Seule une élection présidentielle transparente peut résoudre la crise politique de l’Algérie (contribution) - Maghreb Emergent

Seule une élection présidentielle transparente peut résoudre la crise politique de l’Algérie (contribution)

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Le Conseil des Ministres en date du 09 septembre 2019 a adopté une série de résolutions suite au rapport du Panel, qui malgré d’importantes pressions a réalisé un important travail, une conjoncture très difficile où les pratiques politiques du passé et récentes ont produit une méfiance généralisée faute de morale : pour preuve, la délinquance des plus hauts responsables du pays.

L’Algérie traverse une crise politique sans précédent depuis l’indépendance avec les risques d’aller vers une cessation de paiement fin 2021 début 2022 avec les incidences à la fois très graves sur le plan économique, social , politique et des impacts géostratégiques au niveau de la région africaine et méditerranéenne.

Le système politique hérité depuis l’indépendance, 1963/2019,  tissant des liens dialectiques entre la rente et les logiques de pouvoir a trouvé ses limites naturelles, étant  incapable de résoudre les nouveaux problèmes auxquels est confronté le pays, les actuels replâtrages accentuant la crise.

Il faut savoir nous respecter, personne n’ayant le monopole du patriotisme à ne pas confondre  avec le nationalisme chauviniste source d’intolérance. Il  faut saluer toutes les   initiatives de dialogue, fondement de la bonne gouvernance et seule issue à la résolution de la crise,   devant privilégier  uniquement les intérêts supérieurs  de l’Algérie C’est uniquement dans ce cadre que j’émets quelques remarques et suggestions

1.-CERTAINS PROPOSENT UNE CONFERENCE NATIONALE.

Or, en plus du temps  ne  jouant pas en faveur du Hirak et (peut être deux à trois mois si l’on passait par des  représentants au niveau des  48 wilayas), au vu des expériences, Tant AL Hirak que les différentes compositions de la société sont traversés par des courants idéologiques contradictoires, voire inconciliables   sur le  plan économique et idéologique , de la vision économique future et de l’architecture institutionnelle : gauchistes staliniens, nous aurions assisté  à  des discours philosophiques vagues et souvent  contradictoires que l’on voit actuellement  sur les différents plateaux de télévisons où chacun par enchantement devient expert :  droitistes, sociaux démocrates, islamistes radicaux, gauchistes ,  trotskystes ect….

Cela aurait  abouti à des  réunions interminables lassantes, la création de  commissions sans objectifs précis,   à  des discours philosophiques vagues et contradictoires que l’on voit   sur les différents plateaux de télévisons où chacun par enchantement devient expert, voulant imposer sa propre vision.

2.-CERTAINS PROPOSENT UN PRESIDENT DE TRANSITION.

Cette proposition, outre qu’elle est contraire à la Loi fondamentale,  une violation directe de la constitution, de la Loi n° 16-01 du 6 mars 2016 – Journal officiel n° 14 du 7 mars 2016, dans son article 88 , bien que malmenée avec des interprétations différentes des juristes,(interprétation stricte ou extensive)  qui stipule deux mandats présidentiels, chacune de cinq années, non renouvelables,  ouvre la voie à une instabilité constitutionnelle préjudiciable  aux intérêts supérieurs du pays tant sur le plan  interne qu’international, car où serait la crédibilité un président « transitoire » ? 

Certes, il est possible  tout en  respectant tant les règles de  droit  et de la démocratie  où l’urne transparente tranche,  une déclaration « morale à la population algérienne (contrat moral) d’un ou de  plusieurs candidats qui s’engageront à  ne faire qu’un seul mandat.

3.-CERTAINS PRECONISENT UNE LONGUE PERIODE DE TRANSITION

Or, au vu des expériences historiques, cela durerait   plus de trois à cinq années. La réussite de cette initiative, ce qui n’est pas du tout évident,  passe par une entente entre les   différents segments  politiques, économiques   et sociaux. Sur quelle base seront désignés   les représentants  avec le risque du renouvellement du Conseil National de Transition des  années 1993/1994,  avec un collège présidentiel, des ministres et des hauts fonctionnaires auto-désignés ne pouvant  engager  l’avenir  d’un grand  pays comme l’Algérie, parce que  non  légitime.

En plus, la conjointure nationale et internationale a profondément changé   avec  la paralysie de l’économie, comme  en 1994, il y a risque de la  cessation de paiement avec le diktat du FMI  et la perte de l’indépendance politique et économique à moins d’un miracle, un cours du pétrole à 100 dollars.

4.-IL FAUT ALLER RAPIDEMENT VERS UNE ELECTION …

Il s’agit impérativement    d’aller rapidement vers une élection présidentielle dans des délais raisonnables mais avec comme condition qu’elle soit transparente, loin des pratiques  occultes du passé qui a vu la majorité de la population bouder les urnes à plus de 70/75% lors des dernières élections législatives en tenant compte des bulletins nuls, traduisant le divorce Etat-citoyens.

Cela implique forcément  comme cela  a été  retenu en conseil des ministres  du 9/09/2019 la révision du fichier et code  électoral, la création d’une instance indépendante  de supervision des élections où ni l’exécutif  (gouvernement- surtout  le ministère de l’intérieur  et les Walis ), ni les députés/sénateurs et représentants des APC actuels dénoncés par Al Hirak ,  ne seront   parties prenantes, appartenant aux candidats  et à la société civile de désigner ses représentants.

L’on devra être attentif tant à sa composante nationale qu’à travers ses réseaux des 48 wilayas, des personnalités morales et neutres.  L’administration centrale et  locale  n’ayant jamais été neutre  du fait de ses pratiques occultes datant depuis l’indépendance politique et pas seulement durant la période actuelle, l’actuel gouvernement composé en majorité d’anciens hauts fonctionnaires impliqués directement dans la gestion du passé et donc responsable de la situation actuelle, dont  s’est fait l’écho   la presse qui seraient  impliqués pour certains de malversations ou de trafic dans les élections passées ( voir accusation du   RND ministère intérieur pour avoir favorisé le FLN pour la wilaya de Tlemcen) non démentis par les intéressés est rejeté massivement par  la population, qui l’assimile à tort ou à raison du fait de sa composante  à la fraude. 

Un nouveau gouvernement  de techniciens  « neutre »,  est nécessaire, compromis   entre le pouvoir, l’opposition et Al Hirak, tant pour crédibiliser l’action  de la justice  que pour  favoriser la réussite du dialogue.  Le président de l’Etat actuel par intérim continuant à assurer le fonctionnement de l’Etat sans s’immiscer dans les élections afin d’éviter la déstabilisation de l’institution suprême du pays

5.-SEUL UN PRESIDENT LEGITIME PEUT MENER LES PROFONDES REFORMES

Seul un président légitime   peut  amender la constitution et mener les profondes réformes tant politiques qu’économiques pour arrimer l’Algérie  au nouveau monde,  en faire un pays émergent et elle en a les potentialités, élu sur la base d’un programme transparent, incluant les revendications légitimes d’Al Hirak. Les axes directeurs devraient être  la  refondation des institutions et du  système politique( reconnaissance de l’opposition), la restructuration du système partisan et de la société civile loin de toute injonction administrative,  l’ Etat de droit  et bonne gouvernance centrale et locale ( (décentralisation avec cinq pôles régionaux voir propositions concrètes A. Mebtoul www.google.2004), la   lutte contre la corruption, la dé-bureaucratisation , la bonne gestion des institutions(  grands ministères homogènes)  des entreprises, la  valorisation du savoir,  une nouvelle politique économique tant énergétique (subventions ciblées et Mix énergétique) qu’hors hydrocarbures par la  refonte de tout le  système financier,(douane, fiscalité, domaine , banques  et revoir la règle des 49/51%) ,de l’école du primaire au supérieur  se fondant sur les ,nouvelles technologies et l’intelligence artificielle, du couple eau et foncier/agricole/industriel, de la santé ,une nouvelle politique de l’emploi pour éviter l’implosion des caisses de retraite,  une nouvelle  politique des affaires  étrangères et de la sécurité , en réseaux, tenant compte  des nouveaux enjeux du monde.

Il  est donc  impératif  de résoudre rapidement la crise politique  avant la fin de l’année 2019 ou tout  au plus le premier trimestre 2020, pour éviter à l’Algérie l’épuisement de ses réserves de change fin 2021, début 2022  , avec  une très grave crise économique et sociale qui aura comme incidence , du fait des tensions géostratégiques au niveau de la région, la  déstabilisation à la fois du pays  avec des impacts négatifs  sur la région méditerranéenne et africaine ( voir mes interviews American Herald Tribune USA août 2018 et Africa Presse Paris mars 2019 ). Aussi, sans la résolution de la crise politique, il ne faut pas être utopique, pas de développement pour l’Algérie.

L’élection présidentielle devra être transparente sinon il y a risque de reconduire l’échec du 04 juillet 2019 ce qui porterait un coup fatal au crédit tant national qu’international de l’Algérie que nul ne souhaite.

En résumé, le défi de l’Algérie 2019/2025/2030 est de soit réussir les réformes qui seront douloureuses à court terme mais porteuses d’espoir à moyen et long terme pour ou rester en statu quo en retardant les réformes structurelles , ce qui conduira inéluctablement à la régression et la marginalisation du pays.

Aussi, l’Algérie a besoin d’une nouvelle stratégie, loin des slogans creux populistes, s’adaptant au nouveau monde pour sécuriser son avenir, de s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l’intelligence , de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, évitant la division sur des sujets secondaires passant par la refondation de l’Etat et la moralisation de la société..

A travers sa longue  histoire riche et mouvementée, l’Algérie  a su toujours s’en sortir par le dialogue et la morale fondée sur la confiance.

Dr Abderrahmane MEBTOUL : Professeur des universités, expert international.

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