Le jeudi 12 octobre 2023 a été un coup dur pour nous, épouse et enfants d’Ihsane El Kadi, journaliste emprisonné pour ses opinions depuis dix mois ; ses amis, ses collègues et tous ceux qui se soucient de l’avènement d’un État de droit en Algérie ne sont pas moins que nous sous le choc. Ce jour-là, la Cour suprême a rejeté deux pourvois en cassation introduits par ses avocats : le premier contre sa condamnation à sept ans d’emprisonnement, dont cinq ans ferme, pour réception de fonds visant à porter « atteinte à la sécurité de l’État », et le second contre sa condamnation, à la suite d’une plainte de l’ancien ministre de la Communication, à six mois d’emprisonnement pour un article d’opinion publiée en mars 2021, jugé par les autorités comme pouvant porter « atteinte à l’unité nationale ».
Malgré les multiples violations de la procédure pénale depuis l’arrestation d’Ihsane en décembre 2022 jusqu’à son jugement en appel, il n’aura pas le droit à un troisième procès dans l’affaire où il est accusé d’avoir reçu des fonds de l’étranger. De même, en violation de l’article 54 de la Constitution algérienne, qui stipule que « le délit de presse ne peut faire l’objet d’une peine privative de liberté », il ne sera pas rejugé dans l’affaire de l’article d’opinion. Tout comme la transgression de la procédure pénale depuis l’arrestation d’Ihsane et sa condamnation dans ces deux affaires, la décision de la Cour suprême illustre l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire pour faire taire les voix dissonantes.
A travers ce communiqué, nous réitérons notre soutien inconditionnel à Ihsane. Nous lui réaffirmons notre appui pour son noble, juste et incessant combat pour une presse algérienne professionnelle et indépendante et une Algérie libre et démocratique. Nous sommes chaque jour davantage admiratifs de son courage, de son abnégation et de sa détermination à effectuer son travail de journaliste en dépit des intimidations auxquelles il fait face. Si nous ne sommes pas abattus aujourd’hui, c’est grâce à son incroyable force et sérénité. Il reste une inspiration quotidienne pour nous comme pour beaucoup d’Algériennes et d’Algériens.
Ihsane, de sa cellule à la prison d’El Harrach, et nous, membres de sa famille, tenons à remercier les dizaines de milliers de personnes qui lui ont exprimé leur soutien en Algérie et à travers le monde. Nous remercions encore une fois les avocats qui se sont constitués pour le défendre et n’ont économisé aucun effort pour que justice lui soit rendue, en dépit d’un contexte répressif. Nous saluons également les organisations de défense des droits de l’Homme, ainsi que d’innombrables journalistes, artistes, militants pour la démocratie et autres citoyens, au pays et à l’étranger, qui se sont mobilisés pour sa libération et la libération des centaines de détenus d’opinion en Algérie. Nous n’oublions pas non plus de remercier Noam Chomsky, Leila Shahid, Annie Ernaux, Ken Loach, Etienne Balibar, Joyce Blau, Elias Khoury, Abdelatif Laabi, Achille Mbembe, Arundhati Roy, Youssef Seddik pour leurs inestimable soutien. Tous et toutes contribuent, par leur talent, leur génie et leur engagement à soutenir les opprimés où qu’ils soient.
Enfin, nous nous joignons à Ihsane pour exprimer toute notre solidarité avec le peuple palestinien, qui subit un massacre sans nom commis par l’occupation israélienne. Face à cette tragédie qui se produit sous nos yeux impuissants, nous appelons les dirigeants de notre pays à faire preuve de sagesse afin de permettre à tous les Algériens de former un front uni devant les défis internes et externes auxquels fait face l’Algérie.
La famille du journaliste et prisonnier d’opinion Ihsane El Kadi