Une vague de racisme sans précédent déferle sur les médias en Algérie - Maghreb Emergent

Une vague de racisme sans précédent déferle sur les médias en Algérie

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Nigériens, maliens, Syriens, l’Algérie est envahie, ont encore titré certains journaux. Mais ceci n’est qu’une face visible d’un racisme latent, qui a brutalement explosé en Algérie.

 

C’est un racisme à fleur de peau qui a explosé cette semaine en Algérie. Le quotidien Echorouk a relancé la polémique en publiant, lundi, des propos sans équivoque, en « une », sur les fléaux et maladies que les ressortissants de pays subsahariens sont supposés transmettre en Algérie. Echorouk prend le relais d’un autre quotidien, Algérie News, qui s’en était pris aux ressortissants nigériens, accusés d’envahir l’Algérie, alors que la nomination de Mme Nadia Belghberit avait enflammé les réseaux sociaux, après des rumeurs selon lesquelles elle serait juive.

Le quotidien Echorouk, qui a déjà mené des croisades contre les chiites, les chrétiens, les athées, etc., faisant de ces campagnes un fonds de commerce juteux, a publié lundi en première page une photo de ressortissants africains avec un grand titre : « dix maladies dangereuses envahissent nos rues ». Deux sous-titres illustrent cette « une » supposée alarmante: « des africains transmettent aux Algériens des maladies dont les plus dangereuses sont le sida, la malaria et Ebola », et « 9.000 harraga (clandestins) traversent les frontières profitant du silence des autorités ».
Le journal adopte un ton alarmiste, en affirmant que « des caravanes de tribus maliennes et nigériennes ont envahi la plupart des wilayas d’Algérie. Elles ne se sont pas contentées de s’établir dans les wilayas du sud, mais elles ont afflué vers le nord, pour créer des phénomènes dangereux pour la société ». Le journal reprend les clichés traditionnels sur la mendicité et le manque de sécurité qui accompagnent les écrits sur les étrangers, clandestins de surcroit, affirmant que « 90% d’entre eux sont de nationalité africaine » !
Racisme au quotidien
Le quotidien Jazaïr News avait sonné la première salve, en affirmant lui aussi que des ressortissants nigériens « envahissent l’Algérie ». « Après les maliens et les Syriens, les nigériens envahissent l’Algérie », avait écrit le journal, soulevant une vague de réprobation. « Les Algérois assistent impuissants à l’arrivée de flots de parias venus aussi bien d’Afrique subsaharienne que de Syrie », selon le journal. Le rédacteur en chef du journal avait présenté ses excuses, mais ses propos ne corrigent pas une réalité de la société algérienne : les articles écrits par les correspondants de presse locaux dénotent pour la plupart une perception raciste de l’arrivée de ressortissants de pays subsahariens en Algérie.
Au Maroc également, autre pays de transit, les ressortissants de pays subsahariens subissent le même racisme. Un scandale avait même éclaté lorsque les autorités des deux pays, Algérie et Maroc, s’étaient mutuellement accusées de rejeter vers la frontière du voisin, des immigrés illégaux, qui cherchaient pourtant à gagner l’Europe, et non à s’établir en Algérie ou au Maroc.
En Algérie, ceux-ci s’établissent dans certaines villes, le plus souvent à la périphérie, où leur présence est difficilement tolérée par les habitants. vivant de manière précaire, ils se plaignent rarement, subissant les quolibets et les humiliations au quotidien.
Drames
Ces nouveaux écrits à la tonalité raciste apparaissent d’autant plus choquants qu’ils sont publiés au lendemain d’un nouveau drame survenu dans le désert. 46 ressortissants nigériens, qui tentaient de remonter vers le nord, en direction de l’Algérie, sont morts de soif et d’épuisement cette semaine. Les corps de treize d’entre eux ont été retrouvés, alors que les recherches se poursuivent pour tenter de retrouver les traces des 33 autres, considérés comme morts.
La révélation du drame, qui a fait la « une » des journaux, n’a pas empêché un déferlement de propos ouvertement racistes sur les réseaux sociaux. « Si refuser les réfugiés des quatre coins de la terre, c’est du racisme, alors je suis raciste », écrit un internaute, ajoutant que « les deux articles n’ont pas tout à fait tort ». Un autre affirme que les ressortissants africains « viennent foutre le b… chez nous au nom de la liberté et des droits humains, pour repartir ensuite, en nous laissant la charge de rétablir l’ordre de leur désordre prémédité. Qui peut accepter une situation pareille ? »
Déchaînement contre une ministre algérienne

Toujours sur les réseaux sociaux, des propos racistes visant les juifs avaient explosé la semaine dernière après la nomination de la nouvelle ministre de l’Education, Nouria Benghabrit Remaoun, qu’une rumeur a présentée comme une personne d’origine juive. Directrice d’un centre de recherches en sciences sociales à Oran, celle-ci, née à Oujda, au Maroc, a provoqué un déchainement de propos d’autant plus violents que personne ne semblait en mesure d’apporter des précisions sur son parcours, alors qu’elle était appelée à diriger un secteur particulièrement sensible, celui de l’éducation. Présentée tantôt comme une juive marocaine, tantôt comme la descendante d’un ancien dignitaire du Maroc, Mme Benghabrit a focalisé pendant plusieurs jours les critiques, jusqu’à ce que la rumeur meure aussi mystérieusement qu’elle était apparue.
Fait nouveau toutefois, ces propos racistes, aussi bien dans la presse que sur les réseaux sociaux, ont soulevé une vague de protestation dans des milieux très variés, qui se sont indignés de l’attitude de certains journaux.

 

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