Dans une analyse publiée vendredi dans l’Economiste Maghrébin, Hakim Ben Hammouda, ministre tunisien de l’Economie et des Finances, explique le choix du gouvernement de Mehdi Jomaa de recourir à une Loi de finances complémentaire (LFC 2014).
Plusieurs raisons militent en faveur de la définition de cette nouvelle Loi de finances, explique d’emblée le ministre tunisien. La première concerne les hypothèses assez optimistes, notamment en matière de croissance économique sur lesquelles la loi initiale a été construite et qui estimait que la croissance de l’année 2014 pouvait atteindre les 4%, en dépit de la crise politique. « C’est sur la base de cette hypothèse de croissance que les équilibres financiers du budget 2014 ont été construits, ce qui suppose un montant de recettes propres et un degré de mobilisation, pour trouver les ressources manquantes afin d’équilibrer le budget, surestimé. Le complément de Loi de finances est nécessaire pour corriger les surestimations des projections de croissance et de recettes et éviter une grande dérive des finances publiques », énonce-t-il.
Prendre en considération de nouvelles contraintes
La définition d’une LFC se justifie aussi, selon Ben Hammouda, par la nécessité de prendre en considération de nouvelles contraintes apparues en début d’année, particulièrement pour les entreprises publiques dont les besoins d’injection ne cessent de grandir, exigeant de grandes réformes structurelles. Pour lui, la conception d’une nouvelle LFC est également nécessaire pour prendre en considération « les nouvelles préoccupations de larges franges de la population et qui dominent de plus en plus le débat public ». A ce niveau, le ministre mentionne que le choix d’augmenter les prélèvements sur les retenues à la source est de plus en plus critiqué et la demande est de plus en plus forte pour s’attaquer à ceux qui échappent à leur devoir fiscal et ceux qui s’adonnent à la contrebande et au commerce parallèle, mettant ainsi en péril les activités formelles. « La politique économique ne peut plus ignorer les demandes pressantes et ce consensus large dans le débat public pour lutter contre les fléaux de l’évasion fiscale et de la contrebande », note le ministre tunisien de l’économie et des finances.
Donner une orientation stratégique à la politique économique
Une dernière raison à l’importance de cette LFC, ajoute M. Ben Hammouda, est liée à la nécessité de donner une orientation stratégique à la politique économique du pays. « Les Lois de finances jusqu’à la veille de la révolution étaient basées sur les plans quinquennaux, qui donnaient une grande vision stratégique quant au devenir de notre pays. Or, depuis la révolution, les plans se sont arrêtés et les Lois de finances ont perdu leurs fondements stratégiques. Du coup, elles se sont limitées à leur portion congrue et sont devenues des équilibres financiers qui n’ont pas cette profondeur stratégique ». Pour les autorités actuelles, il était donc nécessaire de corriger cette orientation et de faire de la Loi de finances un véritable instrument qui inscrit l’intervention de l’Etat dans l’économie dans un cadre stratégique. Ainsi, « la correction des projections, la prise en compte des nouvelles contraintes, une plus grande prise en compte des préoccupations de larges franges de la population et l’inscription de l’action publique dans un cadre stratégique sont autant d’éléments qui militent en faveur de la définition d’une LFC », selon Hakim Ben Hammouda.