Riadh Sidaoui, écrivain, politologue et Directeur du Centre Arabe de Recherches et d’Analyses Politiques et Sociales de Genève, revient dans cet entretien sur l’exécution de l’otage français. Selon lui, cet « acte isolé » ne saurait faire basculer l’Algérie dans le terrorisme et encore moins l’impliquer dans la coalition internationale contre l’EI qui vient de naître.
L’Otage français vient d’être exécuté par le nouveau groupe terroriste Djound Al Khilafa fi Ardh Al Djazair qui a prêté allégeance à Etat Islamique. La vidéo de sa décapitation circule en ce moment sur le net. Comment interprétez-vous la rapidité de son exécution par un groupe qui vent à peine de naître ?
C’est un signe que le terrorisme frappe très fort. Ce groupe terroriste représente un terrorisme résiduel à la recherche d’une médiatisation et d’influence. Il s’agit d’un terrorisme local, n’ayant aucun rapport structurel avec l’Organisation de l’Etat Islamique, ni avec Al Qaida. Le rapport qu’il entretient à l’instar des autres groupes terroristes en Afrique du Nord et au Sahel est un rapport de littérature. L’Organisation de l’Etat Islamique n’a aucune structure en Algérie, ni en Tunisie, ni partout ailleurs dans le Maghreb. Les groupes terroristes locaux maghrébins ne partagent que les idéaux de l’EI, et agissent aux ordres d’Al Baghdadi. D’autres petits groupes similaires agissent de la même manière dans d’autres endroits en Afrique du Nord, au levant, au Yémen et ailleurs. Il s’agit pour eux de jouer la carte médiatique et chercher une implantation sociale, et ce, en profitant de la moindre occasion qui se présente.
Pour revenir à votre question sur la rapidité de l’exécution de l’otage, je souhaiterais rappeler que la question des otages a toujours été une question très complexe et sensible. Car, il est très facile pour un ravisseur d’exécuter son otage, et aucune force au monde ne pourrait l’en empêcher. Les occidentaux en général, négocient secrètement, où choisissent des interventions militaires, pas toujours porteuses de succès, comme nous l’avons observé en Somalie en 2013, lors de l’intervention militaire française pour libérer le militaire français Denis Allex, soldée par un échec cuisant.
Quelles seraient les retombées de cet événement dans un pays qui dit avoir vaincu le terrorisme ?
Permettez-moi de préciser que l’Algérie n’est pas en train de revivre les années 90 et elle ne les revivra pas. L’Algérie est le seul pays arabe à avoir combattu tout seul ce fléau. Cette prise d’otage est une action isolée. Les terroristes, aussi petit soit leur nombre, ont une grande capacité de nuisance. Ceux sont eux qui choisissent le moment, l’endroit et la cible de leur action. Le terrorisme est une toute petite minorité qui joue la carte de la majorité, contrairement à la révolution, où la majorité cherche à changer son destin contre une minorité. En dépit de cet évènement « isolé » je le précise, je dis que la page du terrorisme est belle et bien tournée en Algérie. L’armée algérienne, la gendarmerie et la DRS, sont aguerris après une expérience amère de plus d’une décennie.
Certaines voix, en Occidents notamment, pensent que cet évènement pousserait l’Algérie à intégrer la coalition internationale pour combattre l’EI, qu’elle refuse par son principe de non-ingérence. Pensez-vous que cette position algérienne pourrait-être revue ?
Absolument pas. L’Algérie ne pourrait pas aller dans une coalition qui regroupe le Qatar et les l’Arabie Saoudite. Le rôle de ces derniers est connu dans la formation et le financement des groupes terroristes, et l’apologie qu’ils font à ce phénomène. Forte de son amère expérience, personne ne pourrait lui donner de leçons. Ce choix du refus d’intégration de cette coalition, qui est d’ailleurs le même que celui des pays du BRICS, qui ont émis des doutes quant’ à une coalition dans laquelle se trouvent ces deux pays précités, qui ont été d’ailleurs accusé par plusieurs pays de création et de financement de groupes terroristes dans leur territoires. Ce choix de l’Algérie est un choix intelligent à mon sens. De plus, l’Algérie est consciente des enjeux qui se cachent derrière cette étiquette de coalition internationale, et sait très bien par exemple, que les frappes que mène cette coalition contre les base de EIIL en Syrie, pourrait se retourner contre l’Etat Syrien, elle qui a refusé les frappes militaire étrangère contre Damas en 2013.
Propos recueillis par Selma Kasmi