La commune frontalière avec le Mali, Tinzaouatine, à environ 550 km au sud-ouest de la wilaya de Tamanrasset, a fait l’objet de la répression d’une manifestation des habitants de la ville, qui sont sortis pour revendiquer l’accès à l’eau potable, rapportent plusieurs spécialistes des questions du sud et de la sécurité, ainsi que des blogueurs de la région, ce lundi 15 juin 2020.
Selon le contenu des vidéos, des listes de revendications et des slogans scandés par les habitants de la région, l’une des causes principales du mouvement de protestation est l’absence d’accès à l’eau potable. Sur une vidéo, des représentants de la commune de Timiaouine avaient ouvertement interpellé le président de la République, afin de trouver une solution pour ces citoyens algériens, demeurant sans source d’eau.
Selon plusieurs témoignages, l’encerclement de la région par une barrière en fil barbelé, qui a isolé les habitations de « l’oued », principale source d’eau, a poussé les protestataires à sortir manifester dans la rue.
Cet encerclement et plusieurs autres mesures qui ne facilitent pas la vie à la population sur place, font partie de la politique sécuritaire exercée dans cette région frontalière sensible, expliquent des spécialistes des questions sécuritaires. « Les mesures sécuritaires entrent dans le cadre de la protection des frontières, des biens et populations de la menace terroriste venant du Sahel, mais les élus des wilayas frontalières réclament un travail de sécurisation des frontières en harmonie et en concordance avec les attentes des populations algériennes qui vivent aux frontières » a écrit le journaliste spécialiste des questions sécuritaires, Akram Kharief.
Interrogé par Maghreb Emergent, le spécialiste a expliqué qu’on « pose des digues, des murs de sables et des barbelés pour éviter l’infiltration de groupes terroristes et les éviter d’évetuels attentats kamikazes qui pourraient se produire ». « Dans le cas de Tinzaouatine les barbelés ont isolé les populations de l’oued selon les témoignage » a-t-il ajouté. Selon lui, ces mesures sont dures mais nécessaires. Elles devraient prendre en considération l’avis des populations locales sur les déplacements, l’eau et l’élevage » note Akram Kharief.
En outre le bureau régional du parti Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) à Tamanrasset, a dénoncé la répression qu’a connu Tinzaouatine aujourd’hui et appelle les responsables à prendre en considération les solutions issues des habitants de la région.
En revanche le Ministère de la défense nationale (MDN), vient de rendre public un démenti concernant « sa supposée implication dans un événement ayant conduit à un échange de coups de feu». Le MDN confirme le décès d’une personne par balle dans la région mais dément l’implication des forces de sécurité algériennes dans l’incident. Il donne une autre version des faits. « Suite aux informations incitatives colportées via les réseaux sociaux, le 15 juin 2020, accusant des éléments de l’Armée Nationale Populaire d’avoir ouvert le feu sur des individus dans la localité frontalière malienne d’Ikhraben, limitrophe de la Commune de Tinzaouatine en 6ème Région Militaire, le Ministère de la Défense Nationale dément formellement ces allégations infondées, et affirme que ces événements se rapportent à une tentative, menée par des personnes connues par leurs activités suspectes dans la contrebande et le crime organisé, visant à détériorer le mur de sécurisation, en appelant les habitants à la violence et à la manifestation, dans une manœuvre visant à libérer l’étreinte sur leurs intérêts dans la région » a souligné le MDN dans son communiqué.
D’après le ministère, au moment où les éléments des Garde-frontières ont intervenu pour apaiser la situation, des coups de feu inconnus ont été ouverts depuis Ikhraben en direction des positions des Garde-frontières algériennes, ayant touché un individu parmi la foule, « qui a été immédiatement évacué par les Garde-frontières pour être pris en charge par les services de santé, mais qui a succombé malheureusement à ses blessures ». à cet effet, le Haut Commandement de l’Armée Nationale Populaire « a ordonné l’ouverture d’une enquête pour élucider les circonstances de cet incident », et appelle « à la vigilance quant à ce genre de rumeurs et de désinformations, usées par des parties hostiles, visant à perturber la situation dans cette région ».
Pour rappel, au mois mars dernier, et à la triste occasion de la mort d’un jeune tué par les forces de l’ordre, alors qu’il était à bord de son véhicule, sept députés des wilayas de Tamanrasset, Illizi et Adrar avaient envoyé un courrier de protestation au Premier Ministre. Ils avaient réclamé, une meilleure régulation des zones fermées par barbelés, un passage pour les agriculteurs et les éleveurs, de l’eau, une meilleure façon de faire de la part des autorités sécuritaires et enfin du développement local.