Le Commissariat aux Energies Renouvelables et à l’Efficacité Energétique (CEREFE) a publié, fin novembre dernier, son rapport 2020 sur la transition énergétique en Algérie. Dans ce document d’une centaine de pages, l’organe public indépendant ne s’est pas contenté de retracé l’état des lieux des énergies renouvelables en Algérie, mais a également dressé une feuille de route visant à opérer une transition énergétique adaptée au model national.
Ainsi, le document du CEREFE souligne l’importance de mettre la transition énergétique d’abord au service de l’économie nationale « comme catalyseur pour une véritable amorce de développement ascendant et soutenu de la nation ». Il recommande d’identifier de manière « sereine et rigoureuse » tous les critères qui peuvent mener avec succès à l’objectif tracé, « sans pour autant verser dans l’improvisation et la précipitation qui ont prévalu jusqu’ici. »
Evidemment, le Premier ministre Abdelaziz Djerad, a souligné « la détermination de son gouvernement à tout mettre en œuvre afin d’instaurer un modèle énergétique durable, où l’efficacité serait le maître mot». Mais d’une manière pratique est concrète, l’Etat est-il en mesure de mettre en œuvre les recommandations du CEREFE, en suivant scrupuleusement la feuille de route tracé par cet organes ? Ou alors, la détermination se limitera au stade du « maître mot ».
Le Commissariat aux EnR met le Gouvernement Djerad au pied du mur
Dans son rapport, le CEREFE stipule que la transition énergétique doit se baser sur « la conversion des effets des échecs du passé en arguments favorables à l’entame de réformes profondes ». Une réforme que le Commissariat aux EnR place sous plusieurs exigences, que le gouvernement Djerad doit satisfaire si, bien sûr, une réelle volonté politique est de mise.
Ainsi, le CEREFE a émis une panoplie de recommandations notamment, l’ouverture financière sur les bailleurs de fonds internationaux, la préparation à l’utilisation généralisée de la voiture électrique, mais et surtout, la libération du monopole de Sonelgaz sur la production d’électricité ! Cette dernière que les auteurs du rapport estiment l’approche la « plus intéressante » pour aborder la transition énergétique en Algérie.
En effet,le CEREFE recommande d’ouvrir le réseau national d’électricité aux petits et moyens producteurs indépendants de l’énergie photovoltaïque, en réduisant la détention du monopole de Sonelgaz sur la production et la distribution électriques.
Pour le Commissariat aux EnR, il s’agit d’encourager l’option d’autoconsommation à travers un déploiement étudié et réglementé des installations solaires photovoltaïques, qui seront connectées au réseau de distribution de Sonelgaz, en assurant des productions de petites ou moyennes capacités.
Pourtant la libéralisation de la production d’électricité, avait été instituée par la loi 02-01 du 5 février 2002, mais la mise en place d’un opérateur marché, pourtant prévue avec insistance par cette même loi, a été mise en veilleuse à ce jour.
Reste à savoir, si la volonté affichée du gouvernement sera en mesure de mettre à jour ce décret et libérer, enfin, le monopole du marché électrique.
Un mal bien plus profond qu’il n’y parait
Dans le chapitre des manquements au développement des EnR, le Commissariat déplore l’insuffisance de la ressource humaine nécessaire pour accompagner la transition énergétique en Algérie.
Les auteurs du document estiment que l’Algérie reste loin des effectifs nécessaires de chercheurs pouvant prendre en charge l’ambitieux programme du gouvernement en matière de transition énergétique.
Pour le CEREFE, la faible attractivité des centres de recherche provoque un « exode massif » des chercheurs permanents, vers une carrière purement universitaire et le personnel de soutien à la recherche, vers le secteur privé, et ce, « à la moindre occasion ».
Le Commissariat estime, ainsi, impératif de revoir les statuts de « chercheurs permanents » et de « personnel de soutien à la recherche » ainsi que l’organisation du travail des centres de recherche. Il juge nécessaire, également, de revoir la formation professionnelle dans ces domaines en quantité mais aussi en qualité.
Ce qui est nécessaire pour assurer un « vivier de main d’œuvre qualifiée avec des aptitudes réelles à suivre les nouvelles dynamiques économique et industrielle », estime le Commissariat aux EnR.
…Et des échecs à tire larigot !
Mais les auteurs du rapport ne s’arrêtent pas là. Ils évoquent également les raisons de l’échec des différents programmes de développement des énergies renouvelables en Algérie, lancés depuis une décennie.
Pour le CEREFE, les raisons d’un telle désillusion sont dues à la résistance au changement face à de nouvelles techniques et compétences, à laquelle s’ajoute un manque de suivi et d’évaluation.
Preuve à l’appui, le rapport cite le Programme national de développement des énergies Renouvelables et de l’efficacité énergétique (PNEREE), lancé en 2011. Il visait un taux de 40 % de capacité de production d’électricité d’origine renouvelable à l’horizon 2030. « Le planning de réalisation prévu n’a jamais été suivi dès la première étape », signale le rapport.
En 2017, un nouveau décret exécutif n 17-98 du 26 Février, a été promulgué, portant une nouvelle procédure basée sur les appels d’offre. Ce qui a permis le lancement d’un nouveau programme de 4.050 MWc de solaire photovoltaïque. Mais au final, ce projet n’a jamais eu de suite et n’a fait l’objet d’aucun appel à investisseurs.
Pour tenter de combler le « grand retard » la CREG (Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz) a été contrainte de lancer un appel d’offres beaucoup plus modeste, soit 150 MWc de solaire photovoltaïque. Mais malgré le niveau assez modeste de l’appel d’offre en question, seul un tiers de la capacité proposée a pu trouver preneur, sans confirmation à ce jour du début des travaux.
Ainsi et avec le recul, on observe qu’à ce jour, au même titre que la première version du programme, le planning tracé n’a été ni suivi ni même vu un début d’application quelconque. Pour le Commissariat aux EnR, « le seule projet visible était celui de Sonatrach qui a mis en service, en 2018, une première centrale solaire photovoltaïque de 10 MWc à Bir Rebaa Nord (Ouargla).
Ainsi, le constat est amer du côté des projets développés par les différents gouvernements qui ont passé par les « mauvaises l’expérience » des projets EnR. Des maux bien profonds ont bien été identifiés par le CEREFE. L’ensemble de ces insuffisances, que le développement d’une réelle transition énergétique traine depuis une décennie, pourrait entraver encore la concrétisation de « la volonté politique », et compliquer la détermination affichée en grande pompe du Gouvernement Djerad.