Du jamais vu dans l’histoire des relations franco-algériennes. Emmanuel Macron a brisé ce lundi les codes de la diplomatie feutrée en portant une attaque d’une virulence inédite contre Alger. Une rupture historique dans la posture traditionnellement prudente des présidents français face à l’ancien territoire colonial.
Le choix du cadre est tout aussi fracassant que le fond. La conférence annuelle des ambassadeurs, tribune officielle et solennelle s’il en est. Un choix qui rompt délibérément avec des décennies de pratique diplomatique où les désaccords avec Alger se réglaient dans la discrétion des canaux officiels.
“L’Algérie entre dans une histoire qui la déshonore”, a tonné le chef de l’État français lors de son discours. Des mots d’une violence diplomatique rare qui marquent un tournant dans les relations entre les deux pays. Jamais, depuis l’indépendance de 1962, un président français n’avait osé qualifier ainsi la politique algérienne.
L’affaire Boualem Sansal, ce romancier franco-algérien emprisonné depuis novembre, a fait sauter les derniers verrous de la retenue diplomatique. Macron, rompant avec soixante ans de précautions oratoires, accuse frontalement le régime algérien de pratiques “totalement arbitraires” – une première dans la bouche d’un chef d’État français.
Cette charge présidentielle fait probablement suite aux propos du président Tebboune qui, la semaine dernière lors de la rencontre Gouvernement-Walis, avait qualifié l’écrivain “d’imposteur qui ne connaît pas son père, envoyé par la France” – une insulte particulièrement cinglante dans la culture maghrébine. Le ton monte, les masques tombent.
Cette escalade verbale sans précédent intervient alors que l’état de santé de Sansal inquiète. “Ce n’est pas à la hauteur de ce qu’elle est”, a asséné Macron à propos de l’Algérie, dans ce qui ressemble à un coup de boutoir contre les fondements mêmes du régime algérien.
La veille de cette sortie présidentielle, Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, avait déjà donné le ton sur RTL . “Je suis, comme le président de la République, très préoccupé par le fait que la demande de libération adressée par Sansal et ses avocats a été rejetée”, a-t-il déclaré, confirmant ainsi la nouvelle ligne dure adoptée par Paris.
Cette rupture historique dans le dialogue franco-algérien marque-t-elle la fin d’une époque ? Une chose est sûre : en osant défier ouvertement Alger, Macron vient de franchir un Rubicon diplomatique. Un pari risqué qui pourrait redéfinir durablement les relations entre les deux pays, déjà marquées par des décennies de non-dits et de tensions larvées.
Yasser Kassama