La société civile tunisienne utilise pleinement son droit d’expression et du débat citoyen, décrochés en 2011, pour construire la nouvelle Tunisie. Les meetings électoraux arrivent en seconde position des intérêts des jeunes et des acteurs civils tunisiens. Quelque soit le vainqueurs, c’est la promotion des droits que s’attèlent à assurer les acteurs sur le terrain.
La Tunisie « féministe », qui a voté en janvier dernier la première Constitution démocratique et égalitaire entre les hommes et les femmes dans le monde arabe, ne dispose pas encore des outils juridiques et institutionnels en mesure d’assurer la protection des droits des femmes. C’est le constat fait par des spécialistes et des militants associatifs lors d’une rencontre sur le parcours des luttes des femmes pour l’égalité et la dignité, pour célébrer la journée du 18 décembre, date de l’adoption de la convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (Convention CEDAW), non encore ratifiée par la Tunisie.
« Nous essayons de mobiliser la société civile et les acteurs étatiques pour pousser le prochain gouvernement à ratifier cette convention », nous informe Amna Aouadi, membre de la Dynamique Femme du Forum Sociale Mondiale, à l’origine de cette rencontre. « Cette convention composée de 30 articles n’a pas encore était ratifiée par le gouvernement tunisien, en raison de trois clauses qui continuent à faire débat », nous précise-elle.
La réforme judiciaire et les organes de contrôle
Au siège de l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT), sis place Mohamed Ali à Tunis, où se tenait cette rencontre, le président de l’Institut Arabe des Droits de l’Homme Abdelbasset Belahssen, estime que les réalisations gigantesques des droits des femmes en terme de législation, de militantisme citoyen, de syndicalisme féminin et de sensibilisation, doivent impérativement être suivies par l’intériorisation des concepts de respects de la dignité des femmes et de leurs droits chez les citoyens. « Légiférer est une chose, mais voir les nouveaux concepts adoptés par les particuliers en est une autre », souligne-t-il, en préconisant « l’établissement d’une nouvelle littérature sur les expériences d’émancipation réussies en Tunisie et ailleurs, pour répandre la culture des libertés ». Mais également « la formation de nouveaux leaders pour défendre les principes d’égalité et des droits des femmes. La réflexion sur une nouvelle pédagogie et de nouvelles stratégies pour étendre ses questions du ressort restreint des ONG, à la responsabilité de l’ensemble de la société ». Car pour M. Belahssen, les questions des droits de l’Homme et des femmes en particulier, constituent aujourd’hui une question « existentielle et historique, loin d’être uniquement un sujet des ONG ».
Amna Aouadi, l’une des organisatrices de cette rencontre, nous a expliqué que les acquis de la femme tunisienne continuent à être menacés, tant que la transition politique n’est pas achevée et tant que les institutions qui garantiraient les droits des femmes ne sont pas crées. Abondant dans ce sens, le président de l’Institut Arabe des Droits de l’Homme, appelle à la refonte du système juridique et des outils de législation, qui doivent, selon lui, être accompagnés par des organes de contrôle et de suivi. « La réforme juridique et les organes de contrôle et de suivi, sont le maillon faible de l’après révolution. Les gens abusent de leur liberté. Chacun fait ce qu’il veut et plus personne ne contrôle ce qui se passe. On frôle la débandade. On s’est occupé de tout pendant quatre ans, sauf de contrôler et suivre ce qui advient des décisions prises, des libertés utilisées, de l’applicabilité des lois adoptées », déplore-t-il.
L’activité citoyenne, l’acquis cultivé de la révolution
Si la Tunisie d’après la révolution peine à sortir de sa crise économique et sécuriser ses frontières, l’activité citoyenne, et surtout associative, semblent bien fleurir. Dans chaque coin de rue des artères de la capitale, des affiches et des banderoles nous convient à assister à des rencontres débats sur les thématiques de l’actualité, protection des droits de l’enfant, la réforme juridique, la bon gouvernance, ou encore le droit des réfugiés et de leur situation humanitaire dans les camps du sud tunisiens. « Ce n’est pas conjoncturel. Nous organisons régulièrement des débats depuis la révolution », nous informe Mehdia, une militante associative qui accrochait, entre deux giboulées, une banderole sur la réforme des instances juridiques. Dans cette Tunisie qui s’apprête à accueillir en 2015, le forum social mondial, les citoyens semblent plus se délecter de leurs participations aux débats citoyens que de s’intéresser aux questions électorales. Seuls quelques badauds s’arrêtent devant la tente de campagne du candidat Moncef Marzouki, dressée au milieu de l’Avenue Habib Bourguiba, sur fond de musique pop américaine. Les bureaux de campagne des deux candidats ouverts ça et là, ne drainent pas les foules non plus.