Après la marche sur Alger entravée le 8 juin, l’animateur du comité des villages d’Azazga, en lutte contre l’incurie de l’Assemblée populaire communale (APC), parle de cette irruption de la société civile dans la gestion de la collectivité.
Rachid Allouache est le porte-parole de la communauté de village de l’APC d’Azazga, deuxième ville de Kabylie, forte de 40 000 habitants. La coordination, dont il est l’un des animateurs et porte-paroles, représente plusieurs villages (Cheurfa N Bahloul, Flikki, Hendou, Iazouguene et Aït Bouadd). Propulsées sur le devant de la scène médiatique depuis 2014, les personnes mobilisées dénoncent « le laxisme et le mépris » des élus de l’APC d’Azazga.
Les élus, à Azazga, se caractérisent, pour notre invité, par leur incurie, ne serait-ce qu’en matière de gestion de l’électricité et de l’eau, à l’échelle communale. Aux sources de ce mouvement de la société civile s’ajoute l’inaction du wali. Ce dernier a en effet mis au placard un rapport d’enquête, fruit du travail d’une commission qui s’est déployée à Azazga durant 27 jours. De plus, il a déclaré à une radio local qu’il n’y a « rien de condamnable », relate Allouache. Il regrette également l’absence de contact avec les élus, qu’il juge, au demeurant, illégitimes à cause du fort taux d’abstention. En effet, l’APC n’a été élu que par 1333 voix. Les élus étaient en place depuis deux ans lorsque la mobilisation a débutée. Le comité demande l’application de l’article 46 du code communal, autrement dit la dissolution de l’APC. Interrogé sur la radicalité des ces revendications, Rachid Allouache se veut pas en démordre : « on a attendu plus de deux, on n’a rien vu de concret. »
Une lutte contre « le laxisme » et le « mépris » des élus
Le 8 juin dernier, le comité a fait parler de lui suite à la tentative de marche sur Alger, tentative avortée, puisque les participants ont été arrêtés « à 15 km d’Azazga ». Rachid Allouache explique que cette marche était à l’initiative de « 16 jeunes volontaires qui ont démarré d’Azazga pour revendiquer la dissolution de l’APC ». Cette action entendait dénoncer le laisser-faire des autorités municipales en matière foncière. Allouache explique que « 520 lots de terrain de la commune sont squattés par des proches d’élus », qu’ « il y a même des élus qui ont squatté et construit des villas sur ces terrain ». Il s’est également insurgé contre « la mafia du sable et le péril écologique que représente le vol de sable.
Il tire la conclusion suivante : il est impératif de changer les textes de lois et de créer de nouveaux mécanismes car « ce sont les textes qui attirent les médiocres et les corrompus. » Par ailleurs, il indique que plus de 240 ouvriers communaux sont en grève et ont mené une action de protestation le 10 juin. Le mécontentement contre ces élus est donc partagé.
Un mouvement pacifique
Le mouvement s’est donné pour challenge de demeurer pacifique. Son animateur juge que c’est « la meilleure façon d’arracher » des concessions, ou des victoires dans le contexte politique actuel. Interrogé sur l’éventuelle rupture avec une « tradition » insurrectionnelle kabyle, il estime qu’« avant le printemps noire, les citoyens de Tizi-Ouzou et de Kabylie était pacifique ». Au sujet des événements du Printemps noir, Tafsut taberkant, en 2001, il estime que c’est « le pouvoir qui a provoqué la violence (…) que le mouvement est né pour arrêter le massacre. »
Acteur majeur du mouvement, il souhaite la pérennité et le succès de la mobilisation, qui pourrait faire des émules. En tout état de cause, il estime qu’elle a déjà eu le mérite du susciter « une prise de conscience » et l’irruption de la société civile dans la gestion communale. Allouache affirme avoir « le soutien de la population ». En atteste pour lui la « grande marche organisée récemment » qui a rassemblé plus de 5000 personnes récemment. Il signale toutefois qu’aucun parti politique n’a pris position, que ce soit en faveur ou contre le mouvement du comité des villages d’Azazga. Il déplore un peu en ces termes « logiquement un parti politique a des élus et doit réagir ».
Le comité a préparé un plan d’action pour le mois du ramadhan qui prend des allures de substitution à l’APC et de trêve civile. Ainsi, une opération « Azazga, ville propre » est prévue. Les participants se chargeront du nettoyage de la ville. Les membres du comité entendent également s’occuper des couffins du ramadhan. Le comité des villages d’Azazga amorce-t-il une transition de mobilisation à gestion populaire ?
Extraits vidéo : http://bit.ly/1FcSiDt