Le président du Collège national des experts architectes, Abdelhamid Boudaoud, estime que les administrations ne jouent pas leur rôle dans la rationalisation de l’acte de bâtir. C’est notamment le cas pour la résilience des villes et pour l’achèvement des constructions qui sont des phénomènes pénalisant lourdement les usagers concernés. Entretien.
L’application de la loi 08/15 portant sur la mise en conformité des constructions et leur achèvement a révélé de nombreux dysfonctionnements dans l’acte de bâtir, que fait le Collège national des experts architectes pour changer la donne ?
Il faut souligner que dans le cadre des réunions périodiques initiées par le Collège, une rencontre regroupant un panel de professionnels du secteur s’est le 30 novembre 2016. Les thèmes débattus par les participants ont trait justement au rôle des professionnels du bâtiment pour améliorer l’acte de bâtir. On s’est aussi penché sur l’application de la loi 08/15 portant mise en conformité des constructions et leur achèvement. Les architectes ont émis le souhait de voir leurs œuvres réalisées fidèlement ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. On a constaté qu’il y a une absence évidente chez l’usager, l’entrepreneur et l’administration de la culture de l’architecture et de l’urbanisme. L’architecte effectue des études pour de nombreux logements et il na même pas la mission de suivi et de contrôle de la réalisation ce qui est pourtant primordial. A cela s’ajoute la concurrence déloyale et le clientélisme dans le suivi où des confrères soumissionnent avec des niveaux de prix inqualifiables. A côté de cela, les architectes ne sont même pas invités à l’inauguration des projets qu’ils ont pourtant initiés alors qu’à l’étranger, ils sont décorés et les projets portent leurs noms en guise de reconnaissance.
Est-ce là les raisons de l’anarchie en matière d’architecture ?
Mis à part le fait que les projets sont attribués après un concours, le reste de la chaîne a engendré une anarchie architecturale que le pays tout entier subit, aboutissant à un bâti hideux. Le problème est visible notamment dans le secteur privé qui n’utilise le permis de construire que pour démarrer les travaux sans aucun respect des normes de construction.
Pourquoi l’administration ne met pas le holà a à cette situation ? Et qu’est-ce qui est prévu à cet égard ?
L’article 6 de la loi 04-05 du 15 août 2004 stipule que le président de l’Assemblée populaire communale ainsi que les agents dûment habilités doivent visiter les constructions en cours, procéder aux vérifications qu’ils jugent utiles et se faire communiquer, à tout moment, les documents techniques se rapportant à la construction. Il s’agit notamment de s’assurer que la surface bâtie est respectée et que l’alignement est garanti. En outre, le permis de lotir et les procès verbaux d’implantation sont prévus par la loi mais ils ne sont jamais exigés pour autoriser la poursuite des travaux.
Il y a d’autres corps de métier qui sont concernés…
L’hydrogéologue et l’expert géomètre ont un rôle déterminant dans la construction. Mais malheureusement, ils ne sont jamais associés ce qui complique les imperfections enregistrées au niveau de nombreux projets.
Quelles sont les autres imperfections constatées ?
On ne s’explique toujours pas comment des bâtisses et des commerces ne disposant pas de certificat de conformité accèdent aux services de l’électricité, du gaz, de l’eau, du téléphone, d’internet et même de registre de commerce.
Pourtant la planification et la sécurité urbaine sont nécessaires….
Ces deux paramètres n’existent pas alors même que chaque lotissement doit être couvert par un Plan d’occupation du sol (POS) conformément aux dispositions de la loi 90-29 du 1er décembre 1990 stipulant dans son article 34 que chaque commune doit être couverte par un POS dont les différents plans sont greffés à ce dernier tels que la carte géologique, la cartographie des zones inondables, les plans des zones des catastrophes naturelles et industrielles.
Est-ce que les compétences exigées sont disponibles ?
Contrairement aux autres secteurs (finances, éducation, collectivités locales, hydraulique, travaux publics, industrie, agriculture, sport…..), les directeurs d’urbanisme sont placés sous la tutelle directe des présidents des APC. J’estime qu’ils doivent être désignés et nommés par le ministère de l’Habitat et maîtriser parfaitement la législation en la matière.
Y compris la loi sur la régularisation des constructions inachevées ?
En ce qui concerne la loi 08-15 du 20 juillet 2008 sur la régularisation des constructions inachevées qui a été prolongée, le fait que les demandes de régularisation qui remontent à 5 ou 6 ans sont sans réponse à ce jour inquiète les architectes. Selon un recensement de 2016, 569 851 dossiers ont été transmis aux commissions de daïra et aux directions de l’urbanisme dont 425 078 ont été traités. Les commissions ont émis un avis favorable pour 238 919 dossiers (56%des dossiers traités) contre 75 904 dossiers rejetés (18%).