"Le concept de l'éco-cité peut générer une activité économique en Algérie" (Bernard Valero-DG d'AVITEM) - Maghreb Emergent

“Le concept de l’éco-cité peut générer une activité économique en Algérie” (Bernard Valero-DG d’AVITEM)

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Dans le cadre de la mise en œuvre de son projet « villes durables en Afrique », le ministère français de l’Europe et des affaires étrangères a sélectionné la ville de Ksar Tafilelt (Ghardaia), pour faire partie de ce programme, axé sur le concept des villes durables sur le continent. Chargée de la conduite du projet, l’Avitem (Agence des Villes et Territoires Méditerranéens Durables) vient d’achever sa mission intitulée « éco-cité Ksar Tafilelt », menée conjointement avec le ministère de l’environnement algérien, à Alger puis Ghardaia. L’Ambassadeur et Directeur Général de l’agence marseillaise, Bernard Valero, nous explique dans cet entretien exclusif, en quoi a consisté cette mission.

Maghreb Emergent : Pouvez-vous présenter l’AVITEM succinctement ?

Bernard Valero  : Notre agence est un acteur public de la coopération française. Pour être plus précis, c’est un Groupement d’Intérêt Public (GIP) au sein duquel se retrouve l’Etat (ministère de la Cohésion des territoires et ministère de l’Europe et des Affaires étrangères), deux collectivités territoriales du Sud de la France (Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et Métropole Nice Côte d’Azur) ainsi qu’un établissement public d’aménagement, l’EPA Euro-Méditerranée de Marseille.

L’AVITEM dispose d’un éventail de compétences-clés telles que l’expertise urbaine et territoriale (efficacité énergétique des bâtiments, rénovation de territoires urbains, relations ville-port, nature en ville, agriculture urbaine, tourisme durable, environnement, rénovation de l’habitat, etc..), plusieurs années d’expérience dans la formation de fonctionnaires et d’élus de collectivités territoriales, une pratique éprouvée dans le montage et la conduite de projets européens, la construction et l’animation de plusieurs réseaux d’acteurs (réseau des aménageurs, réseau des alumnis, réseau de partenaires européens, réseau de coopération territoriale du Sud) et la capacité à appuyer l’action extérieure des collectivités territoriales.

En quoi a consisté la mission de l’AVITEM en Algérie ? Et qu’est-ce que l’initiative « villes durables en Afrique » ?

Rencontrés dans le cadre du réseau des Aménageurs, les promoteurs du Ksar Tafilelt (Ghardaïa, Algérie) et la Fondation AMIDOUL ont montré que la ville résiliente et inclusive dans un environnement climatique contraignant en termes de ressources pouvait être une réalité tangible : savoir-vivre en société, l’amélioration de la qualité de vie dans un environnement ksourien, l’accès à la propriété, la promotion des traditions. Forts de leurs expériences respectives l’AVITEM et la Fondation AMIDOUL réfléchissent à mettre en commun leurs acquis, la complémentarité de leurs expertises pour consolider une réflexion partagée sur la ville durable, sous le contrôle des autorités algériennes.

La première rencontre entre les deux acteurs s’est déroulée fin février au Ksar Tafilelt. Pour sa part, l’initiative « ville durable en Afrique » est une initiative que la France et ses partenaires africains ont souhaité porter au sommet Afrique-France qui se tiendra à Bordeaux début juin prochain. De nombreux acteurs des villes et territoires durables se retrouveront pour développer de nouveaux partenariats durables avec l’ambition partagée de co-construire des écosystèmes urbains qui soient pérennes, innovants, fertiles et frugaux tout en accélérant la structuration de la filière économique durable. Le président de la République française accueillera à cette occasion l’ensemble de ses homologues africains à Bordeaux.

La Délégation à l’Action extérieure des Collectivités territoriales de ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a lancé en 2019 un appel à projet en vue de favoriser l’émergence de projets avec les partenaires de coopération. Ses principaux objectifs sont :

 – Mettre en place des projets de coopérations franco-africaines concernant la ville africaine pour favoriser le partage d’expérience et la réciprocité des échanges concernant la participation citoyenne, l’accès aux services essentiels, la planification et la gouvernance, la formation et le renforcement des compétences, la recherche d’équilibre urbain-rural, le renforcement du tissu économique local…

 – Faire émerger des projets de coopération sur la ville durable qui pourront être valorisés lors du Sommet Afrique-France de 2020 en vue d’échanger avec les partenaires africains sur les solutions à mettre en œuvre ensemble pour relever les défis, au Nord comme au Sud.

Quels sont les thèmes abordés durant l’entretien que vous avez eu avec le ministère de l’Environnement ? Et quels sont les partenaires sociaux avec qui vous collaborez dans le cadre de ce projet ?

Le ministère algérien de l’Environnement nous a présenté les principaux textes législatifs et réglementaires ainsi que les grandes actions qui structurent le développement environnemental du pays. Au regard des tendances actuelles (démographie, ouverture au tourisme, développement des énergies renouvelables, biodiversité, etc..), ces textes et ces actions deviennent essentiels. J’ai rencontré des interlocuteurs algériens particulièrement engagés sur ces thématiques qui sont d’une importance vitale pour tous les pays méditerranéens qu’ils soient du nord ou du sud. Les partenaires sont ceux du Ksar Tafilelt, c’est-à-dire la Fondation Amidoul.

Quelles sont les spécificités « écologiques et durables » qui vous intéressent particulièrement à Ksar Tafilelt ?

Le Ksar Tafilelt a déjà reçu de nombreuses récompenses : à Marrakech en 2016, pour la COP22, en 2015 à Rabat et en 2014 et 2012 à Alger. Ces distinctions portent sur la propreté de la cité, sur ses qualités architecturales ou encore sur ses aptitudes à développer des solutions écologiques et durables. Ce qui nous semble très spécifique au Ksar, c’est une approche innovante, transversale et pluridisciplinaire.

La ville se veut durable et de ce fait, doit adopter une approche systémique au regard de la rareté croissante des ressources (eau, alimentation, terres, énergie) mais aussi de son empreinte écologique (assainissement, déchets, transports, pollution). Nous avons beaucoup à apprendre de cette expérience de Ksar Tafilelt : De nombreuses opérations y sont en effet déjà mises en actes. Ainsi par exemple la sobriété des pratiques et des solutions environnementales et de résilience se développent dans cet environnement contraint en termes de conditions climatiques et de ressources.

Cet axe en appelle aux savoirs traditionnels pour proposer de nouvelles pistes d’adaptation au changement climatique à la fois naturelles, moins coûteuses et « low tech ». Pour cela, il se combine avec l’inclusivité et la responsabilisation des citoyens dans le cadre d’un engagement proactif pour le développement et l’entretien du capital urbain dans un cadre durable.

Par ailleurs, le projet ne peut être porté sans une gouvernance déterminée, à taille humaine et facilement reproductible sur l’ensemble des territoires urbains de la région. Enfin, le projet se construit sur une base financière axée sur la solidarité, par la création d’une Fondation dédiée autorisant à la fois la souplesse, la transparence et la pluralité des acteurs et permettant de créer un véritable effet d’appartenance autour du projet urbain collectif.

Selon vous, le concept de « l’éco-cité » algérienne est-il transposable dans d’autres régions de l’Algérie ? Peut-il générer une activité économique quelconque en Algérie ?

Oui sans aucun doute, c’est l’objectif même du dispositif « ville durable en Afrique » et c’est aussi une vision partagée par les promoteurs du Ksar. Non seulement ce concept peut essaimer dans votre pays mais nous visons aussi à contribuer à sa dissémination sur toute la zone couvrant le Sahel, le Sahara et la Méditerranée (c’est-à-dire la « charnière » eurafricaine), une région où tous ceux qui y vivent font face aux mêmes défis parmi lesquels la contrainte climatique n’est pas l’une des moindres.

Comment votre expérience peut-elle bénéficier aux acteurs de la ville et de l’urbanisme en Algérie ?

L’objectif poursuivi par le projet s’applique à l’ensemble des acteurs concernés par la co-construction d’écosystèmes urbains durables, innovants, frugaux et inclusifs, quel que soit le territoire. A cet égard, aux côtés du Ksar, il convient de valoriser les savoir-faire et qualifier les techniques ancestrales, de construire une démarche structurante et transversale qui puisse être dupliquée et, pourquoi pas, d’en déduire des actions de formation à monter dans le cadre de séminaires sur les enjeux systémiques, sur l’économie circulaire et sur la gouvernance des éco-cités, et des actions de capitalisation sous la forme d’un atelier/séminaire.

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