27 eme marche à Alger : le message du Hirak (Reportage) - Maghreb Emergent

27 eme marche à Alger : le message du Hirak (Reportage)

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Au 27eme vendredi du Hirak, en plus des slogans mordants et des chants imagés, les manifestants avaient un message particulier à transmettre. « Le mouvement ne va pas s’essouffler», ont-ils tenu à signaler. Ils l’ont dit verbalement et l’ont démontré sur le terrain.

A Alger, les manifestants étaient plus nombreux, plus bruyants et plus visibles que jamais. Il fallait montrer que la volonté du mouvement était intacte et que le temps, comme le pouvoir,  n’avait plus de prise sur les révoltés.

Aux alentours de 11H30, ils étaient déjà des centaines à la rue Didouche Mourad. La première manifestation de la journée est vite organisée. Les participants font l’aller et retour le long de la rue exprimant leur colère contre le pouvoir, critiquant Ahmed Gaïd Salah, le chef de l’Etat-major de l’armée et désavouant Karim Younes, l’homme du panel du dialogue national. 

Comme d’habitude, les policiers et leurs fourgons étaient fortement présents à la rue Didouche Mourad. Du côté de la faculté centrale, les véhicules de police étaient stationnés des deux côtés de la chaussée. A la rue Abdelkrim Khettabi, les policiers à pied ont été déployés en grand nombre. De nombreux autres fourgons et agents de police s’étaient alignés au pied de la Grande poste. Un lieu hautement symbolique qui a échappé au contrôle du Hirak depuis des semaines, déjà.

Vers 12H00, en bas de la rue Didouche, une agitation inhabituelle gagne la foule. Quelque chose venait de se produire au moment où les manifestants allaient remonter la rue. Des automobilistes avaient été autorisés à parcourir la rue alors que la manifestation avait lieu. Les marcheurs n’ont pas mâché leurs mots devant les conducteurs. « Vous roulez dans cette rue alors que vous savez que c’est la journée des manifestations !», crie un homme à la face d’un automobiliste. Celui-ci  a préféré ne pas répondre et passer son chemin.  « Vous êtes des traîtres », hurle une femme. Elle n’hésite pas à cracher au visage d’un conducteur. « Je bosse, moi », réplique un homme à bord d’un camion-frigo. De leur côté, les policiers tentent de convaincre les marcheurs de s’écarter, ce qui ne manque pas de les énerver.

« Ils nous prennent pour des imbéciles, ces flics. Ils ont autorisé le passage des voitures pour nous mettre la pression », grogne un jeune qui venait de se mettre à l’écart.

La première manifestation de la journée venait de toucher à sa fin. Mais ce n’était, en fait, qu’un tour de chauffe, comme chaque semaine, en attendant le début officiel de la marche hebdomadaire après la prière du vendredi.  En attendant, des groupes se forment sur les trottoirs. Les débats y sont passionnés. On y parle du combat mené depuis six mois déjà pour déloger le pouvoir. On y parle aussi de la nécessité de maintenir le cap, de ne pas abandonner et de montrer que les animateurs du Hirak ne vont pas se lasser. « Ceux qui ont pillé le pays ne se sont jamais lassés et vous voulez qu’on abandonne », lâche une femme.

Non loin du tunnel des facultés, un jeune, haut-parleur à la main, rappelle aux manifestants les priorités du mouvement. Et lorsqu’il parle de la nécessité de mettre en place un Etat mené par des civiles, la foule se déchaîne. « Dawla Mania », hurle à plusieurs reprises les présents, obligeant l’orateur à garder le silence pendant quelques instants, en souriant.

Une demi-heure plus tard, les policiers anti-émeute prennent position à la place Audin, attendant le début de la grande manifestation du jour. Haut dans le ciel, un hélicoptère de la police vole en cercle au-dessus du centre-ville.

A 13H50, l’avant-garde des manifestants arrive. Drapeaux en main, pancartes brandies et, pour certains, tapis de prière sur l’épaule, les marcheurs semblent plus nombreux que la semaine dernière. L’incertitude ne dure pas longtemps. L’on s’aperçoit, au bout de quelques instants, que la rue Didouche Mourad est noire de monde, presque aucun vide au milieu du flot des manifestants.

Les slogans répétés sont nombreux. Beaucoup sont connus mais quelques-uns sont récents. Des slogans hostiles à Ali Benflis, ancien chef du gouvernement et anciens rival de Bouteflika aux présidentielles de 2004 et de 2014, mais aussi à Abdelmadjid Tebboune, ancien ministre et, très brièvement, Premier ministre.  Deux personnalités suggérées par certains comme potentiels présidents de la République. Mais visiblement, aucun de ceux qui ont gravité autour du système n’est toléré.

Comme chaque semaine, le gros des slogans était adressé au chef de l’Etat-major de l’armée et au coordinateur du panel du dialogue national. Les manifestants ont aussi copieusement insulté les chaînes de télévision Echourouk et Ennahar pour avoir boycotté les manifestations. Ils ont toutefois encensé la chaîne El Magharibya, visiblement seule chaîne de télévision à couvrir encore le Hirak.

La foule, très dense, occupe rapidement la rue Abdelkrim el Khattabi et ses alentours. Le nombre de marcheurs est impressionnant. Malgré tout, tout le monde n’est pas encore arrivé. Peu avant 15H00, des milliers de manifestants affluent de la place du Premier mai. Ils parcourent la rue Hassiba Benbouali où la police a bloqué la trémie menant vers la rue Amirouche, et se dirigent vers la Grande poste. Ils rejoignent les manifestants déjà regroupés à la rue El Khettabi. La foule, à présent bien plus nombreuse, fait vibrer les murs des immeubles alentour avec ses slogans, ses chants et ses instruments à percussion.

La 27eme manifestation a été une démonstration de force et ceux qui y ont participé se sont promis de venir encore plus nombreux les prochains vendredis.

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