L’Algérie-OMC : quel impact sur le commerce extérieur des produits agricoles ? (contribution) - Maghreb Emergent

L’Algérie-OMC : quel impact sur le commerce extérieur des produits agricoles ? (contribution)

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La question agricole a été entamée la première fois dans les négociations relatives à l’Accord Général sur les Tarifs et le Commerce (GATT), durant le cycle de l’Uruguay,  avant qu’il ne se transforme en organisation mondiale du commerce (OMC)  durant l’année 1995.

Apres des années de négociations très serrées, les parties contractantes sont arrivées à un accord qui régit les échanges commerciaux internationaux des produits agricoles. En adhérant à l’OMC, Les pays seront obligés d’abandonner une partie de leur liberté  dans la gestion de leurs  politiques agricoles et d’entreprendre également des reformes profondes dans le secteur.

Pour comprendre les enjeux d’une telle décision, nous allons essayer d’analyser, en toute simplicité et en toute clarté,  les effets probables de l’adhésion de l’Algérie à l’OMC sur la production et les échanges internationaux de nos produits agricoles, de telle façon à permettre à une personne ‘’ lambda ‘’  de comprendre les enjeux de cette adhésion et cela suppose l’éloignement des analyses économiques et commerciales très complexes dédiées aux seuls spécialistes du secteur.

L’accord de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur l’agriculture prévoit des mesures concernant le soutien interne, l’accès au marché et la subvention à l’exportation, Ces mesures consacrent la libéralisation des échanges  des produits agricoles

Le volet soutien interne prévoit  que toutes les mesures de soutien qui ont un effet de distorsion  sur les échanges et sur la production des produits agricoles seront réduites. Cette obligation ne s’applique pas aux mesures liées à la détention de stock pour la sécurité alimentaire, l’aide alimentaire interne et l’aide à l’ajustement des structures

En ce qui concerne l’accès au marché, l’accord sur l’agriculture prévoit la reconversion de toutes les barrières non tarifaires (quota, restriction volontaires aux exportations, prix minimum à l’entrée,..) en droits de douane et leur consolidation, ces droits devront être réduits, dans le temps, à des taux  différents pour les pays développés et ceux en voie de développement.

Concernant les subventions aux exportations, elles devront être réduites en valeur et  en volume par rapport au niveau de la période de référence, à des taux différents pour les pays développés et les pays sous-développés. Cette mesure demeure le volet le plus contraignant pour les pays développés qui aident leurs exportations et en particulier pour l’Union européenne.

L’accord relatif aux mesures sanitaires et phytosanitaires  concerne l’interdiction de l’utilisation de ces dernières comme barrières non tarifaires à l’importation, son application vise essentiellement à s’assurer que ces dernières ne seront établies que dans le but de protéger effectivement la santé des personnes et des animaux et la préservation des végétaux. Elles ne peuvent en aucun cas être utilisées pour la protection commerciale.

Dans l’état actuel des choses, notre agriculture peut-elle tirer profit de l’adhésion à l’OMC ?

En adhérent à l’OMC nous seront dans l’obligation de libérer, progressivement, les échanges internationaux de nos produits agricoles, nous seront obligés d’ouvrir nos frontières ‘’ commerciales’’  sans appliquer aucune mesure protectionniste pouvant entraver le libre échange.

En réduisant progressivement le soutien interne à l’agriculture, cela peut induire une diminution de l’incitation à produire. En outre, l’agriculteur produira plus cher donc vendra plus cher. D’autre part, notre pays peut être également, à long terme, sensible à l’application de cette mesure par nos partenaires ou plus précisément nos fournisseurs en produits alimentaires, une réduction de la production peut également être envisagée dans ces pays, ce qui va engendrer une baisse de l’offre qui se répercute directement sur les prix, étant donné que la balance commerciale des produits agricoles de l’Algérie enregistre un déficit très prononcé. Il en résulte une grande sensibilité aux modifications des prix, de l’offre et de la demande des produits alimentaires sur le marché international.

Ce sont des répercussions possibles mais qui ne peuvent se produire aussitôt après l’adhésion à l’OMC, mais il est dans notre intérêt d’énumérer toutes les retombées possibles sur notre économie en général et sur l’agriculture en particulier.

Les mesures concernant l’accès au marché profitent clairement aux pays exportateurs de produits agricoles.

Ces mesures leur confèrent plus de chance de conquérir plus de marchés à l’extérieur, les pays importateurs de ces produits se trouvent confrontés à une concurrence féroce sur leur propre marché et leur production risque de périr sur les étals ! Nos produits sont-ils compétitifs ? Peuvent ils ‘’tenir’’ sans qu’ils soient protégés ?

Imaginons un peu si on importait un produit agricole de l’étranger avec un taux réduit de droits de douane. Son prix de vente avoisinera sinon sera moins cher que le produit local ! Avec notre préférence aux ‘’produits d’outre-mer ‘’ la balance se penchera certainement vers les produits étrangers, quel sort réserve-t-on à nos produits locaux ? cependant dans le cas ou notre agriculture prospère, et offre des produits de qualité et exportables et que le processus d’exportation connaîtra l’essor espéré, cette mesure offre plus de possibilité à nos produits de pénétrer des marchés extérieurs

La nouvelle forme concernant la réduction des subventions à l’exportation représente une étape importante vers la libéralisation systématique des échanges des produits agricoles et offre de meilleures conditions de concurrence et de débouchés commerciaux. Les marchés mondiaux des produits alimentaires, depuis longtemps très déstabilisés par les pratiques de subvention de certains gros producteurs, s’ouvrent davantage pour les pays en développement exportateurs de produits alimentaires, mais dans l’état actuel des choses cette mesure ne peut être profitable pour notre pays, le processus de l’exportation des produits hors hydrocarbures et notamment les produits agricoles, n’est pas encore enclenché, un manque flagrant en produits exportables, en organismes de certification, en logistique, toutes les mesures incitatives et d’accompagnement décrétées pour booster les exportations hors hydrocarbures n’ont apporté aucun remède, comment  peut on alors promouvoir nos produits a l’export en réduisant graduellement les subventions et minimiser les mesures déjà entreprises ?

La fragilité du secteur agricole et notre dépendance presque quasi-totale aux importations de produits alimentaires stratégiques, laissent penser que ‘l’adhésion immédiate de l’Algérie à l’OMC  ne peut avoir, au moins à court  et moyen terme, que des répercussions négatives sur le secteur agricole et sur nos échanges extérieurs de produits agricoles. La mise à niveau de nos exploitations agricoles est plus que nécessaire, produire en quantité suffisante et en qualité irréprochable, développer l’industrie de transformation, avoir une base logistique solide pour l’exportation, tels sont les mesures sine qua non qui peuvent nous protéger de la libéralisation totale des échanges commerciaux internationaux, cheval de bataille de l’organisation mondiale du commerce, notre pays a raté une vraie occasion de développer son agriculture durant les deux décennies écoulées, l’argent coulait à flots sans pour autant générer l’essor de ce secteur névralgique

Aissa Manseur, consultant en agriculture et conseiller à l’export

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