La brouille diplomtique entre Paris et Rabat s’amplifie de jour en jour. Après avoir suspendu sine die toute coopération judiciaire avec la France, le Maroc, via son agence de presse MAP, accuse l’AFP de se constituer comme »bouclier médiatique et porte-parole des autorités françaises pour contrecarrer l’action diplomatique qu’entreprend le Maroc en Afrique ».
L’agence France Presse n’a d’ailleurs pas hésité à qualifier d' »hystérique », la réaction marocaine à une dépêche sur la tournée qu’effectue le roi Mohamed VI en Afrique de l’Ouest pour conquérir de nouveaux marchés pour les entreprises marocaines. La MAP rend la monnaie de sa pièce à l’AFP en citant un universitaire marocain qui estime que la dépêche de l’agence publique française «renferme une grande charge raciste envers les institutions marocaines et les Marocains ». »Ce papier a été agencé d’une manière qui révèle clairement que l’AFP est partie prenante dans l’orchestration médiatique de l’incident survenu à la suite de la descente policière à la résidence de l’ambassadeur du Maroc en France », a déclaré le professeur de sciences politiques à l’Université Mohammed V de Rabat, Manar Slimi, cité par la MAP.
En fait, tout est parti d’une convocation par la police judiciaire française du patron du contre-espionnage marocain, Abdelatif Hammouchi, adressée à l’ambassade du Maroc à Paris, sur plainte d’une association française de défense des droits de l’homme. Le Maroc en est ainsi venu jusqu’à suspendre sa coopération judiciaire avec la France et même rappelé le magistrat de liaison marocain en France, »en attendant des solutions garantissant le respect mutuel total des accords » bilatéraux, selon un communiqué du ministère marocain de la justice.
Bombe atomique contre une mouche
Pour autant, des associations de défense des droits de l’homme françaises, qui suivent de nombreux dossiers de plaignants marocains dénoncent cette décision de Rabat. »La décision marocaine de suspendre la coopération judiciaire » avec la France »est totalement disproportionnée », estime Me Pierre Bréham, un des avocats des plaignants contre Abdelatif Hammouchi. Cité par l’AFP, il relève que la décision marocaine »va avoir de lourdes conséquences civiles pour des milliers de Franco-Marocains. « Par exemple, plus aucun acte de mariage ou de filiation ne pourra être exécuté dans les deux pays. Et au niveau pénal, cela signifie qu’on ne peut plus faire de demandes d’extradition, d’auditions de témoins, ou de transfèrements », explique l’avocat. « Le Maroc a vraiment utilisé l’arme atomique pour tuer une mouche », s’étonne-t-il.
In fine, de nombreux observateurs à Rabat et à Paris expliquent que la décision marocaine de suspendre les conventions judiciaire avec la France est d’abord motivée par la protection de plusieurs hauts gradés de l’armée et des services secrets, impliqués dans des cas déclarés de torture et d’atteinte aux droits de l’homme, susceptibles d’être poursuivis pénalement en France ou dans un autre pays de l’UE. Parmi eux, des officiers encore en activité impliqués dans l’affaire Ben Barka.