Cet article d’Al Huffington Post Algérie évoque un cas concret de détournement de biens fonciers par des artifices administratifs de toutes sortes. Il s’agit du cas de 3.000 m2 de la Cité des Anassers, à Alger. Cette rapine foncière, a-t-il rappelé, a commencé dans les années 1990, « alors que le terrorisme battait son plein ».
Immobile, le regard sévère en direction de son auditoire, Me Bourayou retrace la « chronologie d’une destruction programmée » depuis des décennies, celle des escapes verts : « Nous sommes en 1995, le terrorisme bat son plein, et la population se terrait chez elle. Mais des gens venaient la nuit prospecter des terrains. »
L’air grave et ces propos ajoutent à la gravité du sujet de la conférence de presse organisée hier, 8 novembre, par l’avocat Me Bourayou à la cité des sources, le lieu du crime. Les espaces verts ont été détruits sans que les habitants, malgré leur mobilisation, puissent stopper la machine ébranlée.
« En 1995, une partie de la Cité des Sources a été volée par ceux-là même qui sont obligés de défendre les biens de l’État. Ils ont délimité 3.000 m² à spolier, et ils les ont présentés à une commission de la wilaya. Ils ont créé un artifice de faux », lance l’avocat.
Me Bourayou explique dans cette conférence comment un terrain de 3.000 m² de la Cité des Annassers a été dépouillé en détournant la loi de 1990 sur la réglementation foncière. Ce texte, qui stipulait que « les biens communs et étatiques doivent être transférés à la G.E.R.F.A (Gestion de l’étude et de la réforme du foncier algérien) pour en dispenser, et pour toute preuve qu’un terrain a déjà fait l’objet d’une délibération de la commune avant 1990, il sera mis à la disposition de cette dernière ».
« Ces gens n’avaient pas de délibération avant 1990, ils ont donc pris celle d’une autre commune et l’ont intégré dans le dossier. Et c’est comme cela que 3.000 m² ont été volés », continue Me Bourayou.
Selon l’avocat, ces 3.000 m² ont été par la suite transférés à la commune, qui les a transférés à la G.E.R.F.A avant qu’un chef d’une daïra, un directeur de commune et le nouveau propriétaire du terrain, M. Aïssat, n’en bénéficient. Il s’agit d’une opération de faux et d’usage de faux, procédée par « ceux-là mêmes qui sont supposés protéger les biens des collectivités », insiste-t-il.
Évoquant la réplique du CNERU (Centre national d’études et de recherches appliquées en urbanisme), auprès du lequel le propriétaire est en droit de posséder ces 3.000 m², Me Bourayou démontre, grâce à des correspondances entre la Caisse algérienne d’aménagement du territoire (CADAT) et l’Office de promotion et de gestion immobilières (OPGI) que « le terrain spolié appartient à la Cité des Sources et à ses résidents ».
Ce terrain, jadis vendu par la CADAT à l’OPGI était estimé à près de 1 milliard de dinars, montant que l’Office devait à la Caisse, avant qu’elle ne cède son bien. Le CNERU a, par la suite, ouvert un dossier de créance impayée à l’adresse de l’OPGI, réclamant ce même montant.
En juillet 1997, le directeur du CNERU vend à M. Aïssat 3.000 m², « pour combler une créance de 750 millions de dinars », affirmant que le terrain appartient à ce centre. : « Il appartient au CNERU, que j’interpelle de cette place, de nous expliquer ce que cela représente, ces 750 millions de dinars! Vous êtes un centre d’étude, vous n’êtes redevables que pour celui qui vous présente une étude », s’écrie Me Bourayou. Et d’ajouter : « Il faut que vous sachiez que ces terrains nous appartiennent, nous résidents de la cité. »
Tour de passe-passe
Le propriétaire de ces 3.000 m², M. Aïssat Abdel Nasser, gérant de la société civile immobilière Dar El Malik, s’est porté caution d’une autre société, dénommée Delphine Pêche, dont il est également le propriétaire, auprès de Albaraka Bank. La société civile Dar El Malid s’est portée caution pour une seconde reprise, auprès du CNMA (Caisse nationale de mutualité agricole).
Albaraka Bank, non remboursée dans les délais préétablis, a engagé en 2005 une opération de vente aux enchères de ces 3.000m². « Reportée à plusieurs reprises, c’est la CNMA qui reprend la procédure en 2011 », déclare Me Bourayou, interloqué.
A la même période, les premières séances de vente aux enchères reprennent, à l’initiative de la CNMA. Seulement 4 personnes participent à cette opération, ce qui ne manque pas d’interpeller une nouvelle fois l’avocat. Ces 4 personnes avaient créé en mai 2011, entre deux reports de la session, une société. Cette dernière a participé à la vente avec ces personnes physiques, dont 3 frères, eux-mêmes associés dans cette société à responsabilité limitée.
« C’est par cette procédure de vente aux enchères secrète que cette société a accédé à cette propriété », d’un montant de 21 milliards. »Et les autorités, le wali en tête, ont favorisé cette procédure », conclut sèchement Me Bouarayou.