussi la multitude de conférences, séminaires, congrès et colloques internationaux qui ont été consacrés à l’industrie algérienne. Autant de tribunes qui ont permis beaucoup plus au ministre Temmar de se faire photographier que de tracer une feuille de route à même de faire décoller le secteur. Et les études auront servi à étoffer son livre, « La transition de l’économie émergente », paru chez l’Office des publications universitaires (OPU) après son départ du gouvernement, et dont les revenus des ventes ont été promis à une association d’aide aux enfants handicapés. M. Temmar a même demandé à son ex-collègue au Gouvernement, Khalida Toumi, alors ministre de la culture, d’en acheter 2.000 exemplaires dans le cadre de l’aide à l’édition.

Les successeurs de M. Temmar n’ont pas fait preuve d’innovation pour réformer le secteur. Ils n’ont pas mis en œuvre les recommandations de ces études. Ils en ont commandé d’autres, certes moins nombreuses que du temps de M. Temmar, mais, qui viennent ajouter une couche au flou de la stratégie qu’il commercialisait à coups de sorties médiatiques.

Une multitude d’intervenants

Les cabinets qui ont travaillé pour le ministère de l’industrie sont aussi nombreux que multinationaux. Tous emploient des spécialistes algériens pour la collecte d’informations, se réservent le traitement des données et décident des conclusions à vendre au « maître de l’ouvrage », le ministère de l’industrie en l’occurrence. Et ils les facturent au prix fort parce que le « coût expert » oscille entre 700 et 1000 USD par spécialiste et par jour. On peut citer :

Le Français AriaConsult-Tecnitas-Apricast-Verital : Le groupement a réalisé treize études. Il élaboré le plan de développement de l’Entreprise portuaire de Ghazaouet dans la perspective de la privatisation de ses activités commerciales, l’étude de l’activité «moteurs» en Algérie dans la perspective de sa privatisation, une stratégie de développement et de privatisation de l’EPE SOFIPLAST, l’analyse dans le cadre d’un projet de partenariat de BCR, une étude pour la reconfiguration de la Filière Electricité –Electronique- Electroménager, une stratégie de restructuration/privatisation des activités Agro-Sylvo-Pastorale des filiales SAFA Aures, SAFA Ouarsenis, SAFA Babors du groupe SODIAF et étude d’appui technique à la promotion d’investissements dans les ports de pêche ; le diagnostic et stratégie de développement des ex-fermes pilotes ; l’audit de l’activité de port sec de la société Algerian containers services (ACS) ; l’étude pour la restructuration de l’Entreprise portuaire d’Alger en groupe et filialisation de ses activités commerciales, l’étude de la filialisation de l’activité acconage du port de Bejaia, l’étude de faisabilité technico-commerciale de la production de carbonate de sodium dans le cadre d’un partenariat ; l’évaluation des politiques et programmes d’innovation dans le secteur industrie ; la conception du programme d’innovation dans le secteur industriel et la stratégie de restructuration et de redéploiement du groupe GIPEC.

L’Allemand Pohl Consulting & Associates a réalisé huit études entre mai 2005 et septembre 2006, commandées pour « renforcer les capacités de gestion du programme de privatisation et de promotion de l’investissement » : stratégie de privatisation des entreprises laitières, analyse financière des entreprises de la filière des céréales, étude du marché des travaux publics et étude de la concurrence du secteur du bâtiment, une étude d’appui aux investissements dans le secteur agroalimentaire et une actualisation de l’évaluation du groupe Enasucre, ainsi que l’étude de faisabilité pour la création d’une banque d’investissement, en plus des travaux préparatoires à la stratégie de privatisation des entreprises du secteur de la meunerie, réalisés dans le cadre d’un groupement avec les Français Demos et Carlini & Associés ;

Le consortium SOFRECO (France)-GFA (Allemagne)-PE (USA)  a réalisé sept études entre avril et octobre 2004, dans le cadre des politiques sectorielles sur les filières de la fonderie, la mécanique, plastique et caoutchouc, la cellulose, bois et lièges, cuir et chaussure, textile et confection ;

L’Américain Booz Allen Hamilton, actif dans les services du numérique et travaillant principalement pour le compte du gouvernement des Etats-Unis,  a réalisé cinq études dans le domaine du développement des filières industrielles entre février 2002 et juillet 2003 ;

Le consortium franco-allemand GTZ-Thales  a réalisé une étude dans le cadre du projet d’accompagnement au processus de modernisation du ministère de l’industrie et des organismes liés, qui porte sur « la typologie de la stratégie industrielle, les tendances de l’investissement manufacturier au niveau mondial et les opportunités de spécialisation dans l’industrie algérienne » ;

Les Français Algoe et DMI  ont réalisé, en partenariat avec le Centre national d’assistance technique (CNAT), un projet de réalisation d’une entreprise mixte de réparation navale à Oran ;

AriaConsult a, de son côté, réalisé des études portant préparation à la privatisation des activités commerciales de manutention, de l’acconage et de remorquage du port d’Annaba, et la stratégie d’intégration des ex-fermes pilotes relevant de la SGP SGDA dans la filière de production de plants de pomme de terre et cohérence de l’ensemble de la filière.

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