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Trois raisons qui font des élections législatives en Algérie un moindre enjeu qu’au Maroc

Par Yacine Temlali
mai 4, 2017
Trois raisons qui font des élections législatives en Algérie un moindre enjeu qu’au Maroc

La désaffection réelle des Algériens pour le choix de leurs députés est partie pour être plus forte que celle des Marocains pour les législatives d’octobre 2016. Petite explication par le texte de l’enjeu politique de l’une et de l’autre.

 

 

Le choix des députés du peuple n’a pas toujours été une élection mineure en Algérie. L’interruption du processus électoral des législatives entre les deux tours, le 11 janvier 1992, puis l’interdiction du parti vainqueur, le FIS, a entraîné le pays dans dix années de violences politiques aux conséquences se poursuivant à nos jours (résidus terroristes). Quatre révisions constitutionnelles sont intervenues depuis.

Les deux premières, en 1996 et en 2002, ont concouru directement à l’affaiblissement du pouvoir législatif : l’une en créant une deuxième Chambre au Parlement dont le contrôle incombe, en vérité, au tiers présidentiel ; l’autre en diminuant les prérogatives du Chef du gouvernement, responsable devant l’assemblée nationale. La troisième révision, en 2008, a concouru indirectement à ce même affaiblissement de l’instance législative en assurant la présidence à vie par la suppression de la limitation des mandats présidentiels.

Après la vague du Printemps arabe, les régimes arabes épargnés ont tenté des réformes politiques afin d’anticiper une explosion dans leurs pays. Au Maroc, cela s’est soldé par la Constitution de juillet 2011 qui a redonné des prérogatives plus importantes au Parlement. En Algérie, le processus a pris cinq ans de plus et s’est accommodé des reflux du Printemps arabe pour, finalement, proposer une révision constitutionnelle (mars 2016) qui ne concède rien aux trois précédents rabotages du pouvoir législatif.

L’enjeu des élections législatives a donc poursuivi son déclassement durant les années Bouteflika et ne peut prétendre rebondir ce 4 mai 2017, sous le quatrième mandat du président de la République, très diminué. Au même moment l’élection des députés est devenu un rendez-vous politique plus important au Maroc, même si l’équilibre du système est loin d’en faire « une monarchie constitutionnelle » comme affirmé à l’article 1er de la Constitution de 2011. 

 

Le vote pèse sur l’identité d’une partie de l’exécutif au Maroc 

 

Trois dispositions constitutionnelles expliquent l’écart qui s’est creusé dans la valorisation du rendez-vous politique des législatives entre les deux pays : le choix du Premier ministre, la nomination du gouvernement, la censure du gouvernement par la Chambre basse.

L’article 47 de la Constitution marocaine oblige le Roi a nommer le Premier ministre « au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des représentants et au vu de leurs résultats ». En Algérie la Constitution dilue en son article 91 la nomination du Premier ministre parmi 20 prérogatives et pouvoirs présidentiels selon la formule : « Il nomme le Premier ministre, la majorité parlementaire consultée, et met fin à ses fonctions ».

Au Maroc, en se déplaçant pour voter, les électeurs choisissent symboliquement la personnalité politique qui va diriger le futur gouvernement. En Algérie, le choix du Premier ministre a toujours été déconnecté du calendrier électoral parlementaire, et l’article 91 de la Constitution révisée en 2016 ne change pas cet état de fait puisque le Président de la république n’est pas tenu de le choisir au sein de la majorité parlementaire qu’il consulte.

La deuxième disposition qui rend l’enjeu des législatives plus important au Maroc qu’en Algérie est liée à la nomination des membres du gouvernement. Cette prérogative revient constitutionnellement au vainqueur des élections législatives au Maroc : « Sur proposition du chef du gouvernement, il (le roi) nomme les membres du gouvernement (article 47). Elle est réservée au président de la république en Algérie (article 93) : « Le Président de la république nomme les membres du gouvernement après consultation du Premier ministre ». L’enjeu du vote populaire est donc plus important au Maroc en ce qu’il engage l’identité d’une partie des ministres (la pratique veut que les postes-clés soient le fruit d’une négociation complexe). De nulle incidence en Algérie.

 

Le sort du gouvernement échappe aux parlementaires en Algérie

 

La troisième disposition qui, sur le plan du texte constitutionnel, donne un poids plus important aux membres de la Chambre basse au Maroc est liée à la censure du gouvernement. Il faut une majorité des deux tiers de l’assemblée nationale en Algérie pour faire tomber un gouvernement suite à une déclaration de politique générale du Premier ministre (article 154). Au Maroc, un vote à la majorité absolue (plus de 50%) suffit pour censurer un Chef du gouvernement et obtenir la démission de son gouvernement.

Cette différence paraît anodine. Elle est essentielle dans la consolidation d’un pouvoir législatif fort. Elle oblige la majorité parlementaire à veiller à consolider ses alliances afin de tenir la législature. La majorité des deux tiers, très difficile à obtenir, signifie que le sort du gouvernement ne dépend jamais du vote des députés mais seulement de la volonté présidentielle. Cette situation est aussi un facteur de dévalorisation de l’élection législative en Algérie. Plus largement elle atrophie la vie politique nationale.

Les avancées constitutionnelles au Maroc depuis 2011 ne doivent cependant pas laisser dupes de la vérité du pouvoir formel et informel le plus puissant dans l’action de l’exécutif, le Palais royal

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