Le premier ministre Abdelmalek Sellal minimise la crise actuelle. Elle est moins dure que celle de 1986, dit-il, confirmant que pour lui, l’économie algérienne fait face à un simple problème de liquidités.
Le gouvernement de M. Abdelmalek Sellal continue de tâtonner. Tout en préparant une série de mesures d’austérité, qu’il estime inévitables pour atténuer l’ampleur du déficit budgétaire, M. Sellal tient un discours qui se veut rassurant mais vigilant face à la chute vertigineuse des revenus extérieurs du pays. Pour l’année 2015, la baisse devrait atteindre 35 milliards de dollars, plus de la moitié de ce qu’avaient rapporté les hydrocarbures en 2013. Des augmentations des prix de produits fortement subventionnés, comme le carburant, l’électricité et le lait, sont à l’étude.
Ce qu’a dit le premier ministre lors de la rencontre avec les « experts », organisée par le Conseil National Economique et Social (CNES), révèle bien la persistance de ce discours à deux tons. Après des mois passés à nier l’évidence, M. Sellal admet désormais que « la conjoncture actuelle est difficile ».Mais il promet « la poursuite du développement socioéconomique du pays, tout en préservant le pouvoir d’achat, et en poursuivant l’effort social et les programmes dans les domaines de l’emploi, du logement, de la santé et de l’éducation. Pour lui, il s’agit là des « principaux axes » de la politique du gouvernement.
Contraste
Comment atteindre ces objectifs avec des revenus extérieurs qui ont baissé de moitié ? Grâce à « la rationalisation des dépenses, une meilleure maîtrise du commerce extérieur et des flux de capitaux », dit-il. C’est visiblement peu pour faire face à l’ampleur du problème. En fait, M. Sellal pense que l’économie algérienne souffre d’un simple problème de liquidités, susceptible d’être dépassé par de simples mesures techniques.
Il persiste dans un diagnostic erroné, quand il compare la situation actuelle et celle de 1986. « Notre situation macroéconomique est nettement meilleure que celle qui prévalait lors du choc pétrolier de 1986 », dit-il, ce qui confirme que pour lui, les difficultés actuelles sont le résultat de la baisse des revenus extérieurs.
Tayeb Hafsi, professeur de management, a un point de vue radicalement différent. « Les problèmes de l’économie nationale sont, en grande partie, d’ordre institutionnel et organisationnel. Ils ne découlent donc pas de la baisse des revenus de l’Etat, sous l’effet de la diminution des recettes pétrolières », dit-il. Pour lui, les choses sont claires : « le problème est lié à l’incohérence dans la gestion de l’économie ».
Incantations
Le décalage entre ce que dit le premier ministre et ce que préconisent les économistes est tout aussi important. Il apparait sur deux points évoqués par M. Sellal. Pour souligner le début d’un redressement économique qu’il entrevoit, le premier ministre a choisi de citer les projets en cours de réalisation dans la sidérurgie et le ciment. Outre que ces projets trainent depuis des années, ce type de production primaire ne signifie plus grand chose dans l’économie moderne. Certes, il s’agit d’investissements lourds, mais ils intègrent peu de technologie, et ils ne sont pas très complexes.
D’autre part, M. Sellal se perd dans des considérations secondaires quand il évoque « le changement de mentalités ». Selon lui, « avant les lois et règlements, avant les budgets, avant les mesures de toutes sortes, nous devons tous opérer une véritable révolution dans nos modes de pensées et nos idées reçues». Cette attitude moralisante occulte un déficit managérial évident. Une mutation économique ne peut pas être menée par des incantations. C’est un projet basé sur des choix économiques et financiers, appuyés par un travail politique de grande envergure.