Etonnant échange dans la proximité à Abidjan entre les politiques et le business. Clé des nouvelles pistes du développement en Afrique.
Le président Alassane Ouattara arborait un large sourire ce matin durant son allocution d’ouverture du désormais traditionnel Africa CEO forum qui se tient à nouveau en 2018 à Abidjan après une escapade sur les bords du lac Léman (Genève) en mars 2017. La conjoncture joue plutôt pour lui. La Cote d’Ivoire fait partie des 10 économies les plus dynamiques au monde, et au delà, l’afro-optimisme après un coup de plomb dans l’aile avec le ralentissement mondial est entrain de repartir. Conséquence, le discours présidentiel vend sans limite la destination Afrique pour l’épargne mondiale.
C’est là qu’il faut investir. Les infrastructures se sont améliorées (30% du budget tous les ans en Cote d’Ivoire), les TIC ont fait un bond en avant, les cadres légaux ont été mis à jour, le doing business est en progression constante. Le président Ivoirien cite le bureau d’étude Mc Kinsey : « D’ici 202 il existerait un potentiel de 5600 milliards de dollars d’opportunités d’affaires en Afrique (contre 4000 milliards aujourd’hui) dont 2100 milliards de dollars pour la consommation des ménages et 3500 milliards de dollars de dépenses « d’entreprise à entreprise » (B2B).
Cette croissance forte promise au continent noir – « en 2050 une personne sur quatre sera africaine dans un monde vieillissant » – elle doit être portée par le secteur privé. Pour le président Alassane Ouattara, « le privé est le moteur de la croissance en Afrique ».
Alassane Ouattara et le capital privé
Le discours politiques des chefs d’Etat africains présents à la séance inaugurale de l’ACF 2018 – il y’a aussi les présidents Ghanéen et Zimbabwéen, et construit autour d’un présupposé essentiel. Sans apport de capitaux privés, l’Etat ne peut pas assurer seul le développement. Le président Ivoirien a multiplié les interpellations directs aux investisseurs : « regardez, nous faisons des efforts dans la construction des institutions vous pouvez nous faire confiance », « les progrès dans le Doing Business sont appréciables mais restent insuffisants nous allons faire mieux ». En retour, il s’est adressé aux banquiers, j’en vois quelques uns au premier rang » a-t-il relevé malicieusement, pour leur faire la démonstration que leur niveau de provisions pour couvrir leurs engagements dans le financement des infrastructures est trop élevé et entraine un taux d’intérêt onéreux, injustifié « Les risques d’impayés, l’instabilité, tout cela c’est fini. Messieurs les banquiers, baisser vos taux d’intérêts ».
Le gap entre le taux ciblé par le gouvernement ivoirien et celui pratiqué par la place reste important 6,5% contre 10%. Le président ivoirien déplore la relative faiblesse du capitalisme domestique en Afrique : « Nous ne disposons en Afrique que de 400 entreprises dont le chiffre d’affaire dépasse 1 milliard de dollars et aucune d’elles n’est dans le classement « Fortune Global 500 » des 500 plus grandes entreprises au monde » . Il recommande alors de mettre le cap sur l’innovation technologique, s’emparer des transformations numériques des économies pour réduire les écarts de performance du secteur privé africain avec celui du monde développé.
L’ambition du président Afuko-Addo
A Abidjan, dans la grande salle des conférences du Sofitel Ivoire au bord de la Lagune, la star des réseaux sociaux africains, le nouveau président du Ghana, Nana Afuko-Addo a échangé pendant trente minutes avec Paul Polman, le PDG de Unilever, géant mondial de l’agro-industrie. C’est la tonalité même du forum qui s’est cristallisée dans ce panel intitulé « When Politics meets Business ». Rencontre improbable.
Le premier est le champion de la transformation locale. Il presse depuis son élection en janvier 2017 son voisin de l’Est, la Cote d’Ivoire a co-investir dans l’industrie du cacao. « A nous deux, nous détenons 60% de la production mondiale et nous ne transformons rien localement ». Une veille anomalie qu’il veut vite corriger. Le second incarne le capitalisme mondial propre sur lui. Un discours de HSE et de win-win bien huilé.
« Lorsque les conditions sont bonnes nous sommes prêts à investir. Nous n’avons aucun intérêt à laisser des populations vivre avec deux dollars par jour. Nous voulons qu’elles soient prospères car c’est aussi bien pour notre business ». Mais c’est quoi de « bonnes conditions » pour venir investir au Ghana par exemple ? Le président Afudo-Addo tient le même discours pro-business que son ami Alassane Ouattara. Mais il ajoute « je veux que les compagnies multinationales se conduisent vis-à-vis de l’impôt chez nous comme elles le font chez elles, loyalement. Pas d’évasions, pas de paradis fiscaux ». Le PDG de Unilever a bien écouté le président du Ghana. L’Afrique compte beaucoup sur l’investissement privé pour augmenter la part de valeur ajoutée localement créée. Elle aspire aussi à travailler avec des investisseurs privés qui comprennent la contrainte du développement. Sans ressources fiscales souveraines tout le monde est perdant.