Après le départ des chercheurs indiens et chinois, les algériens sont, après les américains, les plus présents dans le pôle des industries de pointe de San Francisco, selon Smail Chikhoune, président du Conseil d’affaires algéro-américain (USABC). Mais l’Algérie ne fait rien pour les récupérer.
Peut-on rêver un jour que les algériens de la Silicon Valley en Californie, viennent s’installer en Algérie ? Peut-on voir se reproduire les scénarios chinois et indiens qui ont appâté leurs compatriotes installées aux USA à venir s’installer chez eux dans leur pays en leur offrant les mêmes incitations salariales ? Résultat, les indiens disposent de leur propre Silicon Valley grâce à la matière grise que représente les chercheurs indiens venus des USA. Après le départ des chercheurs indiens et chinois, les algériens sont, après les américains, les plus présents dans le pôle des industries de pointe de San Francisco, selon Smail Chikhoune, président du Conseil d’affaires algéro-américain invité jeudi de l’émission « L’Entretien » de Radio M. Contrairement à ses homologies indien et chinois, le gouvernement algérien ne semble pas pressé de récupérer « sa » matière grise. Un fait que regrette Chikhoune, pour qui « il est toujours très difficile d’engager un quelconque programme visant à intéresser la diaspora algérienne, et cela dès lors que les responsables algériens ne comprennent toujours pas, selon lui, que pour faire venir ces chercheurs qui disposent d’un savoir-faire indéniable, cela a un prix ».
Il en est de même pour les employeurs de ces chercheurs. Une des causes : la règle 51-49% qui pose problème aux grosses boites de la Silicon Valley dès lors que ce sont des sociétés qui ne s’accommodent guère de ce genre de règlements. « Souvent ces grandes entreprises aiment avoir une facilité à l’Exit, c’est-à-dire pouvoir vendre et quitter un pays à la recherche d’une autre opportunité », reconnait Chikhoune. Ce dispositif (51/49) fait fuir des capitaux et fait perdre au pays et à l’économie d’importants bénéfices A ce titre, Smail Chikhoune cite le cas d’une entreprise américaine qui voulait fabriquer en Algérie de la fibre de verre. Malgré une franche volonté de recruter et de mettre sur la table la bagatelle de 360 millions de dollars, ses responsables voulaient travailler à 100% et n’en voulaient pas de la règle 51/49. « C’est bien dommage, car ils auraient pu faire travailler 500 personnes, payé l’électricité et les impôts, …etc. », regrette Chikhoune.
Des startups algériennes dans les biotechnologies
S’agissant de l’échec du cluster de biotechnologie que l’Algérie avait voulu réaliser avec les américains, Smail Chikhoune estime que l’échec est dû à la lenteur des différents acteurs algériens impliqués dans le processus, le projet étant multisectoriel. Selon lui, les algériens ont mis du temps à mettre en place un comité interministériel. De leur côté, les américains devaient mettre en place la feuille de route à proposer à la partie algérienne. Résultat : un retard de 3 ans et le ratage d’une opportunité de mettre en place dans chaque université un incubateur avec des experts américains. A ce propos, Smail Chikhoune plaide en faveur d’un essaimage de clusters. « Un seul incubateur ne suffit pas. Il en faut plusieurs qui soient en mesure d’attirer les jeunes à leur fin de cursus universitaire avec l’idée d’aller faire leur propre business plan avec l’objectif de démarrer une startup, estime Chikhoune. L’idée est que ces startups doivent être orientées vers les biotechnologies. Ces dernières, de l’avis de Chikhoune, représentent l’avenir dans les sens où il est question de médicaments innovants et l’Algérie doit, selon lui, développer ses propres molécules qui reviennent aujourd’hui très cher.
Les américains veulent accompagner les agriculteurs algériens
L’invité de Radio M est revenu aussi sur les récents accords signés à Alger entre des sociétés américaines et des entreprises algériennes des secteurs publics et privé. Les accords ont notamment porté sur l’agriculture et principalement dans des domaines précis comme les semences de la pomme de terre, l’élevage de vaches laitières, la culture fourragère, l’élevage de bovin pour la viande, le machinisme et l’irrigation. Ainsi, sur les six mémorandums d’entente un seul implique l’Etat algérien avec la SGP Proda. Il est question de réaliser avec l’Etat algérien des fermes-pilotes et intégrer le système américain. Le gouvernement algérien est représenté par la SGP PRODA du fait qu’elle détient la plus grande partie de terrains devant abriter les fermes pilotes, a expliqué Smail Chikhoune. Il est question de bassins laitiers, de pomme de terre et de viande. La seconde partie des accords signés concerne aussi des acteurs privés, a-t-il indiqué sans donner plus de détails. Si du côté algérien la présence de l’Etat dans ce genre d’accords est quasi indispensable, il n’en est pas de même du côté américain Et pour cause : les sociétés américaines venues à Alger relèvent exclusivement du secteur privé. « C’est le capitalisme à outrance, souligne Smail Chikhoune. L’Etat américain ne fabrique rien, mais reste un régulateur, une sorte de gendarme ».
Les semences US plus performantes que celles imposées par les importateurs
Il convient de signaler que dans le cadre de l’élevage des vaches laitières, les accords ont quelque peu été anticipés. Pour une raison simple. Les deux parties attendent le protocole d’accord gouvernemental algéro-Américain en attente de signature, et qui doit permettre aux vaches américaines de rentrer en Algérie (ce qui n’est pas le cas actuellement) et aussi aux semences de pomme de terre qui doivent préalablement passer par un processus d’homologation d’une durée de deux ans, a souligné le président du Conseil d’affaires algéro-américain. « Le temps de mettre en place la structure elle-même avec tout le business plan, cela va prendre 4 mois qui correspondra au temps que doit prendre la signature du protocole d’accord gouvernemental, et qui permettra aussi bien de ramener les vaches laitières que le procédé de l’insémination puisqu’il est question de reproduction animalière. C’est pour cette raison qu’on a voulu gagner du temps », a indiqué M. Chikhoune.
S’agissant du volet lié à la variété de la semence de pomme de terre que les américains proposent aux algériens, Chikhoune estime qu’elle est plus performante que celle imposée par les importateurs. L’objectif à travers le partenariat avec les américains, selon lui, est de réduire l’importation des semences. A ce propos, il tient à lever toute équivoque. Ces semences n’ont rien à voir avec les OGM (organismes génétiquement modifiés). « Il s’agit juste de création de nouvelles variétés. Il se trouve que les rendements des variétés proposées par les américains sont meilleurs que celles utilisées présentement par nos agriculteurs. Les variétés américaines permettent un rendement estimé entre 100 et 120 tonnes par hectare contre 35 et 40 hectares pour les semences importées actuellement », souligne M. Chikhoune.
Extraits vidéo : http://bit.ly/1QaweFk