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Affaire Hezbollah : Les rapports entre l’Algérie et les monarchies du Golfe s’acheminent vers le conflit

Par Yacine Temlali
mars 12, 2016
Affaire Hezbollah : Les rapports entre l’Algérie et les monarchies du Golfe s’acheminent vers le conflit

La campagne contre l’Algérie a pris une tournure violente et le gouvernement algérien est qualifié de « traître à l’islam », « d’allié des safavides »…

 

 

Les travaux de la 145e session ordinaire du Conseil des ministres arabes des Affaires étrangères auront lieu, jeudi 10 mars 2016 au Caire. Le ministre des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes, Abdelkader Messahel représentera l’Algérie qui pourrait se retrouver dans une chaude bataille avec les monarchies du Golfe.

Les divergences, gérées en « silence » entre l’Algérie et les monarchies ont pris un tour public après la décision, controversée, du Conseil des ministres de l’intérieur arabes réuni à Tunis de classer le Hezbollah comme une organisation terroriste.

L’Algérie ne s’est pas contentée d’exprimer des réserves. Son chef de la diplomatie, Ramtane Lamamra est monté au créneau pour souligner que l’Algérie considère « le Hezbollah comme un mouvement politique et militaire du Liban qui est régi par les lois de ce pays » et un « acteur important dans ce pays frère ».

Une deuxième précision du ministère des affaires étrangères, apparemment destinée à atténuer la répartie sèche de Lamamra, a souligné que l’Algérie « refuse de s’exprimer en lieu et place des Libanais dans une affaire qui les concerne ».

Dans cette deuxième précision, le Hezbollah est également interpellé : « il est clair que ce mouvement, membre de la coalition gouvernementale et acteur au niveau du Parlement libanais dans lesquels il compte de nombreux représentants, a lui également le devoir de ne pas s’ingérer dans les affaires des autres et d’éviter toute implication dans la déstabilisation de son environnement ».

 

Les remerciements de Nasrallah, la haine des médias du Golfe

 

Dans l’absolu, la formule est dans la logique de la doctrine officielle de refus de l’ingérence dans les affaires intérieures d’autrui. Dans les faits, cela semble être une remontrance en direction du Hezbollah qui est, effectivement, engagé sur le théâtre syrien et irakien.

Et il n’est pas le seul. Les Saoudiens et les monarchies du Golfe ont joué, bien avant, un rôle important dans la guerre en Syrie et aussi en Irak. Sans oublier le Yémen où ils sont engagés dans une guerre ouverte.

Les conflits dans cette région, même quand ils sont internes ou locaux, prennent rapidement l’allure d’un bras de fer régional et international.

Le Hezbollah est intervenu en Syrie -bien après l’afflux des djihadistes étrangers pour renforcer l’opposition syrienne- car il considère que la chute du régime de Damas le met, ainsi que le Liban, devant une menace existentielle.

Il reste que la petite remontrance de « rééquilibrage » d’Alger en direction du Hezbollah a peu de chance d’être appréciée par les monarchies du Golfe qui classent carrément l’Algérie parmi les adversaires voire les ennemis.

Hassan Nasrallah n’a pas relevé cette remontrance dans le discours qu’il a prononcé récemment et où il a remercié l’Algérie et les pays qui ont refusé de suivre l’Arabie saoudite et ont empêché qu’une « unanimité arabe » se réalise sur cette décision controversée.

A l’opposé, la campagne contre l’Algérie a pris une tournure violente et le gouvernement algérien est qualifié de « traître à l’islam », « d’allié des safavides »…

Selon le communiqué des affaires étrangères, l’Algérie compte au cours de la réunion de demain réaffirmer, «son soutien indéfectible à la cause palestinienne et sa position en faveur d’un règlement pacifique des crises dans le monde arabe, notamment en Libye, au Yémen et en Syrie».

 

Chantage sur le Liban

 

Pas de quoi enchanter les monarchies du Golfe dont la nervosité prend l’aspect de panique avec l’inversion du rapport de forces en Syrie du fait du soutien apporté par l’Iran et la Russie au régime syrien. Les pressions et les punitions infligées par l’Arabie saoudite au Liban en disent long sur cet aspect.

Si certains alliés libanais des saoudiens ont applaudi, le comportement saoudien a révulsé de nombreux libanais y compris parmi les adversaires du Hezbollah qui font remarquer que Ryad joue dangereusement sur les équilibres sociaux du pays.

Sa décision de suspendre le financement du méga-contrat d’équipement de l’armée libanaise de 3 milliards de dollars et d’appeler ses ressortissants à ne plus se rendre au Liban est clairement un chantage en direction des libanais avec un message clair : faites la guerre au Hezbollah, alignez-vous. C’est qu’avec la guerre en Syrie, les choses ont évolué au Liban.

Chez les chrétiens libanais qui étaient hostiles à Damas, l’évolution est nette avec une prise de distance franche avec l’opposition syrienne très largement dominée par les islamistes.

Chez les druzes – et malgré l’hostilité persistante de Joumblatt à l’égard de Bachar al-Assad – la même évolution se fait jour.

D’où ces pressions intolérables sur le Liban dont la finalité est de faire imploser le Liban dans une nouvelle guerre interne. Depuis quelques semaines, des informations circulent sur la très mauvaise passe financière de l’entreprise Saudi Oger, fondée en Arabie saoudite à la fin des années 1970 par Rafic Hariri. L’entreprise qui vit surtout des commandes du Palais royal ne parvient plus à payer ses 39.000 employés.

 

Le machin arabe

 

Il s’agit, selon des analystes, de pressions claires sur Saad Hariri pour le contraindre à aller à un clash dangereux avec le Hezbollah. C’est un jeu très dangereux qui cible le Liban qui a réussi assez bien – c’est presque un miracle – à se préserver des effets de la guerre en Syrie.

L’Algérie qui a refusé de rallier l’alliance militaire « sunnite » mise en place par l’Arabie saoudite ne doit pas s’attendre, demain, à une réunion « paisible ». Il est probable que les monarchies du Golfe qui considèrent que la Ligue arabe est leur chose reviennent à la charge sur le dossier du Hezbollah.

Au-delà, il faut admettre que l’Algérie -ainsi que d’autres pays- n’a pas réussi au cours de ces dernières années à empêcher les monarchies du Golfe à faire de la Ligue un instrument qui entretient les clivages et les guerres. Il n’est pas impertinent de soulever la question de la pertinence de participer à une Ligue devenue de fait un CGG bis.

Le Conseil des monarchies du Golfe n’est pas censé être la Ligue. Il l’est de facto depuis des années. Il faudra sans doute en tirer des conclusions : après tout ce machin arabe n’a démontré que sa nocivité…

 

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