Me Bouitaouene Tayeb a plaidé ce mardi la cause des commissaires aux comptes M. Sakhra Hamid et M. Mimi Lakhdar, poursuivis pour dissimulation des faits et non dénonciation au Procureur de la République. Mandatés en 1998 par Al Khalifa Bank pour réaliser le contrôle des états financiers et la sincérité des bilans pour une durée de trois ans, MM. Sakhra et Lakhdar ont relevé lors de l’accomplissement de leur mission des anomalies et des irrégularités dans la gestion de la Banque Al Khalifa (bilan non réalisé dans les délais, non respect du ratio de solvabilité fixé à 8% du budget par la réglementation bancaire, non existence de traçabilité bancaire etc.).
« Les commissaires aux comptes alertaient moyennant leurs rapports le P-DG de la banque Al Khalifa ainsi que les responsables de la banque d’Algérie, et ce, dans les délais convenus », précise Me Bouitaouene au juge Antar Menouar. La preuve en est, un rapport des inspecteurs de la Banque d’Algérie datant du 5 septembre 2000, sur leur mission qui s’étalait du 1 juin au 31 juillet de la même année. Sur le rapport, dont nous avons eu une copie, il est précisé que les commissaires aux comptes avisaient la Banque d’Algérie sur les anomalies relevant des règles prudentielles « et non pas de l’article 380 du code du commerce comme le prétend le procureur général », tient à souligner Me Bouitaouene. Il rappelle à ce propos les auditions des différentes personnalités qui ont affirmé l’accomplissement de la mission des commissaires aux comptes en bonne et due forme entre 1998 et 2000. Il met en avant également le rapport spécial émis par les commissaires aux comptes le 28 juin 2000, en direction des autorités bancaires et financière. « Au-delà de 2000- date de la fin de la mission-mes mandants ne sont plus responsables de ce qui est survenu », insiste Me Bouitaouene en informant que les commissaires aux comptes avaient refusé le 31 décembre 2000, la prorogation de leur mission comme le demandait les responsables d’Al Khalifa Bank, pour cause de » gestion anarchique de la Banque ».
L’immobilisme intriguant de la Banque d’Algérie
L’avocat des commissaires aux comptes s’interroge ensuite sur l’immobilisme intriguant des responsables de la Banque d’Algérie entre 2000 et 2003. « Pourquoi les responsables de la Banque d’Algérie non pas bougé lorsqu’ils étaient alertés et ont attendu jusqu’à 2002 pour réagir ? », s’interroge-t-il. Dans une déclaration à Maghreb Emergent, Me Bouitaouene Tayeb estime que cette absence de réaction de la Banque d’Algérie est motivée par la peur des responsables de cette dernière d’un homme « puissant » qui refusait même de recevoir des ministres faute de temps! ». Il nous rappelle que même M. Badsi Moncef le liquidateur de la banque Al Khalifa, a souligné devant le juge que la méthode de sondage utilisée par les commissaires aux comptes diffère de celle- systématique- des experts comptables qui sont tenus de vérifier les inventaires, les rapprochements des comptes bancaires et des soldes, sans être obligés de trouver des anomalies ».
Me Bouitaouene regrette enfin que l’article 421 du code pénal relatif à la mauvaise gestion ne soit plus en vigueur, car » Si cet article était appliqué, les responsables de la Banque d’Algérie seraient aujourd’hui derrière les verrous pour ne pas avoir pris le mesures qu’il fallait au moment où il le fallait », considère-t-il.
Le parquet de Blida a requis le 06 juin, 5 ans de prison ferme contre ces deux commissaires. Un réquisitoire que Me Bouitaouene juge infondé du point de vue du droit, car « le Ministère Public n’a pas discuté les inculpations prévues dans l’article 830 du code du commerce, et n’a pas démontré l’existence des éléments constitutifs de cette infraction », conclut-il.