[Contribution] les défis du président Tebboune face à une situation économique préoccupante (Pr Mebtoul) - Maghreb Emergent

[Contribution] les défis du président Tebboune face à une situation économique préoccupante (Pr Mebtoul)

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Le président de la république est de retour et d’importants dossiers brulants tant politiques qu’économiques préoccupantes l’attendent.

L’épidémie du coronavirus et la chute du cours des hydrocarbures a mis en évidence la vulnérabilité de l’économie algérienne assise essentiellement sur la rente des hydrocarbures qui irrigue toute la société, 98% des recettes en devises avec les dérivées dont plus de 33% proviennent du gaz naturel dont le cours a chuté en 8 ans de plus de 70%. Aussi, s’impose une nouvelle politique et la moralisation de la société du fait que la bureaucratie et la corruption accentuent le divorce Etat-citoyens et constituent un frein à l’investissement national ou international créateur de valeur ajoutée.

Quelle est la situation économique actuelle ?

Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) à prix courants, a été en 2015, de 3,7%- 2018, 1,4 %- 2019, 0,8%, en 2020 moins 6,5%, donc une croissance inférieure à la pression démographique et selon la banque mondiale dans son rapport du 21 janvier, pour 2021, +3,8% et 2,1% en 2022. Il s’ensuit face à cette décroissance le taux de chômage tend à augmenter, étant de plus de 15% de la populations active en 2020, incluant les emplois temporaires, certains travaux improductifs faire et refaire les trottoirs et la sphère informelle qui représente plus de 50% du total hors hydrocarbures. Ce constat renvoie au couple taux de croissance faible et pression démographique galopante, la population totale ayant a évoluée en 2000 de 30,87 millions d’habitants, à 44,7 millions d’habitants en 2020 avec une projection de 51,309 millions en 2030 , nécessitant de créer plus de 350.000 emplois par an qui s’ajoute au taux de chômage actuel. Le travail au noir (sphère informelle) de certaines catégories de la sphère réelle après les heures de travail, parfois la petite corruption de ceux qui détiennent certains segment sud pouvoir économique au niveau local, la cellule familiale, paradoxalement, la crise du logement (même marmite, même charges) et les subventions et transferts sociaux mal ciblées et mal gérés jouent temporairement et imparfaitement comme tampon social.
Nous sommes dans un cercle vicieux : l’inflation accélère les revendications sociales pour une augmentation des salaires qui à leur tour en cas de non productivité accélère l’inflation. L’on devra éviter faire un bilan sans passion de tous les organismes chargés de l’emploi avec tous avantages accordés, ayant assisté à du saupoudrage social, le bilan étant mitigé.
L’annonce du directeur général de l’Agence nationale d’appui et de développement de l’entrepreneuriat en janvier 2021, qu’environ 220. 000 micro-entreprises en difficultés financières recensées et l’adoption de nouvelles procédures visant à échelonner les dettes de ces entreprises et à effacer les pénalités de retard est –elle une solution pérenne comme l’assainissement des grandes entreprises publiques, qui selon le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Prospective le 03 janvier 2021, l’équivalant de près de 250 milliards de dollars ayant été alloué par l’Etat au secteur public marchand sur les 25 dernières années.
Par ailleurs, comme plus de 85% des entrants des entreprises privées et publiques proviennent de l’extérieur ainsi qu’’une grande partie de la consommation des ménages, la dévaluation du dinar induit un processus inflationniste qui se répercute également sur le pouvoir d’achat. Ainsi, la cotation du dinar est passée en 1970, à 4,94 dinars un dollar 2010, 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro : -2015, 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro ; 12 février 2021 à 133,8324 dinars et 160,9929 dinars un euro et pour le PLF2021 : 142 dinars pour un dollar en 2021, 149,71 dinars en 2022 et 156 dinars en 2023.
La banque d’Algérie procède au dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro ce qui permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés, montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité. Ainsi, malgré les subventions de certains produits, la majorité des produits connaissent une hausse vertigineuse ayant un impact sur le pouvoir d’achat des Algériens.
Le FMI estime que l’inflation est de 3,5% en 2020, mais devant relativiser ce chiffre qui contient des produits entrant dans le panier-type de consommation des ménages servant à calculer l’évolution de l’indice dont la composition du panier n’a pas été actualisé depuis 2011, donc sous estimant le taux d’inflation. Or, le besoin est historiquement daté, évoluant avec le nouveau comportement de consommation des ménages, devant l’éclater par produits selon le modèle de consommation par couches sociales, fonction de la stratification du revenu national. La perception de l’inflation est différente d’une personne qui perçoit 200 euros par mois de celle qui perçoit 5.000 euros ou plus n’ayant pas le même modèle de consommation. Dans le cadre de la cohésion sociale et face à la détérioration sociale amplifiée par l’épidémie du coronavirus, il est prévu que le maintien des transferts sociaux budgétisés inchangés par rapport à 2019, s’établissant à 14,04 milliards de dollars au cours de 128 dinars un dollar au moment de l’établissement de la loi de finances, soit 8,4% du PIB.
L’Algérie possède encore quelques marges de manouvres du fait que la dette publique totale globale (intérieure et extérieure) est relativement faible, étant 10,5% du PIB en 2015, 22,9% en 2016, 37% en 2018 et 48,6% en 2019, le stock de la dette extérieure de 21,1 milliards de dollars (33,1% du PIB) en 1986 à 29,5 milliards de dollars (70% du PIB) en 1994 et 17,9 milliards (17,4% du PIB) en 2005 et à 5,7 milliards (2,3% du PIB) en 2019. Quant au service de la dette, il était de 9 milliards de dollars (82% du PIB) en 1994 à 5,5 milliards (16,7% du PIB) en 2005 et 0,2 milliards (2,1% du PIB) en 2019. Quant à l’évolution des réserves de change elles ont évolué de- 2013 : 194,0 milliards de dollars, – 2018 : 79,88 milliards de dollars, fin 2019 : 62 milliards de dollars, – fin 2020, avant l’épidémie du coronavirus, les prévisions de la loi de finances complémentaire sont de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale Cependant, l’Algérie, selon le FMI, le prix d’équilibre était estimé de 104,6 dollars en 2019 et à plus de 110 dollars pour les lois de finances 2020/2021

De profondes réformes doivent-être menées pour relancer l’économie

L’Algérie ne peut revenir à elle- même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétences, de loyauté et d’innovation sont réinstaurés comme passerelles de la réussite et de la promotion sociale. Les réformes à venir doivent tenir devra tenir compte d’une révision de l’actuelle politique socio-économique, au niveau international notamment de la demande de révision par l’Algérie de certaines clauses de l’Accord d’Association avec l’Europe, non pas de l’Accord cadre, notre principal partenaire, dans le cadre d’un partenariat gagnant–gagnant , d‘autres zones de libre échange, notamment avec l’Afrique dont les échanges sont dérisoires moins de 2 milliards de dollars, ne devant pas vendre des utopies, supposant des entreprises compétitives ( cout/qualité). Tout projet de société étant porté forcément par des forces politiques, sociales et économiques, les réformes étant fonction des rapports de force au niveau de la société et non au sein de laboratoires de bureaucrates déconnectés de la société. C’est pourquoi, il faut insister sur l’effort d’une information de vérité, accessible à toute la population, pour montrer l’opérationnalité de l’action gouvernementale au profit des générations présentes et futures. Le défi 2021/2030 pour l’Algérie est la refondation de l’Etat passant renvoyant à un nouveau mode de gouvernance dont le fondement est la liberté au sens large pour une société participative et citoyenne, impliquant une réelle décentralisation autour de grands pôles régionaux. Les responsables algériens s’adapteront –ils à ce nouveau monde dynamique en perpétuel mouvement, n’existant pas de modèle statique, ou vivront t-ils toujours sur des schémas dépassés des années 1970 /2000 conduisant le pays à l’impasse comme ce responsable de l’industrie le 31/01/2021, traduisant une méconnaissance des nouvelles réalités des filières industrielles mondiales, qui récemment parle encore « d’industries industrialisantes » des années 1970, une utopie. L’action gouvernementale doit définir clairement les objectifs stratégiques: comment se pose le problème ; -quelles sont les contraintes externes (engagements internationaux de l’Algérie); quels sont les contraintes socio-économiques, financières et techniques internes; quels sont les choix techniquement possibles et les ensembles de choix cohérents et quelles sont les conséquences probables de ces choix, quelles méthodes de travail choisir qui permettent de déterminer les paramètres (moyen et long terme) et les variables (court terme) dont dépend un système complexe. Après avoir décomposé la difficulté en éléments simples, il convient de se poser des questions et apporter des réponses opérationnelles, loin des théories abstraites, réalisations physiques et plan de financement sur chacun des éléments : Quoi ? Qui ? Où? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ? Comment faire ? L’on devra distinguer dans la hiérarchisation les projets capitalistiques dont le seuil de rentabilité, si le projet est lancé en 2021, ne sera réalisable horizon 2028/2030, des projets moyennement capitalistiques, avec un seuil de rentabilité au bout de cinq années et des projets faiblement capitalistiques (PMI/PME) au bout de 2/3 années, mais devant tenir compte des nouvelles mutations mondiales. C’est dans ce cadre qu’est intéressante les propositions de Jacques Attali sur les industries d’avenir qu’il nomme les industries de la vie: la santé, l’alimentation, l’écologie, l’hygiène, l’éducation, la recherche, l’innovation, la sécurité, le commerce, l’information, la culture; et bien d’autres, ces segments étant capables d’augmenter leur productivité, et donc d’améliorer sans cesse leur capacité de satisfaire la demande sociale nouvelle, fonction de nouveaux comportements. Pour cet auteur, c’est donc en mettant tous les efforts sur les travailleurs et les industries de la vie qu’on sauvera les nations, les civilisations, et l’économie. Dans le cadre, la structure de l’action en faveur des réformes est globalement formée de cinq segments qui fondent le processus opérationnel de mise en œuvre: l’administration qui constitue la cheville ouvrière par son importance stratégique,-la société civile/syndicats, les citoyens dans leur diversité, les partis politiques et les opérateurs publics et privés. C’est une entreprise d’envergure consistant principalement à réorganiser: premièrement, le champ des partis politiques qui ont de moins en moins d’audience auprès de la société ainsi que la réforme des institutions centrales et locales impliquant la débureaucratisation, la numérisation étant un des solutions, et une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux; deuxièmement, le système information avec la numérisation qui en ce XXIème siècle n’est plus le quatrième pouvoir mais le cœur du pouvoir même; troisièmement, réorganiser le mouvement syndical et associatif dont la promotion de la femme signe de la vitalité de toute société; quatrièmement, la réforme de la justice par l’application et l’adaptation du Droit tant par rapport aux mutations internes que du droit international; cinquièmement, adapter le système éducatif, centre d’élaboration et de diffusion de la culture et de l’idéologie de la résistance au changement et à la modernisation du pays où la déperdition du primaire au secondaire et la baisse du niveau devient alarmant; sixièmement la réforme du foncier agricole et industriel, du secteur de l’énergie avec le primat à l’efficacité énergétique et un nouveau modèle de consommation,, dont un nouveau management stratégique de Sonatrach, lieu de production de la rente pour plus transparence dans sa gestion; septièmement, la réforme du système financier qui est un préalable essentiel à la relance de l’investissement public, privé national et étranger, les banques publiques et privées étant au cœur d’importants enjeux de pouvoir entre les partisans de l’ouverture et ceux de préservation des intérêts de la rente.

En conclusion, pour réussir les réformes, l’Algérie a besoin de nouvelles intermédiations politiques, sociales, culturelles et économiques, loin des aléas de la rente, afin d ‘éviter un affrontement direct forces de sécurité citoyens en cas de malaise social, un regard critique et juste soit posé sur sa situation, sur ce qui a déjà été accompli de 1963 à 2020, et de ce qu’il s’agit d’accomplir entre 2021/2030 au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’une même ambition et d’une même espérance, la sécurité nationale et le développement économique et social du pays.

Dr Abderrahmane MEBTOUL Professeur des Universités –expert international
ademmebtoul@gmail.com

Références-

Sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul : bilan du processus d’industrialisation 1965/1978 Ministère Industrie- Energie assisté de 15 experts –Alger – 6 volumes – audit sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul « réformes et place du secteur privé au sein de l’économie nationale 1979 ,8 vol MEM Alger – Ouvrage collectif sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul « Les enjeux de l’Algérie : réformes et démocratie » 2 volumes Casbah Edition Alger- 2005 (520 pages) -Interview du Pr Abderrahmane Mebtoul- à Afrik Economie Paris décembre 2018 « réformes en Algérie, pour un large front social anti -crise » American Hetrald Tribune-USA-

« Prof. Abderrahmane Mebtoul: Any Destabilization of Algeria would have Geo-strategic Repercussions on all the Mediterranean and African Space 28 décembre 2016 » – Dr. Abderrahmane Mebtoul: « Algeria Still Faces Significant Challenges 11 aout 2016 » – « Prof. Abderrahmane Mebtoul: “The Widespread Financial Scandals Affecting most Sectors of National Activity Threaten the Foundations of the Algerian Stat »-19 octobre 2019 et AfricaPress Paris Professeur Abderrahmane MEBTOUL : Pourquoi l’Algérie risque la faillite d’ici 2022… et comment la conjurer » 23 juillet 2019- interviews –« Impact de la crise politique sur l’économie » entre 04 et 21 novembre 2019- Télévision France24 Paris- TV Beur-FM Paris – Radio France Internationale- RFI – Paris – Radio Algérie internationale , Radio algérienne chaine 3, – r A. Mebtoul -Le poids de la sphère informelle produit de la bureaucratie et les enjeux géostratégiques Institut Français des Relations Internationales IFRI décembre 2013 réactualisé dans la revue stratégie IMDEP Ministère de la défense nationale octobre 2019

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